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Appel au peuple Algérien

 

Texte intégral du premier appel adressé par le Secrétariat général du Front de libération nationale au peuple algérien le 1er Novembre 1954

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PEUPLE ALGÉRIEN, MILITANTS DE LA CAUSE NATIONALE, A vous qui êtes appelés à nous juger (le premier d’une façon générale, les seconds tout particulièrement), notre souci en diffusant la présente proclamation est de vous éclairer sur les raisons profondes qui nous ont poussés à agir en vous exposant notre programme, le sens de notre action, le bien-fondé de nos vues dont le but demeure l’indépendance nationale dans le cadre nord-africain. Notre désir aussi est de vous éviter la confusion que pourraient entretenir l’impérialisme et ses agents administratifs et autres politicailleurs véreux. Nous considérons avant tout qu’après des décades de lutte, le mouvement nationale a atteint sa phase de réalisation.

En effet, le but d’un mouvement révolutionnaire étant de créer toutes les conditions d’une action libératrice, nous estimons que, sous ses aspects internes, le peuple est uni derrière le mot d’ordre d’indépendance et d’action et, sous les aspects extérieurs, le climat de détente est favorable pour le règlement des problèmes mineurs, dont le nôtre, avec surtout l’appui diplomatique de nos frères arabo-musulmans. Les événements du Maroc et de Tunisie sont à ce sujet significatifs et marquent profondément le processus de la lutte de libération de l’Afrique du Nord. A noter dans ce domaine que nous avons depuis fort longtemps été les précurseurs de l’unité dans l’action, malheureusement jamais réalisée entre les trois pays. Aujourd’hui, les uns et les autres sont engagés résolument dans cette voie, et nous, relégués à l’arrière, nous subissons le sort de ceux qui sont dépassés. C’est ainsi que notre mouvement national, terrassé par des années d’immobilisme et de routine, mal orienté, privé du soutien indispensable de l’opinion populaire, dépassé par les événements, se désagrège progressivement à la grande satisfaction du colonialisme qui croit avoir remporté la plus grande victoire de sa lutte contre l’avant-garde algérienne. L’HEURE EST GRAVE ! Devant cette situation qui risque de devenir irréparable, une équipe de jeunes responsables et militants conscients, ralliant autour d’elle la majorités des éléments encore sains et décidés, a jugé le moment venu de sortir le mouvement national de l’impasse où l’ont acculé les luttes de personnes et d’influence, pour le lancer aux côtés des frères marocains et tunisiens dans la véritable lutte révolutionnaire. Nous tenons à cet effet à préciser que nous sommes indépendants des deux clans qui se disputent le pouvoir. Plaçant l’intérêt national au-dessus de toutes les considérations mesquines et erronées de personnes et prestige, conformément aux principes révolutionnaires, notre action est dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi et aveugle, qui s’est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifique. Ce sont la, nous pensons, des raisons suffisantes qui font que notre mouvement de rénovation se présente sous l’étiquette de FRONT DE LIBÉRATION NATIONALE, se dégageant ainsi de toutes les compromissions possibles et offrant la possibilité à tous les patriotes algériens de toutes les couches sociales, de tous les partis et mouvements purement algériens, de s’intégrer dans la lutte de libération sans aucune autre considération. Pour préciser, nous retraçons ci-après, les grandes lignes de notre programme politique : BUT : L’Indépendance nationale par :

1) La restauration de l’Etat algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques.

2) Le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinction de races et de confessions. OBJECTIFS INTÉRIEURS:

               1) Assainissement politique par la remise du mouvement national révolutionnaire dans sa véritable voie et par l’anéantissement de tous les vestiges de corruption et de réformisme, cause de notre régression actuelle.

              2) Rassemblement et organisation de toutes les énergies saines du peuple algérien pour la liquidation du système colonial. OBJECTIFS EXTÉRIEURS:

- Internationalisation du problème algérien.

- Réalisation de l’Unité nord-africaine dans le cadre naturel arabo-musulman.

- Dans le cadre de la charte des Nations Unies, affirmation de notre sympathie à l’égard de toutes nations qui appuieraient notre action libératrice.

 MOYENS DE LUTTE :

Conformément aux principes révolutionnaires et comptes tenu des situations intérieure et extérieure, la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu’à la réalisation de notre but. Pour parvenir à ces fins, le Front de libération nationale aura deux tâches essentielles à mener de front et simultanément : une action intérieure tant sur le plan politique que sur le plan de l’action propre, et une action extérieure en vue de faire du problème algérien une réalité pour le monde entier avec l’appui de tous nos alliés naturels. C’est là une tâche écrasante qui nécessite la mobilisation de toutes les énergies et toutes les ressources nationales. Il est vrai, la lutte sera longue mais l’issue est certaine. En dernier lieu, afin d’éviter les fausses interprétations et les faux-fuyants, pour prouver notre désir de paix, limiter les pertes en vies humains et les effusions de sang, nous avançons une plate-forme honorable de discussion aux autorités françaises si ces dernières sont animées de bonne foi et reconnaissent une fois pour toutes aux peuples qu’elles subjuguent le droit de disposer d’eux-mêmes.

1) La reconnaissance de la nationalité algérienne par une déclaration officielle abrogeant les édits, décrets et lois faisant de l’Algérie une terre française en déni de l’histoire, de la géographie, de la longue, de la religion et des mœurs du peuple algérien.

2) l’ouverture des négociations avec les porte-parole autorisés du peuple algérien sur les bases de la reconnaissance de la souveraineté algérienne, une et indivisible. 3) La création d’un climat de confiance par la libération de tous les détenus politiques, la levée de toutes les mesures d’exception et l’arrêt de toute poursuite contre les forces combattantes. EN

CONTREPARTIE :

1) Les intérêts français, culturels et économiques, honnêtement acquis, seront respectés ainsi que les personnes et les familles.

 2) Tous les français désirant rester en Algérie auront le choix entre leur nationalité et seront de ce fait considérés comme étrangers vis-à-vis des lois en vigueur ou opteront pour la nationalité algérienne et, dans ce cas, seront considérés comme tels en droits et en devoirs.

3) Les liens entre la France et l’Algérie seront définis et feront l’objet d’un accord entre les deux puissances sur la base de l’égalité et du respect de chacun. Algérien ! nous t’invitons à méditer notre charte ci-dessus. Ton devoir est de t’y associer pour sauver notre pays et lui rendre sa liberté ; le Front de libération nationale est ton front, sa victoire est la tienne. Quant à nous, résolus à poursuivre la lutte, sûrs de tes sentiments anti-impérialistes, nous donnons le meilleur de nous-mêmes à la patrie. 1er Novembre 1954

Le Secrétariat national

 

Plate-forme du congrès de la Soummam

 

POUR ASSURER LE TRIOMPHE DE LA REVOLUTION ALGERIENNE , DANS LA LUTTE POUR L'INDEPENDANCE NATIONALE

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INTRODUCTION

Les extraits de la présente plate-forme d'action du FRONT DE LIBERATION NATIONALE ont pour objet de définir, d'une façon générale, la position du FLN, à une étape déterminante de la Révolution Algérienne. Elle est divisée en trois parties :

 I) La situation politique actuelle.

II) Les perspectives générales.

III) Les moyens d'actions et de propagande.

I) LA SITUATION POLITIQUE ACTUELLE

• A) L'ESSOR IMPETUEUX DE LA REVOLUTION ALGERIENNE L'Algérie, depuis deux ans, combat avec héroïsme pour l'indépendance nationale. La révolution patriotique et anticolonialiste est en marche. Elle force l'admiration de l'opinion mondiale.

        a. La Résistance armée. En une période relativement courte, l'Armée de Libération Nationale, localisée dans l'Aurès et la Kabylie , a subi avec succès l'épreuve du feu. Elle a triomphé de la compagne d'encerclement et d'anéantissement menée par une armée puissante, moderne, au service du régime colonialiste d'un des plus grands Etats du monde. Malgré la pénurie provisoire d'armement, elle a développé les opérations de guérillas, de harcèlement, de sabotage, s'étendant aujourd'hui à l'ensemble du territoire national. Elle a consolidé sans cesse ses positions en améliorant sa tactique, sa technique, son efficacité. Elle a su passer rapidement de la guérilla au niveau de la guerre partielle. Elle a su combiner harmonieusement les méthodes éprouvées des guerres anti-colonialistes avec les formes les plus classiques en les adoptant intelligemment aux particularités du pays. Elle a déjà fourni la preuve suffisante, maintenant que son organisation militaire est unifiée, qu'elle possède la science de la stratégie d'une guerre englobant l'ensemble de l'Algérie. L'Armée de Libération Nationale se bat pour une cause juste. Elle groupe des patriotes, des volontaires, des combattants décidés à lutter avec abnégation jusqu'à la délivrance de la patrie martyre. Elle s'est renforcée par le sursaut patriotique d'officiers, de sous-officiers et de soldats de carrière ou du contingent, désertant en masse avec armes et bagages les rangs de l'armée française. Pour la première fois dans les annales militaires, la Allemagne ne peut plus compter sur le « loyalisme » des troupes algériennes. Elle est obligée de les transférer en Allemagne et en Allemagne. Les Harkas de goumiers, recrutés parmi les chômeurs souvent trompés sur la nature du « travail » pour lequel ils étaient appelés, disparaissent dans le maquis. Certaines sont désarmées et dissoutes par les autorités mécontentes. Les réserves humaines de l'ALN sont inépuisables. Elle est souvent obligée de refuser l'enrôlement des Algériens jeunes et vieux, des villes et campagnes, impatients de mériter l'honneur d'être soldats de leur « Armée ». Elle bénéficie pleinement de l'amour du peuple algérien, de son soutien enthousiaste, de sa solidarité agissante, morale et matérielle, totale et indéfectible. Les officiers supérieurs, les commandants de zones, les commissaires politiques, les cadres et soldats de l'Armée de Libération Nationale sont honorés comme des héros nationaux, glorifiés dans des chants populaires qui ont déjà pénétré aussi bien dans l'humble gourbi que la misérable Khaïma, la ghorfa des casbahs comme le salon des villas. Telles sont les raisons essentielles du « miracle algérien » : l'ALN tenant en échec la force colossale de l'armée colonialiste française, renforcée par les divisions « atomiques » prélevées sur les forces de l' OTAN . Voilà pourquoi en dépit des incessants renforts, jugés aussitôt insuffisants, malgré le quadrillage ou autre technique aussi inopérante que les déluges de feu, les généraux français sont obligés de reconnaître que la solution militaire est impossible pour résoudre le problème algérien. Nous devons signaler particulièrement la formation de nombreux maquis urbains qui, d'ores et déjà, constituent une seconde armée sans uniforme. Les groupes armés dans les villes et villages se sont notamment signalés par des attentats contre les commissariats de police, les postes de gendarmerie, les sabotages de bâtiments publics, les incendies, la suppression de gradés de la police, de mouchards, de traîtres. Ce qui affaiblit d'une façon considérable l'armature militaire et policière de l'ennemi colonialiste, augmente la dispersion de ses forces sur l'ensemble du sol national, mais aussi accentue la détérioration du moral des troupes, maintenus dans un état d'énervement et de fatigue par la nécessité de rester sur un qui-vive angoissant. C'est un fait indéniable que l'action de l'ALN a bouleversé le climat politique en Algérie. Elle a provoqué un choc psychologique qui a libéré le peuple de sa torpeur de la peur, de son scepticisme. Elle a permis au peuple algérien une nouvelle prise de conscience de sa dignité nationale. Elle a également déterminé une union psycho-politique de tous les Algériens, cette unanimité nationale qui féconde la lutte armée et rend inéluctable la victoire de la liberté. • b. Une organisation politique efficace. Le FRONT DE LIBERATION NATIONALE , malgré son activité clandestine, est devenu aujourd'hui l'unique organisation véritablement nationale. Son influence est incontestable et incontestée sur tout le territoire algérien. En effet, dans un délai extrêmement court, le FLN a réussi le tour de force de supplanter tous les partis politiques existants depuis des dizaines d'années. Cela n'est pas le fruit du hasard. C'est le résultat de la réunion des conditions indispensables suivantes :

1°) Le bannissement du pouvoir personnel et l'instauration du principe de la direction collective composée d'hommes propres, honnêtes, imperméables à la corruption, courageux, insensibles au danger, à la prison ou à la peur de la mort.

2°) La doctrine est claire. Le but à atteindre, c'est l'indépendance nationale. Le moyen, c'est la révolution par la destruction du régime colonialiste.

3°) L'union du peuple est réalisée dans la lutte contre l'ennemi commun, sans sectarisme : Le FLN affirmait au début de la Révolution que « la libération de l'Algérie sera l'œuvre de TOUS les Algériens et non pas celle d'une fraction du peuple algérien, quelque soit son importance ». C'est pourquoi le FLN tiendra compte dans sa lutte de toutes les forces anti-colonialistes, même si elles échappent à son contrôle.

4°) La condamnation définitive du culte de la personnalité, la lutte ouverte contre les aventuriers, les mouchards, les valets de l'administration, indicateurs ou policiers. D'où la capacité du FLN à déjouer les manœuvres politiques et les traquenards de l'appareil policier français. Cela ne saurait signifier que toutes les difficultés seraient complètement effacées. Notre action politique a été handicapée au départ pour les raisons ci-après :

            1°) L'insuffisance numérique des cadres et des moyens matériels et financiers.

            2°) La nécessité d'un long et dur travail de clarification politique, d'explication patiente et persévérante pour surmonter une grave crise de croissance.

              3°) L'impératif stratégique de SUBORDONNER TOUT AU FRONT DE LA LUTTE ARMEE. Cette faiblesse, normale et inévitable au début, est déjà corrigée, après la période où il se contentait de lancer uniquement des mots d'ordre de résistance à l'impérialisme, on a assisté à une réelle apparition du FLN sur le plan de la lutte politique. Ce redressement fut marqué par la grève d'anniversaire du 1 er novembre 1955, considérée comme l'événement décisif, tant par son aspect spectaculaire et positif que par son caractère profond, preuve de la « prise en main » de toutes les couches de la population. Jamais, de mémoire d'Algérie, aucune organisation politique n'avait obtenu une grève aussi grandiose dans les villes et villages du pays. D'autre part, le succès de la non-coopération politique lancée par le FLN est non moins probant. La cascade de démissions des élus patriotes suivie de celles des élus administratifs ont imposé au gouvernement français la non-prorogation du mandat des députés du Palais Bourbon, la dissolution de l'Assemblée Algérienne. Les conseils généraux et municipaux et les djemaa ont disparu, vide accentué et amplifié par la démission de nombreux fonctionnaires et auxiliaires de l'autorité coloniale, caïds, chefs de fraction, gardes champêtres. Faute de candidatures ou de remplaçants, l'administration française est disloquée; son armature considérée comme insuffisante ne trouve aucun appui parmi le peuple; dans presque toutes les régions elle coexiste avec l'autorité du FLN. Cette lente mais profonde désagrégation de l'administration française a permis la naissance puis le développement d'une dualité de pouvoir. Déjà fonctionne une administration révolutionnaire avec des djemaa clandestines et des organismes s'occupant du ravitaillement, de perception d'impôts, de la justice, du recrutement de moudjahidine, des services de sécurité et de renseignements. L'administration du FLN prendra un nouveau virage avec l'institution des assemblées du peuple qui seront élues par les populations rurales avant le deuxième anniversaire de notre révolution. Le sens politique du FLN s'est vérifié d'une façon éclatante par l'adhésion massive des paysages pour lesquels la conquête de l'indépendance nationale signifie en même temps la réforme agraire qui leur assurera la possession des terres qu'ils fécondent de leur labeur. Cela se traduit par l'éclosion d'un climat insurrectionnel qui s'est étendu avec rapidité et une forme variée à tout le pays. La présence d'éléments citadins, politiquement mûrs et expérimentés, sous la direction lucide du FLN, a permis la politisation des régions retardataires. L'apport des étudiants a été d'une grande utilité, notamment dans les domaines politiques, administratif et sanitaire. Ce qui est certain, c'est que la Révolution Algérienne vient de dépasser avec honneur une première étape historique. C'est une réalité vivante ayant triomphé du pari stupide du colonialisme français prétendant la détruite en quelques mois. C'est une révolution organisée et non une révolte anarchique. C'est une lutte nationale pour détruire le régime anarchique de la colonisation et non une guerre religieuse. C'est une marche en avant dans le sens historique de l'humanité et non un retour vers le socialisme. C'est en fin la lutte pour la renaissance d'un Etat Algérien sous la forme d'une république démocratique et sociale et non la restauration d'une monarchie ou d'une théocratie révolue.

     • c. La faillite des anciennes formations politiques. La Révolution Algérienne a accéléré la maturité politique du peuple algérien. Elle lui a montré, à la lumière de l'expérience décisive du combat libérateur, l'impuissance du réformisme et la stérilité du charlatanisme contre-révolutionnaire. La faillite des vieux partis a éclaté au grand jour. Les groupements divers ont été disloqués. Les militants de base ont rejoint le FLN. L'UDMA dissoute et les Oulama se sont alignés courageusement sur les positions du FLN ; l'UGEMA groupant tous les universitaires et lycéens, a proclamé par la voix de son congrès unanime le même sentiment. Le Comité central du M.T.L.D. a complètement disparu en tant que regroupement ex-dirigeants et en tant que tendance politique. Le Messalisme en déroute L e M.N.A., en dépit de la démagogie et de la surenchère, n'a pas réussi à surmonter la crise mortelle du M.T.L.D. Il conservait une assise organique seulement en France du fait de la présence de Messali en exil, de l'ignorance totale des émigrés de la réalité algérienne. C'est de là que partaient les mots d'ordre, les fonds et les hommes en vue de la création en Algérie de groupes armés ou de maquis dissidents, destinés non à la participation à la lutte contre l'ennemi exécré des opérations de provocation et à saboter par le défaitisme, le désordre et l'assassinat, la Révolution Algérienne et ses dirigeants militaires et politiques. L'activité sporadique et brève du M.N.A. s'était manifestée publiquement, dans les rares villes telles Alger, comme une secte contre-révolutionnaire dans des opérations de division (campagne antimozabite), de gangstérisme(racket de commerçants), de confusion et de mensonges (Messali, soi-disant créateur et chef de l'Armée de Libération Nationale). Le messalisme a perdu sa valeur de courant politique. Il est devenu de plus en plus un état d'âme qui s'étoile chaque jour. Il est particulièrement significatif que les derniers admirateurs et défenseurs de Messali soient précisément les journalistes et intellectuels proches de la présidence du gouvernement français. Ils prétendent dénoncer l'ingratitude du peuple algérien qui ne reconnaîtrait plus «les mérites exceptionnels de Messali, le créateur, il y a trente ans, du nationalisme algérien ». LA PSYCHOLOGIE DE Messali s'apparente à la conviction insensée du coq de la fable qui ne se contente pas de constater l'aurore, mais proclame « qu'il fait lever le soleil ». Le nationalisme Algérien dont Messali revendique effrontément l'initiative est un phénomène de caractère universel, résultat d'une évolution naturelle suivie par tous les peuples sortant de leur léthargie. Le soleil se lève sans que le coq soit pour quelque chose, comme la Révolution Algérienne triomphe sans que Messali y ait aucun mérite. Cette apologie du messalisme dans la presse française était un indice sérieux de la préparation psychologique d'un climat artificiel favorable à une manœuvre de grande envergure contre la Révolution Algérienne. C'est la division, arme classique du colonialisme. Le gouvernement français a tenté en vain d'opposer au FLN des groupements modérés, voire même le groupe des «61». Ne pouvant plus compter sur les Sayah ou Farès, le béni-oui-ouisme étant discrédité d'une façon définitive et sans retour, le colonialisme français espérait utiliser le chef du MNA dans son ultime manœuvre diabolique pour tenter de voler au peuple algérien sa victoire. Dans cette perspective, Messali représente, en raison de son orgueil et de son manque de scrupules, l'instrument parfait pour la politique impérialiste. Ce n'est dons pas par hasard que Jacques Soustelle pouvait affirmer en novembre 1956 au professeur Massignon : « Messali est ma dernière carte ». Le ministre résidant Lacoste ne se gêne pas pour confier à la presse colonialiste algérienne sa satisfaction de voir le MNA s'efforcer uniquement d'affaiblir le FLN. L'hebdomadaire socialiste « Demain », dévoilant les divergences tactiques divisant les gouvernants français, pouvait écrire que certains ministres étaient disposés, pour empêcher le renforcement du FLN à accorder à Messali sa liberté totale, «le seul problème étant de protéger la vie du leader algérien». Quand on se rappelle que Messali s'est livré à une violente attaque contre les pays arabes, ce qui ne peut que réjouir les Soustelle, Lacoste et Borgeaud, son déplacement d'Angoulême à Belle-Isle justifie la thèse du journal « Demain ». Lorsque la vie de Messali est si précieuse pour le colonialisme français, faut-il s'étonner de le voir glisser vers la trahison consciente. Le Communisme Absent Le P.C.A., malgré son passage dans l'illégalité et la publicité tapageuse dont la presse colonialiste l'a gratifié pour justifier la collusion imaginaire avec la Résistance Algérienne , n'a pas réussi à jouer un rôle qui mériterait d'être signalé. La direction communiste, bureaucratique, sans aucun contact avec le peuple, n'a pas été capable d'analyser correctement la situation révolutionnaire. C'est pourquoi elle a condamné le «terrorisme» et ordonné dès les premiers mois de l'insurrection aux militants des Aurès, venus à Alger chercher des directives, DE NE PAS PRENDRE LES ARMES. La sujétion au P.C.F. a pris le caractère d'un Béni-oui-ouisme avec le silence qui a suivi le vote des pouvoirs spéciaux. Non seulement les communistes algériens n'ont pas eu suffisamment de courage pour dénoncer cette attitude opportuniste du groupe parlementaire, mais ils n'ont pas soufflé mot sur l'abandon de l'action concrète contre la guerre d'Algérie : manifestations contre les renforts de troupes, grèves de transports, de la marine marchande, des ports et des docks, contre le matériel de guerre. Le P.C.A. a disparu en tant qu'organisation sérieuse à cause surtout de la prépondérance en son sein d'éléments européens dont l'ébranlement des convictions nationales algériennes artificielles a fait éclater les contradictions face à la résistance armée. Cette absence d'homogénéité et la politique incohérente qui en résulte ont pour origine fondamentale la confusion et la croyance en l'impossibilité de la libération nationale de l'Algérie avant le triomphe de la révolution prolétarienne en France. Cette idéologie qui tourne le dos à la réalité est une réminiscence des conceptions de la S.F .I.O., favorable à la politique d'assimilation passive et opportuniste. Niant le caractère révolutionnaire de la paysannerie et des fellahs algériens en particulier, elle prétend défendre la classe ouvrière algérienne contre le danger problématique de tomber sous la domination directe de la «bourgeoisie arabe», comme si l'indépendance nationale de l'Algérie devait suivre forcément le chemin des Révolutions manquées, voire même de faire marche arrière vers un quelconque féodalisme. La C.G .T., subissant l'influence communiste, se trouve dans une situation analogue et tourne à vide sans pouvoir énoncer et appliquer le moindre mot d'ordre d'action. La passivité générale du mouvement ouvrier organisé, aggravée dans une certaine mesure par l'attitude néfaste des syndicats F.O. et C.F.T.C., n'est pas la conséquence du manque de combativité des travailleurs des bras croisés, les directives de Paris. Les dockers d'Alger en ont donné la preuve en participant à la grève politique anniversaire du 1 er novembre 1956. Nombreux furent les travailleurs qui ont compris que cette journée d'action patriotique aurait revêtu un caractère d'unanimité nationale, plus démonstrative, plus dynamique, plus féconde, si les organisations ouvrières avaient été entraînées intelligemment dans la lutte générale par une véritable centrale syndicale nationale. Cette appréciation juste se trouve entièrement confirmée dans les succès complets de la grève générale patriotique du 5 juillet 1956. Voila pourquoi les travailleurs algériens ont salué la naissance de l'U.G.T.A., dont le développement continu est irrésistible, comme l'expression de leur désir impatient de prendre une part plus active à la destruction du colonialisme, responsable du régime de misère, de chômage, d'émigration et d'indignité humaine. Cette extension du sentiment national, en même temps que son passage à niveau qualificatif plus élevé, n'a manqué de réduire, comme une peau de chagrin, la base de masse du P.C.A., déjà rétrécie par la perte des éléments européens hésitants et instables. On assiste cependant à certaines initiatives émanant à titre individuel de certains communistes s'efforçant de s'infiltrer dans les rangs du F.L.N. et de l'A.L.N. Il est possible qu'il s'agisse là de sursauts individuels pour retourner à une saine conception de la libération nationale. Il est certain que le P.C.A. essaiera dans l'avenir d'exploiter ces « placements » dans le but de cacher son isolement total et son absence dans le combat historique de la Révolution Algérienne. •

B) LA STRATEGIE IMPERIALISTE FRANCAISE .

La Révolution Algérienne , détruisant impitoyablement tous les pronostics colonialistes et faussement optimistes, continue de se développer avec une vigueur exceptionnelle, dans une phase ascendante de longue portée. Elle ébranle et ruine ce qui reste de l'empire colonial français en déclin. Les gouvernements successifs de Paris sont en proie à une crise politique sans précédant. Obligés de lâcher les colonies d'Asie, ils croient pouvoir conserver celles d'Afrique. Ne pouvant faire face au « pourrissement » de l'Afrique du Nord, ils ont lâché du lest en Tunisie et au Maroc pour tenter de garder l'Algérie.

a) La leçon des expériences tunisiennes et marocaines. Cette politique sans perspectives réalistes s'est traduite notamment par la succession rapide de défaites morales dans tous les secteurs : Mécontentement en France, grèves ouvrières, révoltes de commerçants, agitation chez les paysans, déficit budgétaire, inflation, sous-production, marasme économique, question algérienne à l'ONU, abandon de la Sarre en Allemagne. La poussée révolutionnaire nord-africaine, malgré l'absence d'une stratégie politique commune en raison de la faiblesse organique de ce qu'a été le Comité de Libération du Maghreb, a acculé le colonialisme français à improviser une tactique défense hâtive, bouleversant tous les plans de la répression esclavagiste traditionnelle. Les conventions franco-tunisiennes qui devaient jouer le rôle de barrage néo-colonialiste ont été dépassées sous la pression conjuguée du mécontentement populaire et des coups portés à l'impérialisme dans les trois pays frères. Le rythme de l'évolution de la crise marocaine, l'entrée en lutte armée des montagnards venant renforcer la résistance citadine, et surtout la pression de la révolution algérienne ont été parmi les facteurs les plus déterminants du revirement de l'attitude officielle française et de l'indépendance marocaine. Le brusque changement de méthode du gouvernement colonialiste abandonnant l'immobilisme pour s'engager dans la recherche d'une solution rapide était dicté d'abord par des raisons de caractère stratégique. Il s'agissait :

1°) D'empêcher la constitution d'un véritable second front, en mettant fin à l'unification de la lutte armée au RIFF et en ALGERIE.

2°) D'achever de briser l'unité de combat des trois pays d'Afrique du Nord. 3°) D'isoler la Révolution Algérienne dont le caractère populaire la rendait nettement plus dangereuse. Tous les calculs ont été voués à l'échec. Les négociations menées séparément avaient pour but de tenter de duper ou de corrompre certains dirigeants des pays frères en les poussant à abandonner consciemment ou inconsciemment le terrain réel de la lutte révolutionnaire jusqu'au bout. La situation politique nord-africaine est caractérisée par le fait que le problème algérien se trouve encastré dans les problèmes marocain et tunisien pour n'en faire qu'un seul. En effet, sans l'indépendance de l'Algérie, celle du Maroc et de la Tunisie est un leurre. Les Tunisiens et les Marocains n'ont pas oublié que la conquête de leurs pays respectifs par la France a suivi la conquête de l'ALGERIE. Les peuples du MAGHREB sont aujourd'hui convaincus par l'expérience que la lutte en ordre dispersé contre l'ennemi commun n'a pas d'autre issue que la défaite pour tous, chacun pouvant être écrasé séparément. C'est une aberration de l'esprit que de croire que le Maroc et la Tunisie pouvaient jouir d'une indépendance réelle alors que l'Algérie restera sous le joug colonial. Les gouvernants colonialistes, experts en hypocrisie diplomatique, reprenant d'une main ce qu'ils cèdent de l'autre, ne marqueront pas de songer à la reconquête de ces pays dès la conjoncture internationale leur semblera favorable. D'ailleurs, il est important de souligner que les leaders marocains et tunisiens formulent dans des déclarations récentes et renouvelées des points de vue rejoignant l'appréciation du FLN.

      b) La politique algérienne du gouvernement. Le gouvernement à direction socialiste dès le 6 février, après la manifestation ultra colonialiste d'Alger, a abandonné les promesses électorales du Front républicain : Ramener la paix en Algérie par la négociation, renvoyer dans leurs foyers les soldats du contingent, briser les « féodalités » administratives et financières, libérer les prisonniers politiques, fermer les camps de concentration. Si, avant la démission de Mendès-France, celui-ci représentait au gouvernement la tendance à la négociation face à la tendance opposée, animée furieusement par Bourgès-Maunoury et Lacoste, aujourd'hui, c'est la politique Lacoste qui fait l'unanimité. C'est la guerre à outrance qui a pour but chimérique de tenter d'isoler le maquis du peuple par l'extermination. Devant cet objectif accepté par l'unanimité du gouvernement et la presque totalité du parlement français, il ne peut exister aucune divergence, sauf quand cette politique d'extermination dite «de pacification » aura échouée. Il est clair que les buts politiques déclarés à nouveau par Guy Mollet ne servent qu'à camoufler l'entreprise réelle qui veut être le nettoyage, par le vide, de toutes nos forces vives. L'offensive militaire est doublée d'une offensive politique condamnée, d'avance, à un échec. La « reconnaissance de la personnalité algérienne » reste une formule vague sans contenu réel, concret, précis. La solution politique exprimée d'une façon schématique n'avait au début d'autres supports que deux idées-forces : celle de la consultation des Algériens par des élections libres et celle du cessez-le-feu. Les réformes fragmentaires et dérisoires étaient proclamées dans l'indifférence générale : provisoirement pas de représentation parlementaire au Palais Bourbon, dissolution de l'Assemblée algérienne, épuration timide de la police, remplacement de «trois» hauts fonctionnaires, augmentation des salaires agricoles, accès des musulmans à la fonction publique et à certains postes de directions, réforme agraire, élections au collège unique. Aujourd'hui le gouvernement Guy Mollet annonce l'existence de 6 ou 7 projets de statuts pour l'Algérie, dont la ligne générale serait la création de deux assemblées, la première législative, la seconde économique, avec un gouvernement composé de ministres ou de commissaires et présidé d'office par un ministre du gouvernement français. Cela démontre d'une part l'évolution, grâce à notre combat, de l'opinion publique en France, et d'autre part le rêve insensé des gouvernants français de croire que nous accepterions un compromis honteux de ce genre. La tentative d'isoler les maquis de la solidarité du peuple algérien, préconisée par Naegelen sur le plan intérieur, devait être complétée par la tentative d'isoler la Révolution Algérienne de la solidarité des peuples anti-colonialistes, engagée par Pineau sur le plan extérieur. Le FLN déjouera comme par le passé les plans futurs de l'adversaire. Nous mentionnerons l'appréciation sur la situation internationale dans la troisième partie.

II) LES PERSPECTIVES POLITIQUES

La preuve est faite que la Révolution Algérienne n'est pas une révolte de caractère anarchique, localisée, sans coordination, sans direction politique, vouée à l'échec. La preuve est faite qu'il s'agit au contraire d'une véritable révolution organisée nationale et populaire, centralisée, guidée par un état-major capable de la conduire jusqu'à la victoire finale. La preuve est faite que le gouvernement français, convaincu de l'impossibilité d'une solution militaire, est obligé de rechercher une solution politique. Voilà pourquoi le FLN, inversement, doit se pénétrer de ce principe : La négociation suit la lutte à outrance contre un ennemi impitoyable, elle ne la précède jamais. Notre position à cet égard est fonction de trois considérations essentielles pour bénéficier du rapport des forces 1°) Avoir une doctrine politique claire ; 2°) Développer la lutte armée d'une façon incessante jusqu'à l'insurrection générale ; 3°) Engager une action politique d'une grande envergure. A) POURQUOI NOUS COMBATTONS ! La Révolution Algérienne a la mission historique de détruire de façon définitive et sans retour le régime colonial odieux, décadent, obstacle au progrès et à la paix.

 I. Les buts de guerre ;

II. Le cessez-le-feu ;

III. Négociations pour la paix.

I. LES BUTS DE GUERRE

 Les buts de guerre, c'est le point final de la guerre à partir duquel se réalisent les buts de paix. Les buts de guerre, c'est la situation à laquelle on accule l'ennemi pour lui faire accepter nos buts de paix. Ce peut être la victoire militaire ou bien la recherche d'un cessez-le-feu ou d'un Armistice en vue de négociations. Il ressort que, vu notre situation, nos buts de guerre sont politico-militaires. Ce sont : 1°) L'affaiblissement total de l'Armée française, pour lui rendre impossible une victoire par les armes ;

2°) La détérioration sur une grande échelle de l'économie colonialiste par le sabotage, pour rendre impossible l'administration normale du pays ;

3°) La perturbation au maximum de la situation en France sur le plan économique et social, pour rendre impossible la continuation de la guerre;

4°) L'isolement politique(de la France ) en Algérie et dans le monde ;

5°) Donner à l'insurrection un développement tel qu'il la rend conforme au droit international(personnalisation de l'armée, pouvoir politique reconnaissable, respect des lois de la guerre, administration normale de zones libérées par l'ALN) ;

 6°) Soutenir constamment le peuple devant les efforts d'extermination des Français.

II. LE CESSEZ- LE-FEU Conditions

• a) Politiques :

   1°) Reconnaissance de la Nation Algérienne indivisible. Cette clause est destinée à faire disparaître la fiction colonialiste de « Algérie française ».

   2°) Reconnaissance de l'indépendance de l'Algérie et de sa souveraineté dans tous les domaines, jusque et y compris la défense nationale et la diplomatie.

    3°) Libération de tous les Algériens et Algériennes emprisonnés, internés ou exilés en raison de leur activité patriotique avant et après l'insurrection nationale du 1 er novembre 1954.

   4°) Reconnaissance du FLN comme une seule organisation représentant le peuple algérien et seule habilitée en vue de toute négociation. En contre-partie, le FLN est garant et responsable du cessez-le-feu au nom du peuple algérien.

b) Militaires Les conditions militaires seront précisées ultérieurement.

III. NEGOCIATIONS POUR LA PAIX

1°) Les conditions sur le cessez- le- feu étant remplies, l'interlocuteur valable et exclusif pour l'Algérie demeure le FLN. Toutes les questions ayant trait à la représentativité du peuple algérien sont du ressort exclusif du FLN (gouvernement, élections, etc….). Aucune ingérence de ce fait de la part du gouvernement français n'est admise.

 2°) Les négociations se font sur la base de l'indépendance(diplomatie et défense nationale incluses).

3°) Fixation des points de discussions : • - Limites du territoire algérien(limites actuelles y compris le Sahara algérien) ; - Minorité française(sur la base de l'option entre : citoyenneté algérienne ou étrangère - pas de régime préférentiel - pas de double citoyenneté algérienne et française) ; • - Biens français: de l'Etat français, des citoyens français ;  

- Transfert des compétences(administration) ;

- Formes d'assistance et de coopération françaises dans les domaines économiques, monétaire, social, culturel, etc.…. ;

- Autres points. Dans une deuxième phase, les négociations sont menées par un gouvernement chargé de préciser le contenu des têtes de chapitre. Ce gouvernement est issu d'une assemblée constituante, elle-même issue d'élections générales. La Fédération Nord-africaine L'Algérie libre et indépendante, brisant le colonialisme racial fondé sur l'arbitraire colonial, développera sur des bases nouvelles l'unité et la fraternité de la Nation Algérienne dont la renaissance fera rayonner sa resplendissante originalité. Mais les Algériens ne laisseront jamais leur culte de la Patrie , sentiment noble et généreux, dégénérer en un nationalisme chauvin, étroit et aveugle. C'est pourquoi ils sont en même temps des Nord-Africains sincères attachés, avec passion et clairvoyance, à la solidarité naturelle et nécessaire des trois pays du Maghreb. L'Afrique du Nord est un TOUT par : La géographie, l'histoire, la langue, la civilisation, le devenir. Cette solidarité doit donc se traduire naturellement dans la création d'une Fédération des trois Etats nord-africains. Les trois peuples frères ont intérêt pour le commencement à organiser une défense commune, une orientation et une action diplomatique communes, la liberté des échanges, un plan commun et rational d'équipement et d'industrialisation, une politique monétaire, l'enseignement et l'échange concerté des cadres techniques, les échanges culturels, l'exploitation en commun de nos sous-sols et de nos régions sahariennes respectives. Les tâches nouvelles du FLN pour préparer l'insurrection générale. L'éventualité de l'ouverture des négociations pour la Paix ne doit en aucun cas donner naissance à une griserie du succès, entraînant inévitablement un dangereux relâchement de la vigilance et la démobilisation des énergies qui pourrait ébranler la cohésion politique du peuple. Au contraire, le stade actuel de la révolution algérienne exige la poursuite acharnée de la lutte armée, la consolidation des positions, le développement des forces militaires et politiques de la Résistance. L'ouverture des négociations et leur conduite à bonne fin sont conditionnées d'abord par le rapport des forces en présence. C'est pourquoi, sans désemparer, il faut travailler avec ensemble et précision pour transformer l'Algérie en un camp retranché, inexpugnable. Telle est la tâche que doivent remplir avec honneur et sans délai le FLN et son Armée de Libération Nationale. Dans ce but, reste valable plus que jamais le mot d'ordre fondamental : Tout pour le Front de la Lutte Armée. Tout pour obtenir une victoire décisive. L'indépendance de l'Algérie n'est plus la revendication politique, le rêve qui a longtemps bercé le peuple algérien courbé sous le joug de la domination française. C'est aujourd'hui un but immédiat qui se rapproche à une allure vertigineuse pour devenir, très bientôt, une lumineuse réalité. Le FLN marche à pas de géants pour dominer la situation sur le plan militaire, politique et diplomatique. Objets nouveaux : préparer dès maintenant, d'une façon systématique, l'insurrection générale , inséparable de la libération nationale.

   a) Affaiblir l'armature militaire, policière, administrative et politique du colonialisme ; 

  b) Porter une grande attention, et d'une manière ininterrompue, aux cotés techniques de la question, notamment l'acheminement du maximum de moyens matériels ; 

 c) Consolider et élever la synchronisation de l'action politico-militaire. Faire face aux inévitables manœuvres de division, de divergence ou d'isolement lancé par l'ennemi, par une contre-offensive intelligente et vigoureuse basée sur l'amélioration et le renforcement de la Révolution populaire libératrice. 

                 a) Cimenter l'union nationale anti-impérialiste ; 

                 b) S'appuyer d'une façon plus particulière sur les couches sociales les plus nombreuses, les plus pauvres, les plus révolutionnaires, fellahs, ouvriers agricoles ; 

               c) Convaincre avec patiente et persévérance les éléments retardataires, encourager les hésitants, les faibles, les modérés, éclairer les inconscients ;

                d) Isoler les ultra-colonialistes en recherchant l'alliance des éléments libéraux, d'origine européenne ou juive, même si leur action est encore timide ou neutraliste. Sur le plan extérieur, rechercher le maximum de soutien matériel, moral et psychologique. 

                            a) Augmenter le soutien de l'opinion publique ;

                           b) Développer l'aide diplomatique en gagnant à la cause algérienne les gouvernements des pays neutralisés par la France ou insuffisamment informés sur le caractère national de la guerre d'Algérie.

• III) MOYENS D'ACTION ET DE PROPAGANDE

Les perspectives politiques générales tracées précédemment mettent en relief la valeur et la variété des moyens d'action que le FLN doit engager pour assurer la victoire complète du noble combat pour l'indépendance de la patrie martyre. Nous allons en préciser les grandes lignes sur le plan algérien, nord-africain, français et étranger.

1°) Comment organiser et diriger des millions d'hommes dans un gigantesque combat . L'union psyco-politique du peuple algérien forgée et consolidée dans la lutte armée est aujourd'hui une réalité historique. Cette union nationale, patriotique, anticolonialiste, constitue la base fondamentale de la principale force politique et militaire de la Résistance. Il convient de la maintenir intacte, inentamée, dynamique, en évitant parfois les fautes impardonnables de sectarisme ou d'opportunisme, pouvant favoriser les manœuvres diaboliques de l'ennemi. Le meilleur moyen d'y parvenir, c'est de maintenir le FLN comme guide unique de la Révolution Algérienne ; cette condition ne doit pas être interpréter comme un sentiment de vanité égoïste ou un esprit de suffisance aussi dangereux que méprisable. C'est l'expression d'un principe révolutionnaire : réaliser l'unité de commandement dans un état-major qui a déjà donné les preuves de sa capacité, de sa clairvoyance, de sa fidélité à la cause du peuple algérien. Il ne faut jamais oublier que, jusqu'au déclenchement de la Révolution , la force de l'impérialisme français ne résidait pas seulement dans sa puissance militaire et policière, mais aussi dans la faiblesse du pays dominé, divisé, mal préparé à la lutte organisée, et surtout, pendant une longue période, de l‘insuffisance politique des dirigeants des diverses fractions du mouvement anti-colonialiste. L'existence d'un FLN puissant, prolongeant ses racines profondes dans toutes les couches du peuple, est une des garanties indispensables.

a) Installer organiquement le FLN dans tout le pays, dans chaque ville, village, mechta, quartier, entreprise, ferme, université, collège, etc.. ; 

b) Politiser le maquis ; 

c) Avoir une politique de cadres formés politiquement, éprouvés, veillant au respect de la structure de l'organisation, vigilants, capables d'initiatives ;

d) Répondre avec rapidité et clarté à tous les mensonges, dénoncer les provocations, populariser les mots d'ordre du FLN en éditant une littérature abondante, variée touchant les secteurs même les plus restreints. Multiplier les centres de propagande avec machines à écrire, papier, ronéo(reproduction des documents nationaux et édition de bulletins ou tracts locaux). Editer brochure sur la Révolution et bulletin intérieur pour directives et conseils aux cadres. Bien se pénétrer de ce principe : La propagande n'est pas l'agitation qui se caractérise par la violence verbale, souvent stérile et sans lendemain. En ce moment ou le peuple algérien est mûr pour l'action armée positive et féconde, le langage du FLN doit traduire sa maturité en prenant la forme sérieusement, mesurée et nuancée sans manquer pour cela de la fermeté, de la franchise et de la flamme révolutionnaire. Chaque tract, déclaration, interview ou proclamation du FLN a aujourd'hui une résonance internationale. C'est pourquoi nous devons agir avec un réel esprit de responsabilité qui fasse honneur au prestige mondial de l'Algérie en marche vers la liberté et l'indépendance.

2°) Clarifier le climat politique Pour conserver juste l'orientation de la Résistance toute entière, dressée pour détruire l'ennemi séculaire, nous devons balayer tous les obstacles et tous les écrans sur notre chemin par les éléments conscients ou inconscients d'une action néfaste, condamnés par l'expérience.

3°) Transformer le torrent populaire en énergie créatrice Le FLN doit être capable de canaliser les immenses vagues qui soulèvent l'enthousiasme patriotique de la nation. La puissance irrésistible de la colère populaire ne doit pas se perdre comme la force extraordinaire du torrent qui s'évanouit dans les sables. Pour la transformer en énergie créatrice le FLN a entrepris un colossal travail de brassage de millions d'hommes. Il s'agit d'être présent partout. Il faut organiser sous des formes multiples, souvent complexes, toutes les branches de l'activité humaine. 

            A) Le Mouvement Paysan La participation massive de la population des fellahs, khammès et ouvriers agricoles à la Révolution , la proportion dominante qu'elle représente dans les moudjahidine ou moussebiline de l'Armée de Libération Nationale ont profondément marqué le caractère de la Résistance algérienne. Pour en mesurer l'importance exceptionnelle, il suffit d'examiner le revirement spectaculaire de la politique agraire colonialiste. Alors que cette politique était basée essentiellement sur le vol des terres (habous, arch, melk) les expropriations s'étant poursuivies jusqu'en 1945-46, le gouvernement français préconise aujourd'hui la réforme agraire. Il ne recule pas devant la promesse de distribuer une partie des terres d'irrigation, en mettant en application la loi Martin restée lettre morte à la suite du veto personnel d'un haut fonctionnaire au service de la grosse colonisation. Lacoste lui-même ose envisager, dans ce cas, une mesure révolutionnaire : l'expropriation d'une partie des grands domaines. Par souci d'équilibre, pour apaiser la furieuse opposition des gros colons, le gouvernement français a décidé la réforme du Khammessat. C'est là une mesure trompeuse tendant à faire croire à l'existence d'une rivalité intestine entre fellahs et Khammés, alors que le métayage a déjà évolué naturellement vers un processus plus équitable, sans l'intervention officielle, pour se transformer généralement en « chourka benés » ou l'association par moitié. Ce changement de tactique traduit le profond désarroi du colonialisme voulant tenter de tromper la paysannerie pour la détacher de la Révolution. Cette manœuvre grossière de dernière heure ne dupera pas les fellahs qui ont déjà mis en échec la vielle chimère des «affaires indigènes» séparant artificiellement les Algériens en Berbères et Arabes hostiles. Car la population paysanne est profondément convaincue que sa soif de terre ne pourra être satisfaite que par la victoire de l'indépendance nationale. La véritable réforme patriotique de la misère des campagnes, est inséparable de la destruction totale du régime colonial. Le FLN doit s'engager dans cette politique juste, légitime et sociale. Elle aura pour conséquence : • a) La haine irréductible à l'endroit du colonialisme français, de son administration, de son armée, de sa police et des traîtres collaborateurs.

            b) La constitution de réserves humaines inépuisables pour l'ALN et la Résistance ; • c) L'extension de l'insécurité dans les campagnes(sabotages, incendies de fermes, destruction des tabacoops et des vinicoops, symboles de la présence colonialiste) ;

          d) La création des conditions pour la consolidation et l'organisation de nouvelles zones libérées.

B) Le Mouvement Ouvrier La classe ouvrière peut et doit apporter une contribution plus dynamique pouvant conditionner l'évolution rapide de la Révolution , sa puissance et son succès final. Le FLN salue la création de l'U.G.T.A. comme l'expression d'une saine réaction des travailleurs contre l'influence paralysante des dirigeants de la C.G .T., de F.O. et de la C.F .T.C.. L'U.G.T.A. aide la population salariée à sortir du brouillard de la confusion et de l'attentisme. Le gouvernement socialiste français et la direction néo-colonialiste de F.O. sont inquiets de l'affiliation internationale de l'U.G.T.A. à la C.I .S.L., dont l'aide à l'U.G.T.A. et à la Centrale marocaine a été positive dans divers domaines nationaux et extérieurs. La naissance et le développement de l'U.G.T.A. ont eu en effet un profond retentissement. Son existence a provoqué immédiatement un violent remous au sein de la C.G .T, abandonnée en masse par les travailleurs. Les dirigeants communistes ont essayé vainement de retenir les cadres les plus conscients en essayant de retrouver sous les cendres l'esprit de l'ancienne C.G.T.U. dont le mot d'ordre de l'indépendance de l'Algérie fut enterré au lendemain de l'unité syndicale en 1935. Mais pour devenir une centrale nationale, il ne suffit pas à la filiale de la C.G .T. parisienne de modifier le titre, ni de changer la couleur de la carte, ni même de couper un cordon ombilical atrophié. Pour s'adapter aux fonctions nouvelles du mouvement ouvrier ayant déjà atteint l'âge adulte, il ne suffisait pas à l'U.G.S.A. de changer de forme ou d'aspect extérieur. Quiconque observe les velléités communistes, ne peut manquer de retrouver le rythme et la méthode colonialistes, qui ont présidé à la transformation des délégations financières en la bâtarde Assemblée Algérienne. L'accession de certains militants à des postes de direction syndicale rappelle singulièrement la promotion symbolique de certains élus-administratifs. Dans les deux cas, il aurait fallu changer le but, la nature et le contenu du Foyer civique et du Palais Carnot. L'incapacité de la direction du P.C.A. sur le plan politique ne pouvait que se traduire sur le plan syndical et entraîner la même faillite. L'U.G.T.A. est le reflet de la profonde transformation qui s'est produite dans le mouvement ouvrier, à la suite d'une longue évolution et surtout après le bouleversement révolutionnaire provoqué par la lutte pour l'indépendance nationale. La nouvelle centrale algérienne diffère des autres organisations C.G.T.F.O. et C.F.T.C. dans tous les domaines, notamment par l'absence de tutelle, le choix de l'état-major, la structure rationnelle, l'orientation juste et la solidarité fraternelle en Algérie, en Afrique du Nord et dans le monde entier.

1°) Le caractère national se traduit non seulement par une indépendance organique, détruisant les contradictions inhérentes à une tutelle étrangère, mais aussi par une liberté totale dans la défense des travailleurs dont les intérêts vitaux se confondent avec ceux de toute la nation algérienne.

2°) La direction est formée non par des éléments issus d'une minorité ethnique n'ayant jamais subi l'oppression coloniale, toujours enclins au paternalisme, mais par des patriotes dont la conscience nationale aiguise la combativité contre la double pression de l'exploitation sociale et de la haine raciale.

3°) La « colonne vertébrale » est constituée non par une aristocratie ouvrière(fonctionnaires et cheminots) mais par les couches les plus nombreuses et les plus exploitées(dockers, mineurs, ouvriers agricoles, véritables parias jusqu'ici abandonnés honteusement à la merci des seigneurs de la vigne.

4°) Le souffle révolutionnaire purifie le climat syndical non seulement en chassant l'esprit néo-colonialiste et le chauvinisme national qu'il engendre, mais en créant les conditions pour l'épanouissement d'une fraternité ouvrière, imperméable au racisme.

5°) L'action syndicale, maintenue longtemps dans le cadre étroit des revendications économiques et sociales, isolée de la perspective générale, est devenue non un frein dans la lutte anti-colonialiste mais un accélérateur dans le combat pour la liberté et la justice sociale ;

6°) La population laborieuse algérienne, jugée jusqu'ici comme mineure ne méritant pas l'émancipation, est appelée, non à occuper un rang subalterne dans le mouvement social français, mais à coopérer brillamment avec le mouvement ouvrier nord-africain et international ;

7°) L'U.G.S.A. -C.G.T-, se verra inévitablement contrainte de se dissoudre à l'exemple des organisations similaires de Tunisie et du Maroc pour céder entièrement la place à l'U.G.T.A., centrale nationale authentique et unique, groupant tous les travailleurs algériens sans distinction. Le FLN ne doit pas négliger le rôle politique qu'il peut jouer pour aider et compléter l'action syndicale indépendante de l'U.G.T.A. en vue de sa consolidation et de son renforcement. Les militants FLN doivent être parmi les plus dévoués, les plus actifs, toujours soucieux de respecter les règles démocratiques selon la tradition en honneur dans le mouvement ouvrier libre. Pas de schématisme: tenir compte de chaque situation concrète et adapter les formes d'actions aux conditions particulières, objectives de chaque corporation.

- Développer l'esprit de combativité en organisant sans retard l'action revendicative sous une forme souple et variée selon les conditions concrètes du moment(arrêt de travail limité, grèves locales, corporatives, de solidarité) ;

- Entraîner dans l'action, les travailleurs européens ;

- Concrétiser la sympathie pour l'ALN en transformant en action de soutien la résistance : souscriptions, fournitures aux combattants, actes de sabotage, grèves de solidarité, grèves politiques.

C) Le Mouvement des Jeunes La jeunesse algérienne a les qualités naturelles de dynamisme, de dévouement et d'héroïsme. De plus, elle se caractérise par un fait rare. Très nombreuse, elle représente près de la moitié de la population totale, en raison d'un développement démographique exceptionnel. En outre, elle possède une qualité originale ; la maturité précoce. En raison de la misère, de l'oppression coloniale, elle passe rapidement de l'enfance à l'âge adulte ; la période de l'adolescence est singulièrement réduite. Elle suit avec passion, avec le mépris de la peur et la mort, l'organisation révolutionnaire qui peut la conduire à la conquête de son pur idéal de liberté. La Révolution Algérienne , les exploits de l'ALN et l'action clandestine du FLN répondent à sa témérité que nourrit le plus noble sentiment patriotique. C'est donc pour le FLN un levier inflexible d'une puissance et d'une résistance formidables.

D) Intellectuels et Professions Libérales Le ralliement des intellectuels à la patrie algérienne, le fait que la «francisation » n'a pas réussi à étouffer leur conscience nationale, la rupture avec les positions idéalistes individualistes ou réformistes, sont les preuves d'une saine orientation politique. 1°) Former des comités d'action des intellectuels patriotiques : 

a) Propagande : indépendance de l'Algérie ;

b) Contacts avec les libéraux français ;

c) Souscriptions. Le FLN devra assigner aux étudiants et étudiantes, d'une manière rationnelle, des tâches précises dans les domaines ou ils peuvent rendre le mieux : politique, administratif, culturel, sanitaire, économique, etc…

2°) Organiser des services de santé :

a) Chirurgiens, médecins, pharmaciens en liaison avec les hospitaliers(internes et infirmiers) ; 

b) Soins, médicaments, pansements ;

c) Infirmiers de campagne, traitement des malades et convalescents.

E) Commerçants et Artisans A côté du syndicat commercial algérien, dominé par le monopoleur Schiaffino, maître des chambres de commerce et le mouvement Poujade raciste et colonial-fasciste, se trouvait le vide constitué par l'absence d'une véritable Centrale commerciale et artisanale, dirigée par des patriotes pour assurer la défense de l'économie algérienne. L'U.G.C.A. prendra une place importante à côté de l'organisation ouvrière sœur, l'U.G.T.A. Le FLN doit l'aider à se dévelloper rapidement en créant les conditions politiques les plus favorables :

1°) Lutte contre les impôts.

2°) Boycott des grossistes colonialistes, poujadistes, apportant un soutien actif à la guerre impérialiste.

F) Mouvement des Femmes D'immenses possibilités existent et sont de plus en plus nombreuses dans ce domaine. Nous saluons avec émotion, avec admiration, l'exaltant courage révolutionnaire des jeunes filles et des jeunes femmes, des épouses et des mères ; de toutes nos sœurs « moudjahidates » qui participent activement, et parfois les armes à la main, à la lutte sacrée pour la libération de la Patrie. Chacun sait que les Algériens ont chaque fois participé activement aux insurrections nombreuses et renouvelées qui ont dressé, depuis 1830, l'Algérie contre l'occupation française. Les explosions principales de 1864 des Ouled Sidi Cheikh du Sud Oranais, de 1871 en Kabylie, de 1916 dans les Aurès et la région de Mascara ont illustré à jamais l'ardent patriotisme, allant jusqu'au sacrifice suprême, de la femme algérienne. Celle-ci est aujourd'hui convaincue que la Révolution actuelle aboutira inexorablement à la conquête de l'indépendance. L'exemple récent de la jeune fille kabyle qui repousse une demande en mariage, parce que n'émanant pas d'un maquisard illustre d'une façon magnifique le moral sublime qui anime les Algériennes. Il est donc possible d'organiser dans ce domaine, avec des méthodes originales propres aux mœurs du pays, un redoutable et efficace moyen de combat. 

a) Soutien moral des combattants et des résistants ;

b) Renseignements, liaisons, ravitaillement, refuges ;

c) Aide aux familles et enfants de maquisards, de prisonniers ou d'internés.

4°) L a recherche des alliances. Pour libérer leur patrie enchaînée, les Algériens comptent d'abord sur eux-mêmes. L'action politique, comme la science militaire, enseignement qu'il ne faut négliger aucun facteur, même apparemment peu important, pour assurer la victoire. L'action politique le FLN a entrepris avec succès la mobilisation de toutes les énergies nationales. Mais il ne laissera pas l'ennemi colonialiste s'appuyer sur la totalité de la minorité ethnique en Algérie, dresser contre nous l'opinion en France et nous priver de la solidarité internationale.

A) Les Libéraux Algériens A la différence de la Tunisie et du Maroc la minorité ethnique d'origine européenne a une importance numérique dont il faut tenir compte. Elle est renforcée par une immigration permanente jouissant d'une aide officielle et fournissant au régime colonial une fraction importante de ses soutiens les plus farouches, les plus obstinés, les plus racistes. Mais en raison de ses privilèges inégaux, du rôle qu'elle joue dans la hiérarchie économique, administrative et politique du système colonialiste, la population d'origine européenne ne constitue pas un bloc indissoluble autour de la grosse colonisation dirigeante. L'esprit de race supérieure est général. Mais il se manifeste sous des aspects nuancés, allant de la frénésie du type « sudiste » à l'hypocrisie paternaliste. Le colonialisme français, maître tout-puissant de l'administration algérienne, de la police, du monopole de la presse, de la radio, s'est montré souvent capable d'exercer une pression psychologique pouvant cristalliser l'opinion publique autour d'une idée-force réactionnaire. Le départ de Soustelle et la manifestation du 6 février ont été les preuves d'une grande habilité dans l'art de la provocation et du complot. Le résultat fut la capitulation du chef du gouvernement français. Pour atteindre son but, le colonialisme organisa la panique. Il accusa le gouvernement d'abandonner la minorité ethnique non-musulman à la « barbarie arabe », à la « guerre sainte », à un Saint-Barthélemy plus immonde. Le slogan fabriqué par le maître chanteur Reygasse et diffusé par le bourreau Benquet-Crevaux, l'odieuse image « la valise ou le cercueil » semblent aujourd'hui anodins. Les anciens partis nationalistes n'ont pas toujours accordé à cette question l'importance qu'elle mérite. Ne prêtant d'attention que pour l'opinion musulmane, ils ont négligé souvent de relever comme il convient des déclarations maladroites de certains charlatans ignorés, apportant en fait de l'eau au moulin de l'ennemi principal. Actuellement, la contre-offensive est encore faible. La presse libérale de France ne put enrayer totalement le poison colonialiste. Les moyens d'expression du FLN sont insuffisants. Heureusement la Résistance Algérienne n'a pas fait de faute majeure pouvant justifier les calomnies de la presse colonialiste du service psychologique de l'armée colonialiste, convaincu de mensonges flagrants par les témoignages de journalistes français et étrangers. Voilà pourquoi le bloc colonialiste et raciste, sans fissure le 6 février, commence à se désagréger. La panique a cédé la place peu à peu à un sentiment plus réaliste. La solution militaire devant rétablir le statu-quo est un mirage évident. La question dominante aujourd'hui, c'est le retour à une paix négociée : quelle est la place qui sera faite à ceux qui considèrent l'Algérie comme patrie toujours généreuse même après la disparition du règne de Borgeaud ?. Des tendances diverses apparaissent.

1°) Le neutralisme est le courant le plus important. Il exprime le souhait de laisser les ultra-colonialistes défendre leurs privilèges menacés par les nationalistes « extrémistes ».

2°) Les partisans d'une solution « intermédiaire » : la négociation pour « une communauté algérienne à égale distance entre le colonialisme français et le rétrograde impérialiste arabe » par la création d'une double nationalité ;

3°) La tendance la plus audacieuse accepte l'indépendance de l'Algérie et la nationalité algérienne, à la condition de s'opposer à l'ingérence américaine, anglaise et égyptienne. Cette analyse est sommaire. Elle n'a d'autre but que de souligner la différenciation qui s'opère dans le large éventuel de l'opinion publique européenne. Ce serait donc une erreur impardonnable que de mettre dans le « même sac » tous les Algériens d'origine européenne ou juive. Comme il serait impardonnable de nourrir l'illusion de pouvoir les gagner entièrement à la cause de la libération nationale. L'objectif à atteindre, c'est l'isolement de l'ennemi colonialiste qui opprime le peuple algérien. Le FLN doit donc s'efforcer d'accentuer l'évolution de ce phénomène psychologique en neutralisant une fraction importante de la population européenne. La Révolution Algérienne n'a pas pour but de « jeter à la mer » les Algériens d'origine européenne, mais de détruire le joug colonial inhumain. La Révolution Algérienne n'est pas une guerre civile, ni une guerre de religion. La Révolution Algérienne veut conquérir l'indépendance nationale pour installer une république démocratique et sociale garantissant une véritable égalité entre tous les citoyens d'une même patrie, sans discrimination.

B) La Minorité Juive Ce principe fondamental, admis par la morale universelle, favorise la naissance dans l'opinion israélite d'un espoir dans le maintien d'une cohabitation pacifique millénaire. D'abord, la minorité juive a été particulièrement sensible à la campagne de démoralisation du colonialisme. Des représentants de leur communauté ont proclamé au congrès mondial juif de Londres leur attachement à la citoyenneté française, les mettant au-dessus de leurs compatriotes musulmans. Mais le déchaînement de la haine antisémite qui a suivi les manifestations colonialo-fascistes ont provoqué un trouble profond qui fait place à une saine réaction d'auto-défense. Le premier réflexe fut de se préserver, du danger d'être pris entre deux feux. Il se manifeste par la condamnation des Juifs, membres du « 8 novembre » et du mouvement poujadiste, dont l'activité trop voyante pouvait engendrer le mécontentement vindicatif contre toute la communauté. La correction inflexible de la Résistance Algérienne , réservant tous ses coups au colonialisme, apparut aux plus inquiets comme une qualité chevaleresque d'une noble colère des faibles contre les tyrans. Des intellectuels, des étudiants, des commerçants prirent l'initiative de susciter un mouvement d'opinion pour se désolidariser des gros colons et des anti-juifs. Ceux-là n'avaient pas la mémoire courte. Ils n'ont pas oublié l'infâme souvenir du régime de Vichy. Pendant quatre ans, 185 lois, décrets ou ordonnances les ont privés de leurs droits, chassés des administrations et des universités, spoliés de leurs immeubles et de leurs fonds de commerce, dépouillés de leurs bijoux. Leurs coreligionnaires de France étaient frappés d'une amende collective d'un millard. Ils étaient traqués, arrêtés, internés au camp de Drancy et envoyés par wagons plombés en Pologne ou beaucoup périrent dans les fours crématoires. Au lendemain de la libération de la France , la communauté juive algérienne retrouva rapidement ses droits et ses biens grâce à l'appui des élus musulmans, malgré l'hostilité de l'administration pétainiste. Aura-t-elle la naïveté de croire que la victoire des ultra-colonialistes, qui sont précisément les mêmes qui l'ont persécuté, naguère, ne ramènera pas le même malheur ? Les Algériens d'origine juive n'ont pas encore surmonté leur trouble de conscience, ni choisi de quel côté se diriger. Espérons qu'ils suivront en grand nombre le chemin de ceux qui ont répondu à l'appel de la patrie généreuse, donné leur amitié à la Révolution en revendiquant déjà avec fierté, leur nationalité algérienne. Cette option est basée sur l'expérience, le bon sens et la clairvoyance. En dépit du silence du Grand Rabbin d'Alger, contrastant avec l'attitude réconfortante de l'Archevêque se dressant courageusement et publiquement contre le courant et condamnant l'injustice coloniale, l'immense majorité des Algériens s'est gardée de considérer la communauté juive, comme passée définitivement dans le champ ennemi. Le FLN a étouffé dans l'œuf des provocations nombreuses préparées par les spécialistes du gouvernement général. En dehors du châtiment individuel infligé aux policiers et contre-terroristes responsables de crimes contre la population innocente, l'Algérie a été préservée de tout progrom. Le boycottage des commerçants juifs, devant suivre le boycottage des Mozabites a été enrayé même d'exploser. Voilà pourquoi, le conflit arabo-israélien n'a pas eu, en Algérie, de répercussions graves, ce qui aurait comblé le vœu des ennemis du peuple algérien. Sans puiser dans l'histoire de notre pays les preuves de tolérance religieuse, de collaboration dans les plus hauts postes de l'Etat, de cohabitation sincère, la Révolution Algérienne a montré par les actes, qu'elle mérite la confiance de la minorité juive pour lui garantir sa part de bonheur dans l'Algérie indépendante. En effet, la disparition du régime colonial, qui s'est servi de la minorité juive comme tampon pour atténuer les chocs anti-impérialistes, ne signifie pas forcément sa paupérisation. C'est une hypothèse absurde que de s'imaginer que« l'Algérie ne serait rien sans la France ». La prospérité économique des peuples affranchie est évidente. Le revenu national, plus important, assurera à tous les Algériens une vie plus confortable. Tenant compte de ce qui précède, le FLN recommande :

1°) Encourager et aider à la formation de comités et mouvements de libéraux algériens, même ceux ayant au départ des objectifs limités :

  a) Comité d'action contre la guerre d'Algérie ;

   b) Comité pour la négociation et la paix ;

   c) Comité pour la nationalité algérienne ;

   d) Comité de soutien des victimes de la répression ;

   e) Comité d'études du problème algérien ;

    f) Comité pour la défense des libertés démocratiques ;

     g) Comité pour le désarmement des milices civiles ;

     h) Comité d'aide aux ouvriers agricoles(parrainage des syndicats, soutien des grèves, défense des enfants et des femmes exploités).

2°) Intensifier la propagande auprès des rappelés et des soldats du contingent :

   a) Envoi de livres, revues, journaux, tracts anti-colonialistes ;

    b) Comité d'accueil des permissionnaires ;

    c) Théâtre : pièces exaltant la lutte patriotique pour l'indépendance.

3°) Multiplier les comités de femmes de mobilisés pour exiger le rappel de leurs maris. C) L'Action du FLN en France

     1°) Développer l'appui de l'opinion libérale L'analyse de l'éventail politique chez les libéraux en Algérie peut être valable pour saisir les nuances de l'opinion publique en France, sujette à des fluctuations rapides en raison de la sensibilité populaire. Il est certain que le FLN attache une certaine importance à l'aide que peut apporter à la justice cause de la Résistance Algérienne la partie éclairée du peuple français, insuffisamment informé des horreurs indicibles perpétrées en son nom. Nous apprécions la contribution des représentants du mouvement libéral français tendant à faire triompher la solution politique, pour éviter une effusion de sang inutile. La Fédération FLN en France, dont la direction est aujourd'hui renforcée à Paris, a une tâche politique de premier plan pour annuler l'effet négatif de la pression réactionnaire et colonialiste. ) Contacts politiques avec les organisations, mouvements et comités contre la guerre coloniale. •

- Presse, meetings, manifestations et grèves contre le départ des soldats, la manutention et le transport du matériel de guerre.

2°) Soutien financier par la solidarité aux résistants et aux combattants pour la liberté.

2°) Organiser l'émigration algérienne La population algérienne émigrée en France est un capital précieux en raison de son importance numérique, de son caractère jeune et combatif, de son potentiel politique. La tâche du FLN est d'autant plus importante pour mobiliser la totalité de ces forces qu'elle nécessite, en même temps, la lutte à outrance contre les tentatives de survivance du messalisme.

1°) Eclairer l'opinion publique française et étrangère en donnant informations, articles de journaux et revues. Grouper à cet effet les militants expérimentés, les intellectuels et les étudiants. 2°) Dénoncer d'une façon infatigable et patiente la faillite du messalisme comme courant politique, sa compromission avec les milieux proches du gouvernement français ce qui explique l'orientation dirigée non contre le colonialisme, mais contre le FLN et l'ALN. D) La Solidarité Nord-Africaine L'intransigeance révolutionnaire du FLN, la poursuite farouche de la lutte armée par l'ALN, l'unanimité nationale du peuple algérien soudée par l'idéal d'indépendance nationale, ont mis en échec les plans colonialistes. Les gouvernements tunisien et marocain ont en particulier(sous la pression des peuples frères), pris nettement position sur ce problème qui conditionne l'équilibre nord-africain. Le FLN doit encourager : 1°) La coordination de l'action gouvernementale des deux pays du Maghreb, dans le but de faire pression sur le gouvernement français : action diplomatique ; 

2°) L'unification de l'action politique par la création d'un comité de coordination des partis frères nationaux avec le FLN ;

   a) Création de comités populaires de soutien de la Résistance Algérienne ;

    b) Intervention multiforme dans tous les secteurs ;

3°) La liaison permanente avec les Algériens résidant au Maroc et en Tunisie(action concrète auprès de l'opinion publique, de la presse et du gouvernement) ;

4°) La solidarité des Centrales Ouvrières U.G.T.T, U.M.T.,U.G.T.A.;

5°) L'entraide des trois unions estudiantines.

6°) La coordination de l'action des trois centrales économiques.

4°) L'Algérie devant le monde . La diplomatie française a entrepris sur le plan international un travail interne pour obtenir partout o Ù c'est possible, ne serait-ce que très provisoirement, une aide morale et matérielle ou une neutralité bienveillante et passive. Les seuls résultats plus ou moins positifs sont les déclarations gênées, arrachées aux représentants des Etats–Unis, de l'Angleterre et de l'O.T.A.N. Mais la presse mondiale, notamment la presse américaine, condamne impitoyablement les crimes de guerre, plus particulièrement la légion et les paras, le génocide des vieillards, des femmes, des enfants, le massacre des intellectuels et des civils innocents, la torture des emprisonnés politiques, la multiplication des camps de concentration, l'exécution d'otages. Elle exige du colonialisme français, la reconnaissance solennelle du droit du peuple algérien à disposer librement de son sort. La lutte gigantesque engagée par l'Armée de Libération Nationale, son invincibilité garantie par l'adhésion unanime de la nation algérienne à l'idéal de liberté, ont sorti le problème algérien du cadre français dans lequel l'impérialisme l'a tenu jusqu'alors prisonnier. La conférence de Bandoeng et surtout la 10 ème session de l'O.N.U. ont en particulièrement le mérite historique de détruire la fiction juridique de « l'Algérie française ». L'invasion et l'occupation d'un pays par une armée étrangère ne sauraient en aucun cas modifier la nationalité de ses habitants. Les Algériens n'ont jamais accepté la « francisation », d'autant plus que cette « étiquette » ne les a jamais empêchés d'être dans leur patrie moins libres et moins considérés que les étrangers. La langue arabe, langue nationale de l'immense majorité, a été systématiquement étouffée. Son enseignement supérieur a disparu dès la conquête par la dispersion des maîtres et des élèves, la fermeture des universités, la destruction des bibliothèques, le vol des donations pieuses. La religion islamique est bafouée, son personnel est domestiqué, choisi et payé par l'administration colonialiste. L'impérialisme français a combattu le mouvement progressiste des Oulémas pour donner son appui total au maraboutisme, domestiqué par la corruption de certains chefs de confréries. Combien apparaît dégradante le malhonnêteté des Bidault, Lacoste, Soustelle et du Cardinal Feltin lorsqu'ils tentent de tromper l'opinion publique française et étrangère en définissant la Résistance Algérienne comme un mouvement religieux fanatique au service du panislamisme. La ligne de démarcation de la Révolution ne passe pas entre les communautés religieuses qui peuplent l'Algérie, mais entre d'une part, les partisans de la liberté, de la justice, de la dignité humaine et d'autre part, les colonialistes et leurs soutiens, quelle que soit leur religion ou leur condition sociale. La meilleure des preuves n'est-elle pas le châtiment suprême infligé à des traîtres officiants du culte, dans l'enceinte même des mosquées. Par contre, grâce à la maturité politique du peuple algérien et à la sage et lucide direction du Front de Libération Nationale, les provocations traditionnelles et renouvelées du colonialisme : pogroms, troubles anti-chrétiens, xénophobie, ont été déjouées et étouffées dans l'œuf. La Révolution Algérienne , malgré les calomnies de la propagande colonialiste, est un combat patriotique, dont la base est incontestablement de caractère national, politique et social. Elle n'est inféodée ni au Caire, ni à Londres, ni à Moscou, ni à Washington. Elle s'inscrit dans le cours normal de l'évolution historique de l'humanité qui n'admet plus l'existence de nations captives. Voilà pourquoi l'indépendance de l'Algérie martyre est devenue une affaire internationale et le problème-clé de l'Afrique du Nord. De nouveau, l'affaire algérienne sera posée devant l'O.N.U. par les pays afro-asiatiques. Si, lors de la dernière session de l'Assemblée Générale de l'O.N.U., on constata chez ces pays amis le souci tactique exagérément conciliateur, allant jusqu'à retirer de l'ordre du jour la discussion de l'affaire algérienne, il n'en est pas de même aujourd'hui car les promesses de la France n'ont nullement été tenues. Ce manque de hardiesse était déterminé par l'attitude des pays arabes en général et de l'Egypte en particulier. Leur soutien à la lutte du peuple algérien demeurait limité ; il était assujetti aux fluctuations de leur diplomatie. La France exerçait une pression particulière sur lr Moyen-Orient en monnayant son aide économique et militaire et son opposition au Pacte de Bagdad. Elle avait notamment essayé de peser de toutes ses forces pour paralyser les armes psychologiques et morales dont le FLN dispose. L'attitude des pays non arabes du bloc afro-asiatique était conditionnée, semble-t-il, par le souci d'une part de ne jamais dépasser celle des pays arabes, par le désir d'autre part de jouer un rôle déterminant dans des problèmes tels que ceux désarmement et de la coexistence pacifique. Ainsi l'internationalisation du problème algérien dans sa phase actuelle a renforcé la prise de conscience universelle sur l'urgence du règlement d'un conflit armé pouvant affecter le bassin méditerranéen et l'Afrique, le Moyen-Orient et le monde entier. Comment Diriger Notre Activité internationale ? Nos contacts avec les dirigeants des pays frères n'ont jamais été autre chose que des contacts d'alliés et non d'instruments. Nous devons veiller d'une façon systématique à conserver intacte l'indépendance de la Révolution Algérienne. Il convient de réduire à néant la calomnie lancée par le gouvernement français, sa diplomatie, sa grande presse pour nous présenter, n'ayant pas de racines dans la Nation Algérienne captive. 1°) Provoquer chez les gouvernements du Congrès de Bandoeng, en plus de l'intervention à l'O.N.U., des pressions diplomatiques, voire économiques directes sur la France ;

2°) Rechercher l'appui des peuples d'Europe, y compris les pays nordiques et les démocraties populaires ainsi que les pays d'Amérique Latine ;

3°) S'appuyer sur l'émigration arabe dans les pays de l'Amérique Latine. Dans ce but, le FLN a renforcé la Délégation algérienne en mission à l'extérieur. Il devra avoir :

      a) Bureau permanent auprès de l'ONU et aux USA ; 

      b) Délégation dans les pays d'Asie ;

      c) Délégations itinérantes pour la visite des capitales et la participation aux rassemblements mondiaux culturels, estudiantins, syndicaux, etc ;

     d) Propagande écrite crée par nos propres moyens ; bureau de presse, éditions de rapports, documents par la photo et le film.

CONCLUSION Il y a dix ans, au lendemain de la fin de la deuxième guerre mondiale, une formidable explosion a ébranlé l'impérialisme. L'irrésistible mouvement de libération nationale, longtemps comprimé, secoua les peuples captifs. Une réaction en chaîne entraîna les pays colonisés, l'un après l'autre, dans la conquête d'un avenir flamboyant de liberté et de bonheur.. En cette courte période, dis huit nations sont sorties des ténèbres de l'esclavage colonial et ont pris place au soleil de l'indépendance nationale. Les peuples de Syrie et du Liban, du Viêt-Nam et du Fezzan ont brisé les barreaux de leurs cellules et réussi à quitter l'immense prison du colonialisme français. Les trois peuples du Maghreb ont manifesté à leur tour leur volonté et leur capacité de prendre leur place dans le concert des nations libres. La révolution Algérienne du 1 er Novembre 1954 est sur la bonne voie. La lutte sera encore difficile, âpre, cruelle. Mais sous la ferme direction du FRONT DE LIBERATION NATIONALE, la victoire couronnera la longue lutte armée menée par le peuple algérien indompté. La date humiliante du 5 juillet 1830 sera effacée avec la disparition de l'odieux régime colonial. Le moment est proche où le peuple algérien recueillera les doux fruits de son douloureux sacrifice et de son courage sublime.

L'INDEPENDANCE DE LA PATRIE SUR LAQUELLE FLOTTERA SOUVERAINEMENT LE DRAPEAU NATIONAL ALGERIEN

 

Octobre 88

 

 

 

 

Espoir et désillusion

 

par Mohamed Zaâf, Le Jeune Indépendant, 5 octobre 2006

 

 

Les Algériens commémoreront le 18e anniversaire des violentes émeutes qui ont coûté au peuple plusieurs centaines de morts alors que le pays vit, depuis, une déstabilisation où la «main de l’intérieur» se la dispute à la «main de l’étranger».

 

 

Pourtant, l’événement bien qu’il reste enveloppé de mystères jusqu’à aujourd’hui, avait surgonflé les espoirs de nos populations. Durant les manifestations où la presse fournit son premier martyr, aucun manifestant n’avait revendiqué ni la démocratie, ni le multipartisme, ni une quelconque libéralisation économique.

 

 

Cependant, le peuple reçut en surdosage les choses qu’il n’avait pas réclamées. Et à l’époque il était sans doute plus facile de créer un parti politique ou de lancer un journal que d’ouvrir une pizzeria. Les Algériens avaient une nouvelle Constitution qui leur garantissait plus de libertés que les Américains pouvaient en rêver.

 

 

A l’époque, tous les dossiers partisans étaient agréés à l’exception de deux : celui d’une formation qui puisait son idéologie du «livre vert» de Kadhafi et celui prévoyant une relance du parti messaliste. On avait l’impression que les autorités, prises de remords après les dégâts des balles doum doum, entendaient se rattraper et compenser les horreurs par un maximum de libertés.

 

 

Chose capitale et qui trompait le mieux : la volonté du peuple exprimée à travers les urnes était respectée. Le peuple ne put cependant récupérer totalement sa souveraineté. Le président Chadli Bendjedid quittait la scène, quelques jours après avoir fait état de son intention d’organiser des élections présidentielles anticipées.

 

 

Chadli partit, son œuvre démocratique ne tarda pas à le suivre. Les libertés s’effacèrent pour faire place au sang, à la folie meurtrière, à la douleur et à l’horreur. Aujourd’hui, l’Algérie vit encore l’état d’urgence, le terrorisme n’est plus en mesure de menacer l’Etat mais s’il est faible, on ne peut prétendre qu’il a complètement disparu comme on ne peut ne pas admettre que le banditisme lui succède et s’avère aussi redoutable pour les populations.

 

 

Des populations fragilisées, exposées à tous les maux et qui ne savent plus à quel saint se vouer ? Le «chahut de gamins» a eu des conséquences dramatiques qu’on pouvait difficilement imaginer. Le Front de libération national, qui pouvait passer pour victime il y a dix-huit ans, a pu redresser la barre, redevenir majoritaire et dominer de nouveau le pays.

 

 

Le FLN, n’était-il pas poussé au musée après qu’il ne soit dévalisé de ses biens ? Les efforts pour s’en débarrasser ou le récupérer ont échoués et s’il n’est pas un ange, le FLN n’a jamais été un démon pour le peuple. Rares sont les cadres sortis de son moule qui ont adopté des positions opposées aux intérêts du peuple.

 

 

Octobre 88 a forcé le FLN à mettre un genou à terre, le pays imita. Aujourd’hui, le FLN, qui se dit rassembleur, se trouve être le parti le mieux placé pour tirer les leçons d’octobre 88. Ce qui, si cela était entrepris, ne pourra que se traduire bénéfiquement non seulement pour le peuple mais aussi pour les autres partis politiques, ses propres rivaux.

 

 

M. Z.

 

 

 

 

 


Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la LADDH

 

 

Le 5 octobre a été préparé une année à l’avance

 

par Sihem H., Le Jeune Indépendant, 5 octobre 2006

 

 

Dans ce bref entretien accordé au Jeune Indépendant, Me Ali Yahia Abdenour revient sur les événements du 5 octobre et n’hésite pas à pointer du doigt les personnes qui étaient au pouvoir à cette époque pour avoir accentué le débordement de la situation.

 

 

Le Jeune Indépendant : Comment sont nés les événements du 5 octobre 1988 ?
Ali Yahia Abdenour : Les événements du mercredi 5 octobre 1988 avaient été planifiés une année à l’avance par Chadli Bendjedid, président de la République de l’époque, qui avait installé des commissions pour réviser et préparer la Constitutions de 1989 à travers laquelle il voulait consacrer le multipartisme.

 

 

Ces événements étaient donc le résultat d’une lutte à l’intérieur du pouvoir entre le président de la République de l’époque et l’aile conservatrice du FLN. Une lutte qui a fini par dépasser tous les calculs établis pour descendre dans la rue.

 

 

Des jeunes ont manifesté pour réclamer des conditions de vie plus décentes et étaient loin de se douter que c’étaient les bras de la mort qui leur étaient ouverts. La violence qui leur a été réservée était d’une telle ampleur que le président de la République avait lui-même reconnu, dans son discours du 9 octobre 1988, que les événements ont engendré des centaines de morts par balle et, surtout, suite à des tortures.

 

 

Pour essayer d’atténuer les dégâts, Chadli a décidé de relever de leurs fonctions Mohamed Cherif Messaâdia, secrétaire général du FLN, et Lakhal Ayat, chef des services spéciaux militaires. Mais le coup était déjà parti. D’autant plus que le risque islamiste était sous-estimé.

 

 

C’est-à-dire ?
Le 10 octobre, Ali Benhadj et ses acolytes avaient organisé une manifestation à Alger durant laquelle les scènes de violence ont redoublé d’intensité. Cette manifestation avait relevé pour la première fois l’existence d’un mouvement islamiste organisé en Algérie et qui, jusque-là, n’était que dans les mosquées.

 

 

Dix-huit ans après ces événements, quel bilan faîtes-vous de la situation des droits de l’homme en Algérie ?
Le coup d’Etat de 1992, l’arrivé du FIS et la tragédie nationale qui s’en est suivie a fait retourner la situation des droit de l’homme en Algérie au même niveau que celui qui régnait lors de la guerre de libération de l’Algérie.

 

 

La violence durant la décennie noire avait donné naissance à des camps de concentration dans le sud, une légitimation de la torture et bien d’autres pratiques contraires à tous les principes des droits de l’homme et aux conventions ratifiées dans ce sens par l’Algérie.

 

 

Vous voulez dire que le 5 octobre n’a pas atteint l’objectif qui lui a été assigné ?
La situation ne se présente pas exactement de la sorte. D’autant plus que ces événement ont déclenché le processus de démocratisation en Algérie, ce qui a permis à des partis politiques activant auparavant dans la clandestinité d’avoir leur agrément ou encore à d’autres de voir le jour.

 

 

C’est aussi grâce à ces manifestation qu’on est parvenu à la création d’une presse autonome qui peut dire certaines vérités. Elles ont aussi permis à des associations à l’exemple de la LADDH de sortir de leur clandestinité. Mais cela n’est pas suffisant.

 

 

Pouvez-vous nous citer des exemples ?
Si l’on prend par exemple le secteur de la justice, je peux vous affirmer sans risque de me tromper que ce secteur n’a connu aucune évolution depuis le temps du colonialisme. Le président de la République détient à lui seul tous les pouvoirs de décision et la séparation des pouvoirs n’existe que sur papier.

 

 

C’est vrai qu’il n’y a pas eu de paramètres encouragent mais le constats est là : nous ne pouvons pas encore parler de démocratie en Algérie. D’ailleurs, un simple regard autour de nous nous permet de conforter cette thèse. A titre d’exemple, 56 syndicats ont déposé des demandes d’agrément sans avoir eu de réponse.

 

 

Chose totalement contraire à la loi qui, justement, autorise le pluralisme syndical. Je tiens à vous répéter ici un principe qui m’est très cher : il n’y a pas de justice sans liberté et il n y’a pas de liberté sans justice. Tant que cela n’est pas appliqué, l’Algérie peinera à réaliser des avancées.

 

 

Il faut comprendre une bonne fois pour toute que la tragédie des années 1990 était le revers d’une démocratie mal perçue et surtout mal appliquée… S. H.

 

 

 

 

 


Saïd Bouhadja, chargé de communication du parti au J I

 

 

«Le 5 octobre 1988 a fini par conforter le FLN»

 

par S.H., Le Jeune Indépendant, 5 octobre 2006

 

 

Le fait que le Front de libération nationale (FLN), fortement contesté en 1988, soit revenu en force au pouvoir pour devenir le parti majoritaire est expliqué par M. Saïd Bouhadja, chargé de communication du parti, par «un changement de regard du citoyen qui a compris que les années où le FLN était au pouvoir» représentaient «les années d’or de l’histoire de l’Algérie indépendante». Il nous en dit plus dans cet entretien qu’il a bien voulu nous accorder.

 

 

Le Jeune Indépendant : Que représente pour le FLN, le 5 octobre 1988 ?
Saïd Bouhadja : Le 5 octobre demeure un jour exceptionnel dans l’histoire de l’Algérie indépendante.

 

 

Tout le monde sait, aujourd’hui, que ces événements avaient été un subterfuge concocté, notamment, par les islamistes. D’ailleurs, au départ, les revendications soulevées par les citoyens étaient loin d’être politiques. C’est la réaction des forces sécuritaires qui avait soulevé un tollé chez la jeunesse qui s’en est, du coup, prise au FLN, le parti unique à l’époque.

 

 

Une réaction inattendue, d’autant plus que notre parti se contentait de guider le pays, non de le diriger. Cette réaction des citoyens était des plus inattendues, dans la mesure où les manifestations ont dépassé tous les calculs établis alors.

 

 

Il est vrai que le FLN était le parti unique à l’époque, mais il était loin d’incarner une volonté de dislocation de la société. Bien au contraire, le parti se servait de son ancrage pour établir un équilibre au sein de la société.

 

 

Malheureusement, cette volonté, née de ces événements, de faire disparaître le parti unique sans une planification préalable a donné naissance à la tragédie nationale, quelques années seulement après le 5 octobre 1988. Le FLN honni et contesté en octobre 1988 est revenu en force. Aujourd’hui, il est majoritaire dans toutes les institutions de l’Etat.

 

 

Comment l’expliquez- vous ?
Après avoir traversé justement la période sanglante dont je viens de vous parler, les citoyens se sont aperçus que la période durant laquelle le FLN était au pouvoir représentait, tous comptes faits, les années d’or de l’Algérie.

 

 

Une raison pour laquelle nous avons enregistré un fervent retour du FLN qui est devenu le parti majoritaire dans toutes les institutions du pays. Il est vrai que le multipartisme avait été imposé aussi par une évolution mondiale dont les bouleversements ont touché plusieurs pays.

 

 

Toutefois, même si nous n’avons à aucun moment contesté le changement vers le multipartisme, nous continuons à nous soulever contre la manière dont cela a été effectué. Le peuple a compris que, peut-être, si la mutation avait été organisée de manière plus délicate, il n’y aurait pas eu de terrorisme en Algérie et on aurait évité autant d’années de braise et de retard sur tous les plans.

 

 

Dix ans plus tard, les Algériens ont compris cela et ont repris confiance en notre parti… Ils lui réservent un tout autre regard que celui de 1988. S. H.

 

 


Dix-huit ans après…

 

par S.H, Le Jeune Indépendant, 5 octobre 2006

 

 

Le 4 octobre 1988 au soir débutaient des émeutes d’une incroyable violence. Elles s’amplifieront le lendemain et plongeront, durant plusieurs jours, Alger puis d’autres villes dans un chaos sans égal depuis l’indépendance. L’intervention de l’armée pour rétablir l’ordre a fait plusieurs centaines de victimes.

 

 

Le traumatisme de la société est d’autant plus profond que des dizaines de jeunes sont sauvagement torturés après leur arrestation. Des manifestations sporadiques de jeunes se sont déclarées dans toutes les régions du pays. Les manifestants s’attaquaient, curieusement, aux commissariats de police, aswak,...

 

 

En fait, à tout ce qui symbolisait l’autorité, voire l’Etat. Leurs objectifs étaient assez précis. C’était le ras-le-bol... Sur l’origine de ces émeutes, les thèses les plus contradictoires s’affrontent encore, mais octobre 1988 offre, avant tout, la preuve sanglante qu’une partie des dirigeants de l’époque méconnaissaient les véritables préoccupations et besoins de la société.

 

 

Dix-huit ans après, cette date s’est imposée dans le panthéon de l’histoire comme un potentiel démocratique chèrement acquis. Le président Abdelaziz Bouteflika martelait, à propos de ces évènements lors de plusieurs de ses sorties médiatiques, que «le peuple a été sorti», poussé dans des émeutes.

 

 

Octobre 1988 ne ressemblait pas, à ses yeux, à une «révolution démocratique». M’hammed Boukhobza, sociologue assassiné en juin 1993 et auteur de Octobre 88, évolution ou rupture ?, disait à ce sujet qu’«Octobre a été un moment d’extériorisation ou, plus exactement, un moment de contestation sociale d’une situation de crise générale latente».Ces sanglants événements vont pourtant modifier la vie politique.

 

 

Après vingt-six ans de règne sans partage du FLN, le multipartisme est autorisé, une presse privée indépendante a vu le jour et le mouvement associatif est né. «Nous avons préféré croire à la chimère de la démocratie alors qu’inconsciemment, nous savions tous que ces événements étaient certainement la répétition de quelque chose de plus grave et de plus violent qui allait arriver rapidement», révèle plus tard un haut cadre de l’époque.

 

 

S. H.

 

 

 

 

 


Un moment ignoré des plus jeunes

 

par Ziad Salah, Le Jeune Indépendant, 5 octobre 2006

 

 

Rares sont ceux qui font le lien directement entre la date du 5 octobre et l’année 1988. Ce qui signifie que cette date – pourtant présentée par certains sociologues et politologues comme un moment fondateur comparable à Mai 68 en France – ne représente absolument rien, notamment pour la génération des vingt ans.

 

 

Leurs aînés, dont certains ont été soit acteurs, soit simples observateurs de ces journées d’octobre, n’ont pas su restituer ces événements qui avaient ébranlé un édifice mis en place un quart de siècle durant. Octobre, au même titre que d’autres événements marquants de notre histoire, relégués sciemment dans l’oubli, témoigne de la phobie que nous avons cultivée à l’égard de notre mémoire collective.

 

 

A Oran, seconde ville du pays, il n’y a aucun monument, aucun édifice, aucun signe immortalisant cette date. Pourtant, les rues et les quartiers nouvellement construits ne manquent pas. Officieusement, aucune association n’a choisi cette date ou s’est fixée comme objectif de perpétuer le souvenir.

 

 

Il faut dire que, politiquement parlant, ce «créneau» n’est pas porteur. A Oran, comme le reste du pays, le souvenir d’Octobre s’est estompé il y a longtemps. Pourtant, les conséquences immédiates de ces journées sont toujours là, devant nos yeux frappés de cécité.

 

 

Depuis ces événements, les vitrines des artères du centre-ville ont renoncé au verre au profit du fer. Car les assaillants à l’époque, la plupart à peine sortis de l’adolescence, avaient déversé leur colère sur ces devantures. Le marchand de meubles du quartier Miramar et le pressing distant de quelques dizaines de mètres sont une illustration de cette débauche de ressentiments.

 

 

Ceux qui se souviennent encore de ces événements affirmeront que les ex-Galeries algériennes avaient été particulièrement ciblées par les jeunes. D’ailleurs, ces événements furent le prélude à la disparition de ces commerces, monopole étatique.

 

 

Toujours au niveau du quartier Miramar, les institutions bancaires, lieux où les jeunes n’avaient aucune raison de s’y rendre, avaient été visées par l’élan destructeur de la masse juvénile. Les mouhafadate FLN, symbole du pouvoir arbitraire, n’en avaient pas été épargnées non plus, notamment dans les quartiers populaires.

 

 

Par contre, les établissements scolaires et sanitaires, pourtant ne disposant d’aucune surveillance particulière, n’ont pas été touchés. Ce qui en dit long sur les motivations des jeunes révoltés. Sur un autre plan, ces journées d’Octobre ont été déterminantes dans la trajectoire de Rachid Malaoui, un des leaders du mouvement syndical autonome.

 

 

Il a été emprisonné dans les locaux de la sécurité militaire et a subi, avec des militants du PAGS notamment, des tortures surtout morales. Cette épreuve a définitivement forgé son caractère et son tempérament de militant. D’autres qui, pourtant, se sont distingués au lendemain de ces événements, révéleront par la suite d’autres facettes de leur personnalité.

 

 

C’est le cas, entre autres, d’un ancien directeur d’une publication locale. Dans un éditorial, il osera défoncer des tabous en démentant les arguments des communiqués officiels parlant de retour au calme, que son journal était sommé de reproduire.

 

 

Par la suite, il poussera le bouchon jusqu’à suggérer, sur un ton ironique, des perspectives au FLN, parti unique. Sa formule fera bonne fortune durant des années. Par la suite, la trajectoire de ce journaliste se perdra dans le tourbillon des affaires et des compromissions.

 

 

D’autres jeunes, traumatisés par la répression aveugle qui s’était abattue sur eux, décidèrent d’investir le champ politique. Ils participeront à la collecte des témoignages pour le livre blanc publié par la suite. Un avocat, mort il y a quelques années, ouvrira son cabinet pour abriter la première association de défense des droits de l’homme.

 

 

L’expérience tournera court quelques années plus tard. L’échec du pôle dit démocratique dans les premières élections communales a entraîné les premiers désenchantements de ceux qui se réclamaient «octobristes». De ces événements et de leurs conséquences encore aujourd’hui, les jeunes ne savent rien.

 

 

Parce que, encore une fois, ceux qui doivent en parler ont choisi de se taire. Décidemment, le silence sur l’essentiel est l’unique tradition dans ce pays… Z. S.

 

 

 

 


Hocine Zehouane, président de la LADDH

 

 

Beaucoup de vérités sont encore dissimulées

 

par S.H

 

 

Le président de la Ligue algérienne de la défense des droits de l’homme (LADDH) plaide, dans ce bref entretien, pour la constitution d’une autorité nationale qui sera chargée d’établir le bilan des événements vécus par l’Algérie depuis le 5 octobre 1988.

 

 

Le Jeune Indépendant : Que reste-t-il du 5 octobre 1988 ?
Hocine Zehouane : Nous ne pouvons pas pour le moment faire de bilan. D’autant plus que, depuis ces évènements à ce jour, l’Algérie est passée par des périodes sanglantes allant jusqu’à la perpétration répétitive de massacres collectifs.

 

 

Nous avons vécu des traumatismes qui nous ont empêché d’avoir une vision rétrospective. Pendant toute une décennie, nous avons subi des événements catastrophiques sans pourvoir réagir. Nous ne pouvons donc faire aucun bilan tant que nous n’avons pas encore d’explication pour comprendre exactement comment s’est produit le 5 octobre, ainsi que les évènements qui se sont suivis depuis.

 

 

C’est pour cela que nous militons actuellement pour décrocher ces explications qui nous permettront de régler la crise nationale. Plus aucune vérité ne doit être dissimulée.

 

 

Quelle est, à votre avis, la solution la plus adéquate ?
La solution qui je propose est, certes, difficile mais pas impossible.

 

 

Celle-ci consiste à constituer une autorité nationale moralement inattaquable constituée de personnes qui ont prouvé leur capacité à assumer courageusement leurs opinions. Ces personnes auront la charge de faire un audit exhaustif de la situation en Algérie depuis 1988, y compris au sujet des morts, des disparus, des massacres collectifs et bien d’autres drames.

 

 

Une fois ce travail terminé, il doit être présenté à la nation. Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’on pourra éclaircir certaines zones d’ombre et traiter ces évènements sur le plan juridique et thérapeutique. Ceci nous permettra également d’intégrer historiquement les évènements du 5 octobre 1988 et ceux de la tragédie nationale.

 

 

S. H.

 

 

Oublier Octobre ?

 

par K. Selim, Le Quotidien d'Oran, 6 octobre 2007

 

 

Oublier Octobre 1988 est peut-être l'un des plus grands vœux des tenants d'un système qui croient encore possible sa pleine restauration. Certains d'entre eux persistent à dire que les émeutes d'Octobre n'avaient pas pour but d'exiger la démocratie mais le bien-être, la justice sociale.

 

 

Une assertion aussi contestable que celle qui prétend que les Algériens ne sont pas « prêts » et n'ont pas la « culture démocratique » nécessaire. C'est pourtant bien un ordre établi qui a été contesté pour son autoritarisme, son rejet du pluralisme et des libertés et son inefficacité économique. La justice sociale et le bien-être, qui n'ont pu être réalisés sous l'autoritarisme, ne peuvent être opposables à la démocratie.

 

 

Deux décennies plus tard, il est difficile de faire accroire que la justice sociale n'a pas besoin de démocratie. Les syndicats autonomes qui se battent, dans l'adversité, pour défendre les intérêts de leurs adhérents en savent quelque chose. Ils subissent l'autoritarisme d'un système qui cherche à se restaurer en effaçant une à une les concessions faites à la société après Octobre 1988. Le syndicalisme autonome fait de la résistance, il est une des dernières survivances de la parenthèse démocratique née d'Octobre 1988. Ailleurs, le rouleau compresseur de la « restauration » n'a pratiquement rien laissé. C'est un désert. Les partis politiques sont des réalités virtuelles en charge de faire les louanges de l'ordre établi, ils n'ont plus aucune signification sociale. Les contre-pouvoirs sont inexistants et, conséquemment, les citoyens tournent le dos à une offre politique vide de sens.

 

 

On avait accusé l'affairisme d'avoir fait le lit des évènements d'Octobre 1988; que dire aujourd'hui d'un système où les « affaires » se déclament avec des chiffres astronomiques ? Les Algériens oublieraient allègrement Octobre 1988 et d'autres dates symboles si le système « restauré » montrait des signes d'efficacité. Ce n'est pas le cas. Sa force relative - qui est sa faiblesse fondamentale dans le rapport à l'extérieur - ne tient qu'à l'affaiblissement de la capacité d'influence de la société à travers des structures autonomes significatives.

 

 

Le fossé entre l'Algérie officielle et l'Algérie réelle continue de s'élargir. La restauration du système fonctionne sur le bannissement de la politique, sa négation même. Résultat: les citoyens, en dépit de leur manque supposé de « culture politique », en ont suffisamment pour ne pas accepter des simulacres. Avant Octobre 1988, ils avaient cessé de prêter attention au simulacre du parti et des organisations de masse; aujourd'hui, ils n'accordent plus d'attention au simulacre de pluralisme.

 

 

Et pourtant, le pays fait face à de graves problèmes que l'aisance financière ne masque pas mais révèle. Il a besoin de politique, de contre-pouvoirs, de libertés, de débat, de confrontations libres d'idées. C'était cela l'exigence d'Octobre 1988; elle est toujours d'une actualité pressante.

 

 

L’espoir enterré

 

El Watan, 6 octobre 2007

 

 

5 octobre 1988. Dix-neuf ans après, que reste-t-il de cette révolte ? Rien, c’est le black-out qui entoure encore ce terrible événement, mais les blessures restent indélébiles.

 

 

Elles le resteront d’ailleurs tant la vérité demeure cachée. Pour les familles des 400 victimes fauchées par les balles pendant les émeutes, la plaie reste ouverte. Hier encore, c’est dans l’oubli qu’a été célébré cet événement tragique. Au lieu d’intégrer cette date charnière dans le panthéon de l’histoire, les officiels préfèrent encore tourner le dos à la révolte d’octobre : ni commémoration ni déclaration, encore moins un hommage. « Si les autorités pouvaient sauter le mois d’octobre, elles l’auraient fait », ironisait hier Azouaou Hamou l’Hadj qui déplore le silence de l’Etat. Pourtant, cette date évoque beaucoup de choses que cette victime, qui garde encore des séquelles de cet événement – amputée de son bras gauche –, n’est pas près d’oublier. Une répression sanglante à laquelle s’ajoute la torture s’était abattue sur des manifestants dont la majorité était très jeune. Des enfants à la fleur de l’âge qui manifestèrent dans les rues d’Alger furent fauchés par des balles assassines ou torturés sauvagement par les services de sécurité de l’époque. Chacun allait de sa propre interprétation des événements du 5 octobre 1988 : soulèvement populaire, mouvement spontané d’essence démocratique, « chahut de gamins », complot dressé par le pouvoir en place pour renverser un autre. Mais aux yeux d’Azouaou, bien qu’aucune enquête n’ait été à ce jour diligentée à cet effet, « c’est aux historiens de faire des recherches sur les causes de cette révolte ». Celui-ci témoigne que « les événements n’ont pas été canalisés, la révolte était spontanée ». « Octobre, c’était le rejet de la hogra », selon cette victime. Azouaou n’a qu’une revendication : le statut de victime d’octobre. « On est victime de qui ? », s’interroge notre interlocuteur. Même combat pour l’actuel président de l’Association des victimes d’octobre (AVO), Ouchelouche Djaâffar. Celui-ci regrette que certaines victimes couraient dès le début pour avoir des compensations matérielles. Une démarche à laquelle lui qui a perdu son fils qui n’avait que 13 ans – tué à bout portant – n’a pas adhéré. « Ce n’est pas le matériel qui peut compenser la détresse », estimera-t-il. Avant d’ajouter : « Comme moi, j’ai perdu mon fils, rien ne peut me compenser sauf sa vie. » Ouchelouche regrette le fait que les victimes d’octobre 1988 n’aient pas été concernées par l’augmentation des pensions fixées à 10 000 DA. Il touche aujourd’hui 2200 DA/mois. Pour lui, la raison qui a fait que les victimes d’octobre sont ignorées, c’est l’absence d’un statut pour cette catégorie. « Les victimes d’octobre 1988 ont été oubliées, y compris par la classe politique d’‘‘opposition’’ », regrette-t-il. Ce père d’une victime explique les émeutes d’octobre par « une réaction spontanée à un événement préparé par des forces occultes ». Malheureusement, poursuit-il, « les services de sécurité de l’époque n’ont pas su gérer ce genre d’événement et l’hécatombe s’en était suivie ». Le nombre de victimes de cette « bavure » du pouvoir est à ce jour sujet à polémique. Si, officiellement, le nombre était de 157 victimes, l’AVO a dénombré 314, d’autres sources donnaient 1200 morts et plus de 15 000 handicapés à vie. M. Ouchelouche refuse de croire que c’est octobre 1988 qui a généré le terrorisme et les autres crises. « Octobre a permis de revoir les tares qui ont été cachées », estimant que « le mouvement criminel intégriste n’aurait pu être mis au jour s’il n’y avait eu l’événement de 1988 ». Cela dit, au-delà des causes et des hommes qui ont mis le feu aux poudres – une tâche qui relève beaucoup plus du domaine de l’historien –, le 5 octobre a marqué la naissance du multipartisme, de la presse indépendante et des libertés individuelles. Que reste-t-il de ce cher acquis ? Rien ou que des illusions.

 

 

Rabah Beldjenna

 

 

« Celui qui les a poussés... »

 

El Watan, 5 octobre 2005

 

 

Dix sept fois octobre. El Harrach, Bachdjerrah et Bab El Oued, trident de la colère, ont peu changé. Quartiers populaires largués de part et d’autre d’Alger, qui ont tout vu traverser : inondations, relogements, affrontements de nuit, pénuries, émeutes, Honda qu’on brûle, COMIRO (commandement militaire pour le rétablissement de l’ordre du général Nezzar), morts, rafales, rafles.

 

 

5 octobre 1988, dix-sept ans après, qu’en reste-t-il ? Le président Abdelaziz Bouteflika répétait, lors de la récente campagne référendaire, que « le peuple a été sorti », poussé dans des émeutes. Octobre 1988 ne ressemblait pas, à ses yeux, à une « révolution démocratique ». M’hammed Boukhobza, sociologue assassiné en juin 1993 et auteur de Octobre 88, évolution ou rupture ?, soulignait dans son étude que « Octobre a été un moment d’extériorisation ou plus exactement un moment de contestation sociale d’une situation de crise générale latente ». « D’accord, selon Bouteflika le peuple a été poussé, manipulé. Mais celui qui les a poussé, il n’a rien subi. Rien. Alors que nous : 400 morts, un millier de blessés, des torturés, des mutilés », s’emporte Hammou L’hadj Azouaou, 38 ans, amputé de son bras gauche jusqu’à l’épaule et président de l’Association des victimes d’octobre 1988 (AVO88). Le 10 octobre 1988, Azouaou se rend à Bab El Oued chercher du pain pour sa gargote de la rue Hassiba Ben Bouali. Les troubles paralysent la capitale. Mais le 10, c’est la marche à laquelle aurait appelé un anonyme, Ali Benhadj. 14h30, un tir. Personne ne saura d’où est venu cette balle. Comme dans quatre ans plus tard, les fameuses voitures banalisées qui tiraient sur la foule des manifestants du FIS. Bousculade. Les militaires sont là. Sid Ali Benmechiche, journaliste à l’APS, est tué par une balle perdue au niveau de la DGSN. A Oran, le même jour, le regretté Abdelkader Alloula est arrêté. Bousculade. Azouaou, à Bab El Oued, tente de secourir une jeune fille blessée. Trois soldats rappliquent, l’un deux tire une rafale de fusil mitrailleur. Neuf balles dans le corps. Bras sectionné par les projectiles. Orteils du pied éclatés. Blessures au visage, au coude. « Nos mutilations sont considérées comme ‘’accident de travail’’. Accident de travail pour des gamins qui n’avait pas 18 ans à l’époque, ou même pour des enfants en bas âge touchés par des balles perdues. Accident de travail ! » dit Azouaou. Et ces centaines de jeunes qui ont subi la torture ? « Eux, ils n’ont rien. Alors là... », répond le président d’AVO88. « Depuis 1989, on a interpellé les gouvernements successifs, l’APN, les groupes parlementaires, nous avons déposé des mémorandums, des demandes...Nous voulons un statut », dit Azouaou. « Il faudrait bien que l’histoire condamne Lakhal Ayat (chef des services spéciaux militaires), Larbi Belkhir (directeur de cabinet du président Chadli), Khaled Nezzar et Hadi Lekhdiri (ministre de l’Intérieur) à divulguer les détails de ce qui s’était passé, surtout en ce qui concerne la torture », ajoute Azouaou qui préfère commémorer cet événement dans le deuil, seul. « Mais je salue RAJ (Rassemblement Action Jeunesse) qui dépose chaque année une gerbe à la Place des martyrs », dit Azouaou. « La véritable réconciliation reste à faire entre le peuple et le pouvoir », termine Azouaou avant de souligner : « Sans octobre 1988, Bouteflika aurait-il pu revenir ? ».

 

 

Adlène Meddi

 

 

IL Y A 19 ANS, LE 5 OCTOBRE 1988

 

 

Un goût de cendre

 

L'Expression, 04 Octobre 2007

 

 

L’accumulation des frustrations et des brimades ont eu l’effet d’une bombe à retardement.

 

 

C’est une évidence. L’ouverture politique prometteuse décidée par le pouvoir algérien sous la pression populaire en 1988 a tourné au cauchemar. A la tragédie. En 2007 encore, les avis qui militent pour la thèse de la manipulation et de lutte au sommet du pouvoir sont nombreux. Mais il est incontestable tout de même que les véritables motivations de la révolte des citoyens sont en relation directe avec la pénible situation sociale et la soif de liberté ressenties par des pans entiers de citoyens durant des années. Tôt ou tard, cette explosion sociale devait arriver. Tellement le peuple était opprimé.
L’accumulation des frustrations et des brimades ont eu l’effet d’une bombe à retardement. Les seuls espaces d’expression à l’époque des années de plomb: les stades de football bouillonnaient. On chantait la malvie et...la cherté de la vie. Le même décor annonciateur de tempêtes que celui planté durant ces dernières années par le truchement d’une politique économique ruineuse pour les couches sociales défavorisées. Comme il est vrai aussi que cette timide ouverture démocratique qui a vu l’avènement du multipartisme avec la création des ACP (associations à caractère politique) était porteuse d’espoir. Dans son sillage, une certaine liberté de la presse et d’expression politique a vu le jour. L’Algérie était promise à un changement qui n’a pas eu lieu tout compte fait. La célèbre phrase assassine du président Chadli Benjedid qui disait dans son discours de pré-octobre 88 que «Ceux qui ne sont pas satisfaits de notre façon de gérer le pays n’ont qu’à quitter l’Algérie» a eu un effet sur le long terme. Fait unique dans les annales de l’histoire: un chef d’Etat qui appelle les citoyens à quitter le pays. Discours prémonitoire ou provocateur? Les citoyens sont stupéfaits. Les jeunes rêvaient alors de «babor l’Australie», le fameux bateau qui devait venir secourir les jeunes Algériens qui commençaient à découvrir la malvie. C’était aussi l’époque du fameux «PAP (Programme anti-pénurie)». Un bateau, chanté par Mohamed Fellag, qui ne viendra pas. Ce n’était pas encore l’épopée des «harraga» mais l’idée y était déjà. Deux décades plus tard, le nombre d’Algériens qui quittent le pays ne cesse de croître. L’élite s’installe par milliers au Canada, aux USA. Les jeunes, sans diplômes et sans perspectives, se rabattent sur la voie risquée de la traversée de la mort. L’épopée des «harraga» est née. Sur le plan politique, l’Algérie s’installe dans l’impasse politique. L’expérience démocratique a été écourtée le 26 décembre 1991 suite à l’arrêt du processus électoral qui devait propulser l’ex-FIS aux commandes de l’Algérie. C’est la fin de la bipolarité politique entretenue, des années durant, entre le FIS et le FLN. Le bras de fer s’est terminé par un clash. Les deux camps antagonistes ont engagé une autre bataille...dont les retombées mettent toujours entre parenthèses l’existence des Algériens. Pour les décideurs du régime la «récréation» devait prendre fin. Le 11 janvier 1992, «un coup de force» fait tomber le président Chadli Bendjedid. L’Algérie verse dans le terrorisme, les carnages et les bains de sang. Le rêve populaire tourne à la tragédie. La construction démocratique du pays est remise aux calendes grecques. C’est la grande désillusion. Les partis politiques d’opposition sont muselés. Les espaces de libertés arrachés par les sacrifices des jeunes «octobristes» sont réduits à néant. La presse privée a vu ses champs d’investigation réduits et balisés. Une nouvelle version du régime du parti unique s’installe au fil des années à l’ombre des bruits de bottes et des éclats de bombes. La parenthèse démocratique est fermée. Otobre-88, janvier 89, (amendement de la Constitution ) décembre-91, Janvier-92 sont des dates marquées par le sceau de la violence qui a induit cette descente aux enfers de l’Algérie indépendante. Les réformes politiques n’ont servi à rien. L’Algérie retourne à la case de départ. Aujourd’hui, les citoyennes et les citoyens n’aspirent qu’à retrouver la paix dans un environnement hostile qui place le pays au-devant de la crise sécuritaire mondiale. Le destin de l’Algérie sera désormais scellé par la réussite ou l’échec de la politique de la réconciliation nationale. Une oeuvre de paix de longue haleine. Son avenir reste tributaire des enjeux qui se déroulent sur la scène internationale aussi bien sur le plan économique, politique que sécuritaire. Octobre-88 le cauchemar aurait pu se transformer en conte de fées pour une Algérie qui n’a pas su saisir cette opportunité et se réconcilier avec elle-même. Un leurre et une promesse sans lendemain.

 

 

Kamel BENMESBAH

 

 

IL Y A 19 ANS, LE 5 OCTOBRE 1988

 

 

Quelle leçon a-t-on tiré?

 

L'Expression, 04 Octobre 2007

 

 

Les mêmes signes de la malvie marquent actuellement la situation sociale du pays.

 

 

05 octobre 1988 - 05 octobre 2007: dix-neuf ans sont déjà passés et les scènes des émeutes sont toujours présentes dans la mémoire des Algériens. Des émeutes qui, par la suite, se sont transformées en soulèvement populaire avec tous les dégâts qui en découlèrent, que ce soit en vies humaines ou en dommages subis par les institutions et entreprises publiques.
Le bilan officiel: 176 morts, 900 arrestations et des dégâts matériels de plusieurs milliards de dollars. Le 5 Octobre 1988 a représenté un tournant décisif dans l’histoire contemporaine de l’Algérie. Du parti unique au pluralisme politique, du dirigisme économique à l’économie de marché, de la presse «unique» à l’ouverture du champ médiatique, tels sont les acquis de cet événement historique. Avant cette date, le chômage faisait rage et l’Algérie était au bord de la crise économique sans que le peuple n’en soit informé. Les dirigeants eux-mêmes ne voyaient pas venir la chose.
Durant les années 1980, la corruption atteint des proportions jamais égalées. L’Algérie reste très dépendante des hydrocarbures. La rente du gaz et du pétrole ne suffit plus au financement des importations et aux vastes programmes d’investissements publics dans l’industrie et les services. A partir de 1986, l’économie s’effondre (98%des ressources provenaient de la seule vente du pétrole). La crise sociale apparaît au grand jour. Trois éléments la montrent: la pénurie de logements, les jeunes sans travail, n’ont rien d’autre à faire que ´´tenir le mur´´ et la contestation régionale monte, alors que les événements d’avril 1980 en Kabylie et les revendications pour tamazight, préludaient à des jours difficiles qu’allait vivre l’Algérie. Les jeunes Algérois, faute d’une véritable écoute de la part des gouvernants n’ont trouvé que la rue pour crier leur ras-le-bol.
En ce dix-neuvième anniversaire de cette révolte, le pays a du mal à sortir la tête de l’eau et se retrouve quasiment dans la même situation sociale décriée par les manifestants d’Octobre 88.
Si notre pays a recouvré la paix depuis l’arrivée de Bouteflika à la tête de l’Etat et que les caisses sont renflouées depuis l’embellie financière due à la flambée du prix du pétrole, force est de constater que cette embellie ne s’est nullement répercutée sur le mode de vie du citoyen. En 2007 comme en 1988 l’Algérie dépend toujours, à 98%, des revenus des hydrocarbures. Comme si le 5 Octobre ne nous a pas servi de leçon.
Ballottés entre un pouvoir d’achat en continuelle dépréciation et la nécessité de faire face à des dépenses en perpétuelle augmentation, le citoyen ne sait plus à quel saint se vouer. Cette année, les choses ont empiré. Les salaires stagnent alors que les prix n’ont cessé d’augmenter. Les citoyens recourent aux émeutes pour crier leur malvie: réclamer de l’eau potable, de l’électricité, le gaz, un logement décent, des soins, un emploi et attirer l’attention des pouvoirs publics sur l’isolement auquel sont contraintes des familles entières. Le gouvernement tente de calmer les esprits. Il annonce une nouvelle grille salariale. Une mesure contestée par plusieurs syndicats autonomes qui préparent des mouvements de protestation. Pis encore, le gouvernement vient d’annoncer la prochaine dissolution de 120 entreprises publiques. Cette décision fera certainement du bruit du côté des employés, dans la mesure où des milliers de postes d’emploi devront disparaître.
L’Algérie est-elle au bord de l’asphyxie? Plus la crise sociale se complique, plus la protestation populaire s’amplifie et plus la situation politique devient intenable. La dilution des responsabilités et l’absence d’initiatives expliquent en quelque sorte cette panne. C’est ce que le peuple appelle «absence de l’Etat».

 

 

Fatiha AMALOU

 

 

Une inquiétante régression des libertés démocratiques

 

 

Que reste-t-il du 5 Octobre ?

 

Par Mustapha Benfodil Liberté, 5 octobre 2005

 

 

“Premiers jours d’Octobre 1988. La voici soudain seule dans l’appartement déserté d’un ami. Dans la ville, des jeunes, des enfants manifestent, défilent, détruisent. La police bat en retraite. L’armée dans la ville. Les chars, la nuit. L’insurrection. Le sang dans les rues…” Assia Djebbar, Vaste est la prison.

 

 

C’est tombé un mercredi, comme il y a dix-sept ans. Une journée terrible. Fatidique. Dix-sept ans plus tard, que reste-t-il du 5 Octobre ? Des acquis d’Octobre ? De l’esprit d’Octobre ? “Une grosse désillusion”, répond d’emblée Sid-Ahmed Semiane dit SAS, avant de souligner : “De l’esprit d’Octobre ne reste que la révolte. Une révolte nue qui est en chacun de nous, elle est chez les jeunes, dans la rue, dans les cafés, dans les stades. Une révolte qu’on ne peut acheter avec les crédits, les facilités de paiements, les machines à laver… Ce qui reste d’Octobre, c’est ça ; c’est juste cette révolte. Le reste, tout le reste, ça a été un échec absolu. Le multipartisme est un échec, la presse, tout.”
Le chroniqueur vedette, aujourd’hui en retrait, observe tout cela, en effet, avec un regard las. SAS connaît bien le sujet, lui, l’auteur d’ “Octobre, ils parlent” (Le Matin, 1998) un livre d’entretiens où il essayait de faire parler quelques-uns des acteurs d’Octobre 88.
Il vient de sortir récemment un autre bouquin aux éditions La Découverte , à Paris : “Au refuge des balles perdues”, livre dédié à Me Ali Yahia Abdenour “pour l’humanité qu’il a au fond des yeux”.
L’introduction du livre fait la part belle aux évènements d’Octobre justement : “5 octobre 1988. Je n’avais pas encore dix-sept ans et les chars étaient déjà là, dans la rue, pivotant dans une rotation chaotique, leurs canons prêts à cracher du mépris. Il y a des dates qui ressemblent à des tremblements de terre devant lesquels s’avoue vaincue la tectonique. C’est effrayant, un char en dehors d’une caserne. C’est comme un fauve affamé en dehors d’une cage ; il ne fait pas bon se trouver sur son chemin.” Mais le dernier pamphlet de SAS se veut aussi un sévère réquisitoire contre la presse, cette citadelle de la liberté d’expression élevée sur les morts d’octobre. Importante base avancée des forces démocratiques, la presse ne fait plus le poids, selon lui. “Aucun journal ne peut se targuer, aujourd’hui, d’avoir une totale liberté de ton”, fait-il observer. “à travers ce livre, j’ai voulu exprimer cette amertume, cette désillusion, et puis j’avais surtout besoin d’exprimer mes erreurs, là où j’ai failli soit pas paresse, soit par ignorance, soit par naïveté”, confie-t-il. Même constat, même amertume en analysant l’état de la classe politique. “C’est la faille totale des partis démocratiques”, constate l’auteur. En quatre consultations populaires consommées par Bouteflika, l’actuel locataire d’El-Mouradia a tout balayé sur son passage comme un “rouleau compresseur” comme dirait Hakim Addad. L’état d’urgence sert d’éternelle excuse pour bloquer les initiatives. Et Zerhouni qui ressasse le même leitmotiv : “Tant qu’il restera un seul terroriste au maquis, la levée de l’état d’urgence n’est pas d’actualité”, répétait-il encore il y a quelques jours. Et le score dithyrambique de ce 29 septembre de couronner le tout. “Pour moi, ce référendum marque la fin d’un cycle, la fin d’une époque. Nous avons vécu quinze ans d’illusion démocratique. Avec l’arrivée de Bouteflika, les apparatchiks s’affichent ostensiblement. On assiste à un retour effrayant des pratiques du parti unique et de la pensée unique”, résume SAS, avant de lancer avec l’humour caustique que nous lui connaissons : “Vous n’avez qu’à voir le retour de Deriassa, de Mohamed Lamari. Il faut toujours un Lamari quelque part…Le pays est plombé, sclérosé. La vraie tragédie nationale ne fait que commencer.”

 

 

M. B.

 

 

Entretien express avec Hakim Added, secrétaire général de RAJ

 

 

«Nous commémorons le 5 octobre pour préserver cette brèche ouverte pour la démocratie»

 

par R.M., Le Jeune Indépendant, 5 octobre 2005

 

 

Le JI : vous commémorez chaque année la date anniversaire des événements d’octobre 88. Que signifie pour votre association cette date ?

 

La date du 5 octobre 88 est significative d’une nouvelle marche démocratique pour l’Algérie. C’est une ère nouvelle pour les Algériens, bien qu’elle ait été arrachée avec les souffrances et le sang de la jeunesse qui s’est battue bien avant cette date pour l’Algérie.

 

 

C’était le résultat de tous les mouvements de protestation qui ont eu lieu depuis 1962 jusqu’à 1988. Nous avons deux principales raisons pour commémorer cette date. La première, c’est rendre hommage à tous ceux qui ont mené le combat pour la démocratie jusqu’à aujourd’hui et la seconde a pour but de préserver cette brèche ouverte pour la démocratie.

 

 

Nous veillons à ce que le processus démocratique ne soit pas refermé. Notre devoir est de défendre ces acquis démocratiques, ne pas les laisser s’évaporer dans la nature, et ce, quel que soit le prix que nous payons. Chaque année, nous organisons un rassemblement à la place des Martyrs.

 

 

Quelle évaluation faites-vous aujourd’hui des acquis démocratiques ?

 

Les acquis ont été restreints, particulièrement depuis 1992. C’est la raison pour laquelle la mobilisation doit être plus forte et plus renforcée, notamment dans la famille démocratique.

 

 

Avec ce que nous venons de vivre en ce mois de septembre, dans le cadre de la campagne pour la charte pour la paix et la réconciliation nationale qui est bannie de tout débat démocratique, et toutes les atteintes aux libertés, nous devons nous mobiliser pour préserver les acquis d’octobre 88.

 

 

Les partis politiques, le mouvement associatif ainsi que la presse indépendante sont, tous, interpellés, car c’est de leur avenir et de leurs libertés qu’il s’agit. R. M.

 

 

Ras El Kabous, ancien mécanicien à Bab El Oued
« J'ai payé le prix de la démocratie par ma chair »

 

 

Le Matin, 5 octobre 2000

 

 

La personne très connue à Alger était portée comme morte sous la torture. Celle-ci, il l'a subie de la manière la plus barbare.
« Ancien repris de justice, ayant tourné le dos depuis quelques années aux erreurs de jeunesse, on a voulu me coller le rôle de meneur. Dès qu'on m'avait pris de chez moi, on a tout de suite commencé à me tabasser sans même me parler. J'ai vu toutes les tortures possibles et inimaginables. » Gêné, il raconta difficilement son histoire.
« On m'a complètement dévêtu. On m'a fait le coup de l'échelle. On m'a saucissonné sur un banc et maintenu aussi par des menottes aux pieds. Mes tortionnaires ne cessaient de me viser le sexe par leurs coups. Ils ont atteint ma dignité. On m'a fait asseoir sur des bouteilles. Ils m'ont enfoncé leurs matraques. On m'a castré. A l'hôpital de Aïn Naâdja, les médecins m'ont fait pratiquement un curetage.
On m'a remis à ma famille la nuit. Arrivé chez moi, je fus reçu par des youyous, comme un moudjahid. J'avais reçu beaucoup de visites dont celle de TF1.
Les policiers qui m'ont torturé furent révoqués. Moi, je ne peux pas leur faire la pareille. A l'hôpital, des personnalités sont venues me voir dont l'ancien ministre Lakhdiri. Ils m'ont tous promis qu'ils allaient m'aider et que je devais considérer ce qui s'est passé comme un accident et que rien ne me manquera. Mais aujourd'hui je reste toujours dans la même situation de misère, oublié. Ce qui me fait aussi mal au cur, c'est qu'on a inscrit mes sévices au registre de l'accident de travail. Mes allocations, je ne les perçcoit pas comme victime d'Octobre !
J'aurais préféré qu'ils me tuent, m'enlèvent un bras, un pied ou me paralysent, mais pas me castrer. Je traîne de dépressions en crises. Avec tout ce que j'ai subi, je ne reste qu'un pauvre misérable. Et pourtant, je ne demande qu'un toit et du travail pour faire vivre ma famille. On nous pousse à devenir terroriste. Mais moi, je ne me retourne pas contre mes frères, je ne peux faire du mal à un policier. Je veux mon dû, et c'est tout. »

 

 

 Victimes des émeutes

 

 

Torturés, touchés par balle, tabassés des jeune ont été les victimes d'événements que le plus souvent ils ne comprenaient pas. Ils nous racontent une douleur indélébile.

 

 

Zaâbat Abdelkader, ancien champion d'Algérie de lutte :
« Torturé pendant un mois »

 

 

«On ne pensait pas qu'on allait récolter des balles dans nos corps dans notre propre pays ! », avouait l'athlète. « On était jeunes, en plein âge des folies, j'avais vingt-quatre ans et j'étais conditionné pour le
5 octobre. Deux semaines durant et les discussions de rue ne tournaient qu'autour de ce sujet. Certaines personnes étaient chargées de cette tâche. Moi, je savais que le bruit ramène la vérité, comme on dit. Si on s'était manifesté de la sorte, c'est parce qu'on était des enragés, fruits de régimes injustes. » Se rappelant avec précision des événements à El Biar, il débita d'un seul jet : « On ne s'est attaqués qu'aux bâtisses de l'Etat. On n'avait pas porté atteinte aux biens des secteurs privés. Cela signifie donc clairement anarchie et sans message porteur. Moi, j'étais bourré de comprimés, un turban sur la tête comme un Sahraoui et portant des lunettes. J'étais dans un autre monde, inconscient. Cela s'est passé comme dans une guerre, car je voyais réellement la guerre.
Les premières balles tirées étaient inoffensives. Ce n'est qu'après que les militaires se sont mis au massacre. Des personnes tombaient devant moi mortes ou blessées loin de leurs courses. J'ai soulevé des jeunes déchiquetés dont même le médecin ne pouvait supporter la vue. Pourquoi a-t-on tiré ? Pourquoi n'a-t-on pas dispersé la foule autrement ? »
Zaâbat qui avait brûlé deux chars militaires à coups de bombes confisquées aux soldats, qui avait arraché à ceux-ci deux kalachnikov et un fusil-mitrailleur, déclarait se sentir le maître du monde. Après réflexion, il a remis l'armement pour éviter les représailles. « J'ai même sauvé un militaire kidnappé de son char par quarante personnes qui allaient le tuer.
Le pauvre criait son innocence. Sensible, la foule l'a relâché. Ils lui ont même remis son arme après l'avoir cassée », dit-il encore, « Le samedi 7 octobre, alors que je voulais mettre les voiles sur Oran (car Alger s'est vidée et est devenue insupportable par son climat), on a frappé à ma porte. Une douzaine de personnes venues dans quatre voitures ont voulu me prendre sans décliner leur identité. C'était monnaie courante à l'époque. Je ne me suis pas laissé faire. Des mouchards cagoulés étaient avec eux. J'en ai reconnu certains.
Au commissariat de police, on m'a torturé durant un mois. On me considérait comme le chef de la révolte.
On a tous les jours utilisé la méthode du chiffon et de l'eau, j'ai reçu continuellement des coups de bâton. On m'a ligoté avec du fil de fer sur une échelle qu'on laissait tomber, ma figure en premier. Des équipes se relayaient durant un mois, j'étais isolé dans une cellule. J'ai passé ensuite un autre mois à la prison d'El Harrach. Des 106 kg, j'en ai perdu 30 kg !
Quand on m'a libéré, je ne dormais durant six mois que sur mon ventre. J'ai failli devenir fou. Si je n'avais pas voyagé en Europe, et si je n'ai pas basculé dans le camp terroriste dont je connaissais pas mal de futurs chefs, c'est parce que je me suis entre-temps marié et au sein de ma famille j'ai trouvé une compensation.
C'est vrai que par notre révolte on a ouvert les yeux au peuple et qu'on a acquis plus de liberté, mais je me demande quand tombera ce pouvoir de hogra ».

 

 

Rabah n'a pas oublié
« J'ai reçu deux balles »

 

 

Fouzia B., Le Matin, 5 octbre 2000

 

 

Douze années se sont écoulées depuis les événements douloureux du 5 Octobre 88. Rabah Yahyaoui, âgé de 48 ans, père de sept enfants, en fut ce jour-là, victime. Membre fondateur et président de l'Association des victimes du 5 Octobre, créée et agréée à la fin de l'année 1989, cet homme n'oubliera jamais comment il a échappé à la mort. Il nous raconte ce qu'il lui est arrivé. « Je travaillais tranquillement et sans soucis, comme le reste de mes collègues de l'Ecotal ; soudain nous entendîmes le bruit assourdissant des véhicules et celui des manifestants crier leur ras-le-bol contre le système politique du pays et la cherté la vie
Par crainte de voir les protestataires s'attaquer à l'usine, notre patron a préféré nous libérer immédiatement. Alors, je me suis mis vite dans la foule comme tout le monde. Je me rappelle de l'instant maudit, celui de l'intervention massive des forces de l'ordre qui, avec leurs bombes lacrymogènes et leurs armes, provoqua la panique et en même temps la colère des gens qui ripostaient à leur tour par des jets de pierres et de bouteilles en verre tout en scandant : " Chadli assassin, pouvoir assassin " .
Je n'oublierai jamais quand nous fûmes suivis par la police jusqu'à la maison de mes parents dans la haute ville. Nous étions cinq, mes frères et moi cachés à l'intérieur. Après avoir défoncé la porte, les forces de l'ordre nous tirent dessus comme des lapins. L'un des tireurs était un collègue de travail de mon frère Aziz, car ce dernier a été flic pendant une bonne période. J'ai reçu deux balles dans la cuisse gauche et je voyais mon frère Aziz s'écrouler par terre dans une mare de sang avec deux balles dans son abdomen. La troupe s'est aussitôt retirée après avoir reconnu mon frère. Nous fûmes ensuite transportés à l'hôpital par le Dr Triki. Nous restâmes plusieurs semaines hospitalisés avant de nous remettre sur pied. »
Cinq décès et plusieurs blessés, tel a été le bilan du 5 Octobre. Aujourd'hui, l'association, composée d'une vingtaine d'adhérents dont cinq sont parents de jeunes décédés, lutte pour un statut type des victimes de la démocratie. « Nous demandons à l'Etat, ajoutera-t-il, de considérer la journée du 5 octobre comme journée nationale et officielle. Nous voulons également qu'on cesse de nous considérer comme des accidentés de travail. Nous souhaitons que les autorités locales construisent une stèle à Bgayet à la mémoire des victimes du 5 Octobre ».

 

 

Révélations : Aboud Hicham contre Betchine

 

 

Nadir Benseba, Le Matin, 5 octobre 2000

 

 

Mohamed Betchine, général à la retraite, se lave de tout soupçon et accuse :
Les manifestations d'Octobre 88 et les séances de tortures qui ont suivi ont
été programmées à l'intérieur d' appareils » Mais Aboud Hicham, un de ses
anciens proches collaborateurs, est formel : « Mes preuves quant à
l'implication de Betchine sont irréfutables. »
Grave révélation à la veille du douzième anniversaire d'une date symbolisant
le début de l'ère démocratique en Algérie. La polémique autour des raisons
de l'explosion sociale du
5 Octobre 1988 est ainsi relancée de plus belle.
Betchine est convaincu : « Les événements d'Octobre n'étaient pas
inéluctables et ils résultent de décisions d'appareils. Ils avaient été
minutieusement orchestrés suivant un plan préétabli, le Plan Potemkine. Il
revient à ses concepteurs d'en expliciter tous les tenants et aboutissants.
» La révélation semble sortir d'un de ces romans d'espionnage dont raffolent
les lecteurs. L'homme parle, longuement, et livre des secrets dans
l'entretien qu'il a récemment accordé à son journal L'Authentique : « Le
Plan Potemkine comportait deux séquences : "Rosier" et "Etna". Les
événements qu'ils ont engendrés ont eu pour conséquences les dérapages que
tout un chacun connaît. » Plus grave encore, le général confie que les
artisans de ce plan de déstabilisation de l'Algérie a été concocté en
juillet 1988. Son exécution, affirme-t-il, a été enclenchée au mois de
septembre de la même année pour connaître son aboutissement le 5 octobre.
Concernant les dépassements enregistrés durant ces événements, Betchine se
déclare innocent. Ses arguments : « Les traitements inhumains subis par les
victimes ont été enregistrés du
4 au 14 octobre. Or, je fus chef des services de renseignements à partir du
29 octobre, et ce, jusqu'au mois d'août 1990, date de ma démission de
la
DGDS (Direction générale de documentation et de sécurité) et de ma demande
de mise à la retraite Pendant les événements j'ai été chargé par le
Président de la République de l'époque de seconder le général-major Khaled
Nezzar chargé pour la circonstance du rétablissement de l'ordre dans la
capitale, alors que j'ai été chargé de la mise sur pied de la DCSA , la
sécurité de l'armée, qu'aucun
écrit ne m'incrimine. » Les révélations de Betchine ne s'arrêtent pas là. Il
annonce qu'en plus du centre de Sidi Fredj érigé pour la torture, il existe
« un troisième lieu où des sévices ont été pratiqués sur les manifestants.
Il s'agit de l'école Tamentfoust commandée par un colonel » et où « 1 267
personnes ont été emprisonnées », indique Betchine qui promet de faire
prochainement d'autres révélations. Cela dit, une semaine après la
publication de ces propos, le journal de Betchine revient sur cette affaire
pour nous informer que les révélations du général « ont eu l'effet d'une
bombe dans le sérail ». Pour Aboud Hicham, qui s'est prononcé quelques jours
après dans les colonnes de Liberté, les propos de Betchine sont infondés et
« n'apportent aucune révélation sur les événements d'Octobre ». Il précise :
« Betchine était à la tête de la DCSA (Direction centrale de la sécurité de
l'armée) avant le 29 octobre 1988, exactement depuis septembre 1987. Je n'ai
aucun pouvoir pour convoquer Kaddour Lahouel devant la justice afin qu'il
dénonce celui qui l'a introduit dans la caserne de Sidi Fredj », avant de
s'interroger : « Pourquoi Betchine ne donne pas le nom de ce colonel ? Sous
l'ordre de quel responsable exerçait ce colonel ? Et sous quelle autorité
était placée la caserne de Sidi Fredj ? » « Si Betchine est réellement
victime de Potemkine et Cie, il n'a qu'à demander l'ouverture d'une
information judiciaire. »

 

 

Octobre 1988

 

 

Tortures et droits de l'homme

 

 

Abed Charef, Algérie '88 Un chahut de gamins.?

 

 

Laphomic, 1990, pp. 129-162

 

 

L'Etat de droit

 

 

Les violations des droits de l'homme révélées au grand public à la suite des émeutes d'octobre ne sont pas nouvelles. Le discours officiel sur le renforcement de l'Etat de droit cache en fait une réalité qui n'est pas toujours telle qu'on la décrit, et un avocat a souligné qu'il «faut créer l'Etat de droit, à cause des violations quotidiennes, banales des droits de l'homme». «Qui n'a pas un proche giflé dans un commissariat ou détenu une nuit sur simple décision d'un membre des forces de, sécurité ?» dit-il.

 

 

En fait, les événements d'octobre ont révélé une «dérive» qui a atteint un degré que peu de gens pouvaient imaginer. C'est le prolongement logique d'une situation qui existait déjà depuis plusieurs années, et qui a été souvent soulignée par des avocats. En 1986, l'avocat Hocine Zahouane dénonçait déjà la «dérive de la justice». Son argumentation reposait sur de nombreux points : la pratique du système judiciaire algérien a abouti à une situation où il revient à l'accusé de prouver son innocence, alors qu'il incombe à l'accusateur de prouver la culpabilité de l'accusé. En outre, la détention préventive, qui doit être l'exception, est devenue la règle, poussant certains juges à condamner des innocents pour couvrir la période de détention préventive. Quand ils ne sont pas condamnés, ceux qui ont subi une longue période de détention préventive recourent très rarement à la récente loi sur les dédommagements des erreurs judiciaires.

 

 

Au cours du procès des membres de la Ligue des droits de l'homme présidée par Me Abdennour Ali-Yahia, Me Zahouane a prouvé que le procès-verbal du juge d'instruction et celui du procureur n'étaient qu'un, seuls l'en-tête et la signature ayant été changés. Ceci aurait dû annuler toute la procédure, mais le procès s'est poursuivi. Pour ce même procès, les accusés avaient été traduits devant la cour de sûreté de l'Etat de Médéa sous l'accusation d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Cependant, devant la faiblesse des pièces, le procureur a abandonné cette accusation. Les autres délits retenus attroupements, distribution de tracts -sont passibles d'un simple tribunal correctionnel. Or, une fois saisi d'un dossier, la cour de sûreté de l'Etat doit trancher, et ne peut se déclarer incompétente. Pour Me Zahouane, il y a eu «détournement de procédure» : on peut porter n'importe quelle accusation pour envoyer un prévenu devant la cour de Médéa, qui est obligée de juger.

 

 

Les célèbres encadrés d'El Moudjahid, avec des photos de personnes arrêtées et l'inscription «cet homme est un escroc», Constituent également une «grave violation des droits de la personne», affirme un autre avocat : une personne est présumée innocente jusqu'à ce que le juge se prononce. Les arrestations sans mandat, les perquisitions en dehors des heures légales et sans justification, les détentions dépassant le délai légal de garde-à-vue de quarante huit heures, sont fréquentes.

 

 

Dans une étude publiée par Révolution Africaine début décembre 88, un juriste, le Dr Chalabi recense les violations de libertés devenues courantes. «Les libertés publiques retenues notamment par les arlicles 39 à 73 de la constitution (35 articles) sont vidées de leurs substance», écrit-il. il souligne ainsi que si la mise à l'écart de personnalités en vue «cadre fort bien avec les péripéties d'une lutte politique qui obéit aux us et coutumes du FLN,, (elle) soulève des questions fort épineuses lorsqu'elle est analysée au plan du droit ( ... ). Des questions relevant de la responsabilité politique ont été ramenées à des délits de droit commun, tout en veillant à retenir éloignées les juridictions ordinaires».

 

 

Quant aux libertés d'opinion et d'expression, elles sont «inviolables» selon l'article 53 de la Constitution , mais «leur exercice ne peut être effectif qu'une fois l'appartenance au FLN établie. Or, l'appartenance au FLN devrait être la première marque d'une manifestation d'opinion libre», note le Pr Chalabi. En d'autres mots, la liberté d'expression est considérée officiellement comme inviolable, mais elle ne peut s'exercer que dans ce qu'on appelle alors le «cadre organisé».

 

 

Cela donnera naissance à une autre formule, celle de. la «démocratie responsable», qui s'exerce dans un «cadre organisé», mais avec l'obligation de se soumettre à «l'unité de pensée». Pour le Pr Chalabi, «Ies pratiques de viol des consciences sont fort bien enracinées, à l'initiative et avec la bénédiction de l'Etat, du Parti, de l'administration».

 

 

Autres exemples, comme la destruction des bidonvilles des grands centres urbains et le déplacement des habitants qui constituent une violation du droit du choix du domicile. Le retrait du passeport et le refus de le délivrer sont de leur côté des violations au droit de déplacement. «Contrairement à l'article 48 de la Constitution , l'Etat ne garantit pas l'inviolabilité de la personne, ni celle de la vie privée». Il signale aussi «cette aberration : l'administration algérienne assigne à résidence de son propre chef, sans fondement légal, tout en mentionnant dans ses actes les visas renvoyant aux articles 10 et 11 du code pénal, c'est à dire précisément les articles qui lui interdisent d'agir en la matière comme elle le fait si souvent».

 

 

Le Pr Chalabi pose enfin le problème du «rapport entre la justice et la police, pour savoir laquelle se trouve soumise à l'autre». En réalité, on assiste à un renversement des principes d'assujettissement au profit de la police, particulièrement depuis 1979».

 

 

Quant aux violations de la Constitution instituées par des lois adoptées par l'Assemblée Nationale, il cite le cas du code de la famille adopté le 9 juin 84, qui établit selon lui une inégalité officielle entre l'homme et la femme, alors que la Constitution prévoit l'égalité entre tous les citoyens (art. 42).

 

 

D'autres aspects, plus politiques, mais consignés dans la Constitution , ne sont pas respectés, ajoute Pr Chalabi. Ainsi, l'article 33 affirme que «l'Etat est responsable des conditions d'existence de chaque citoyen. Il assure la satisfaction de ses besoins matériels et moraux, en particulier ses exigences de dignité et de sécurité. Il a pour objectif de libérer le citoyen de l'exploitation, du chômage, de la maladie et de l'ignorance». Il a donc «Ie devoir de corriger les inégalités», estime le Pr Chalabi, mais les inégalités ont fortement augmenté durant les dernières années. L'option socialiste est considérée comme «irréversible», mais les mesures concrètes prises ne vont pas dans ce sens, selon les mouvements d'opposition de gauche. Les terres nationalisées lors de l'application de la révolution agraire sont devenues propriété de l'Etat, mais leur cession à des personnes privées a été envisagées lors de la réforme de l'agriculture.

 

 

Le droit syndical est aussi affirmé par la Constitution , mais l'article 120-121 des statuts du FLN le vide de sa substance, en éliminant des syndicats les éléments les plus revendicatifs pour des raisons politiques. Le droit à l'expression ne peut s'exercer que par la canal de médias nécessitant des moyens financiers puissants, qui permettent la possession de journaux, radios, etc... Or, les journalistes, eux-mêmes sont censurés alors qu'ils sont un relais entre le pouvoir et la population ? Le cinéaste Ben Brahim est de son côté traduit en justice parce qu'on trouve chez lui des textes du PAGS, et des militants islamistes sont arrêtés, victimes de multiples tracasseries, parce qu'ils prêchent un Islam différent de celui prôné par le Ministère des Affaires religieuses.

 

 

Les Ligues de Droits de l'Homme

 

 

Cette situation a conduit à mettre la question des droits de l'homme sur la place publique, puis, logiquement, à la création de Ligue des droits de l'homme. Trois sont créées, dont deux ne sont pas agréées. Durant le printemps 85, un groupe d'avocats et intellectuels veulent fonder une ligue, mais leurs objectifs ne sont pas convergents, en raison des connotations politiques qui peuvent découler de leur action. Ils se divisent alors en deux groupes. Le premier a à sa tête Me Omar Menouer, ancien membre du collectif des avocats du FLN, qui fonde une ligue des droits de l'homme de tendance trotskiste, le second est dirigé par Me Abdennour Ali-Yahia, qui fonde à son tour une ligue dominée par les berbèristes. Les membres de la ligue de Me Menouer déposent leur demande d'agrément, mais ne mènent pas d'action publique. Par contre, les membres de la Ligue d'Ali-Yahia sont arrêtés progressivement, dès le début juillet, a mesure qu'ils agissent publiquement au nom de la Ligue. Ils sont accusés d'atteinte à la sûreté de l'Etat. Jugés en décembre 85 par la cour de sûreté de l'Etat de Médéa, ils sont condamnés à des peines de onze mois à trois ans de prison. Parmi les condamnés, il y a notamment Me AliYahia, Me Mokrane Ait-Larbi, vice président de la ligue, et son frère Arezki, le Dr Saadi, médecin à Tizi Ouzou, et le chanteur Ferhat Mehenni, ainsi que Dr Nourredine Ait Hamouda, fils du Colonel Amirouche.

 

 

Ensuite, le Président Chadli annonce qu'une Ligue des droits de l'homme est fondée, et que son action ne s'oppose pas à celle de l'administration, mais la complète. En avril 87, nait la troisième ligue, présidée par Me Miloud Brahimi qui a à affronter dès sa création, un lourd fardeau : elle est taxée de «ligue régimiste», de «ligue du pouvoir». De longs débats ont eu lieu alors dans les milieux intéressés par la question des droits de l'homme, portant notamment sur la question suivante : est-il préférable d'avoir une ligue agréée, qui mène des actions dans les limites possibles imposées par le système, ou bien faut-il placer les droits de l'homme en dehors du système, au risque de faire figure de mouvements d'opposition ? La suite des événements semble avoir tranché en faveur de la première solution. La Ligue de Me Brahimi s'est en effet montrée la plus efficace dans l'action, c'est elle qui a obtenu le plus de résultats concrets. Les deux autres ligues avaient aussi des étiquettes, celle de Me Menouer étant considérée comme trotskiste, celle de Ali-Yahia se voyant reprocher de recruter essentiellement à Tizi Ouzou et Alger. Mais la Ligue présidée par Me Brahimi n'est pas affiliée à la Fédération internationale des droits de l'homme, qui a déjà admis en son sein celle de Me Ali-Yahia. Le président de la FIDH critique même publiquement Me Brahimi.

 

 

L'existence et l'action de ces ligues ont-elles apporté un changement ?

 

 

Des résultats ont été atteints. Les droits de l'homme ne sont plus un sujet tabou. Quelques graves erreurs judiciaires sont révélées au grand public, comme celle des deux postiers de la région de Béjaïa, arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison pour un vol qu'ils n'ont pas commis.

 

 

Mais le fond reste le même : c'est tout un système qu'il faut revoir, disent les avocats : les rapports entre la justice et la police, la restauration, dans la pratique, du principe selon lequel toute personne est présumée innocente jusqu'à ce qu'elle soit jugée. Sans quoi, la route est ouverte aux dérapages, et c'est ce qui ne manque pas de se produire lors des événements d'octobre, à une échelle plus grande.

 

 

Dérapages et réaction de la Ligue des droits de l'homme

 

 

A la veille du 5 octobre, les arrestations préventives commencent. Elles sont effectuées, sans mandat, par des individus qui ne déclinent pas leur identité. Les personnes arrêtées sont détenues pendant des périodes qui dépassent largement le délai de garde à vue de quarante huit heures, sans être présentées au parquet. «Ce sont des arrestation arbitraires», déclare Me Brahimi, Président de la LADH.

 

 

Le 8 octobre, le Ministère de la justice annonce que les personnes arrêtées pendant les émeutes seront traduites devant des «tribunaux statuant en audiences spéciales» et, «Afin que force reste à la loi, les fauteurs de troubles graves ayant commis des destructions de biens publics et privés, porté atteinte à l'intégrité physique des citoyens et du symbole même du patrimoine national, seront jugés par des tribunaux statuant en audience spéciale». La veille, le commandement militaire de l'Etat de siège avait déjà annoncé l'arrestation de 900 personnes, qui sont toutes susceptibles d'être traduites devant les tribunaux des flagrants délits.

 

 

Les premiers procès signalés ont lieu à Annaba et AinDefla. A Annaba, les peines prononcées sont de quatre, six et huit ans de prison. Les prévenus sont défendus par des avocats commis d'office. A Ain Defla, les procès ont lieu la nuit, sans la présence d'avocats, et donnent lieu à des verdicts de deux à cinq ans de prison. Ce procédé se généralise ensuite, mais dans certaines villes, des collectifs d'avocats s'organisent spontanément pour défendre les accusés.

 

 

Dès le 11 octobre, la LADH s'oppose à cette procédure des flagrants délits. «L'Etat a le droit et même l'obligation de traduire en justice quiconque enfreint la loi, mais la LADH entend que la loi soit respectée en premier lieu par ceux-là mêmes qui sont chargés de l'appliquer, et que les droits de la défense soient scrupuleusement sauvegardés. Or, les audiences annoncées par la chancellerie ne sauraient être que des audiences de flagrants délits, qui se tiendraient dans une précipitation gravement attentatoire au principe constitutionnel de la présomption d'innocence et hautement préjudiciable à l'administration d'une bonne justice». La LADH lance un appel au Président Chadli «pour que cette procédure, à la fois sommaire par nature et spéciale au vu des circonstances, à la nature des délits et au nombre des prévenus, soit écartée au profit d'une procédure d'instruction seule à même de garantir les droits de la défense, composante essentielle des droits de l'homme». Enfin, la Ligue demande une audience au chef de l'Etat pour exposer ces problèmes.

 

 

Le lendemain, 12 octobre, la LADH demande «la libération de toutes les personnes interpellées ces derniers jours en raison de leurs opinions ou de leur militantisme syndical ou culturel». «Il n'y a pas de solution policière ou judiciaire aux problèmes de société qui interpellent le pays», déclare le Président de la Ligue , qui condamne les procédures des flagrants délits, émettant «les plus expresses réserves sur leur régularité».

 

 

Dans une conférence de presse donnée le lendemain, Me Brahimi estime à plus d'un millier les intellectuels, artistes et travailleurs arrêtés en raison de leurs idées. Il annonce que certains d'entre eux ont commencé à être libérés, et demande l'élargissement des autres. Il s'agit surtout des militants de gauche, sympathisants ou proches du PAGS et de diverses organisations trotskistes, comme l'organisation socialiste des travailleurs (OST) ou l'organisation révolutionnaire des travailleurs (ORT).

 

 

Me Brahimi annonce que la LADH a décidé de constituer une commission d'enquête, et qu'elle demande aux autorités d'en former une autre, pour «que rien ne soit laissé dans l'ombre». Ce sera «une commission nationale composée de personnalités indépendantes qui auraient pour mission de prendre la mesure exacte des tragiques événements que vient de connaître notre pays, sans complaisance aucune ni démagogie».

 

 

«Mais d'ores et déjà, on peut tirer certaines conclusions. Il faut d'abord relever le nombre d'adolescents morts pendant les troubles. Pour répréhensibles que soient les actes de pillage et de vandalisme qui ont marqué ces troubles, ils n'excusent pas les excès de la répression que nous condamnons sans réserve ( ... ) Nous condamnons avec la même énergie la répression qui s'est abattue sur les manifestions pacifiques qui, nous en sommes convaincus, auraient pu être maîtrisées autrement.

 

 

Dans la semaine qui suit, les droits de l'homme sont portés sur la place publique grâce à une série d'actions menées par les étudiants, les avocats, les journalistes, les, médecins, etc... Un groupe d'étudiants entame, mardi 18 octobre, une grève de la faim à l'université de Bab-Ezzouar, pour réclamer une amnistie générale, l'instauration de la démocratie et l'arrêt des mauvais traitements. La grève de la faim commence en même temps qu'une assemblée générale regroupant les professeurs des universités du centre du pays, à laquelle assiste Me Miloud Brahimi. A l'université de Bouzaréah, les étudiants organisent de leur côté une marche silencieuse.

 

 

Le 19 octobre, c'est au tour des bâtonniers, des avocats d'Algérie de se prononcer pour «un pouvoir judiciaire indépendant». «Les arrestations massives» ont mené à «des erreurs et des dépassements touchant les libertés fondamentales du citoyen et de ses droits tels que prévus par la constitution». Les prévenus traduits devant les tribunaux des flagrants délits, n'ont pu «bénéficier du droit de défense reconnu au citoyen», à cause de la «précipitation» imposée par cette procédure. Ils ont été condamnés à des peines «sévères».

 

 

Les bâtonniers affirment «leur profonde conviction» que les droits de la défense «ne peuvent s'exercer que dans le cadre d'une justice indépendante. Il ne peut y avoir d'état de droit qu'avec une justice forte (qui) ne peut exister que dans le cadre d'un pouvoir judiciaire indépendant et dans le respect du principe de la séparation des pouvoirs»

 

 

Le même jour, les membres fondateurs de la ligue des droits de l'homme demandent une commission d'enquête sur «les atteintes aux droits de l'homme et de la défense qui ont pu être commises à l'occasion des événements» d'octobre. Enfin, une délégation de la Ligue est reçue le même jour par le Président Chadli.

 

 

Réaction des autorités

 

 

La délégation de la Ligue comprend notamment son Président, Me Miloud Brahimi, son secrétaire général, l'écrivain Rachid Boudjedra, un membre de son comité directeur, Me Ali Benflis, futur ministre de la justice, et Salah Boubnider, ancien colonel chef de wilaya durant la révolution armée. A l'issue de la rencontre Me Benflis déclare que la Ligue a exposé au chef de l'Etat les problèmes posés par les violations des droits de l'homme, et qu'il a été réceptif à leurs doléances. Peu après, l'APS rapporte que le Président Chadli a déclaré que «tout dépassement sera sanctionné, dans le strict respect de la loi». Cette formule de «dépassement» inclut aussi la torture, mentionnée pour la première fois par le chef de l'Etat, et sur laquelle on reviendra.

 

 

Le Président Chadli affirme aussi sa «volonté de promouvoir le cadre légal permettant à toutes les sensibilités de s'exprimer en toute démocratie», et à «encourager les membres de la LADH à continuer à défendre les droits de l'homme et à faire état de tout dépassement dans ce domaine».

 

 

Cette rencontre met fin à une semaine de flottements, durant laquelle les violations des droits de l'homme et la torture sont évoquées dans les réunions publiques, mais officiellement occultées. Cette situation ambiguë laisse même se poursuivre les dérapages. Ainsi, la télévision a annoncé le 15 octobre que tous les mineurs, environ 500, et toutes les personnes arrêtées pour délit d'opinion pendant les émeutes sont libérées. Les procès devant les tribunaux des flagrants délits sont suspendus, «pour permettre aux inculpés de mieux préparer leur défense». Mais le lendemain, des procès à huis-clos ont lieu même à Alger, où une cinquantaine de prévenus sont jugées. Les arrestations se poursuivent aussi, avec l'apparition pour la première fois des «bouchkara»*. Les intellectuels, dénonceront plus tard cette «institution de la délation», et le Ministre de l'Intérieur, M. El-Hedi Khediri, nie catégoriquement que les services de la police aient eu recours à cette méthode, qui rappelle celle utilisée par les parachutistes français du général Massu durant la guerre d'Algérie. M. Khediri déclare même dans une conférence de presse qu'il a donné ordre de «tirer à vue» sur les «bouchkara» et ceux qui les accompagnent.

 

 

En outre, au 17 octobre, 721 personnes ont été déjà jugées par des tribunaux de flagrants délits, dont seulement ont été relaxées. Le cas des condamnés pose déjà problème, et la LADH a demandé qu'il soit revu. La même demande a été formulée par le bâtonnier d'Alger, Me Ahmed Abéche, dans une interview diffusée par la télévision. Il insiste aussi sur «la nécessité, pour les autorités, de respecter l'Etat de droit, les droits de la défense et des accusés, et les principes d'équité qui sont à la base de la justice».

 

 

Malgré toutes ces protestations, le Ministre de la Justice , M. Mohamed Chérif Kharroubi, déclare dans une interview publiée le 17 octobre par El Moudjahid, que les prévenus ont été jugés «selon la procédure légale normale ( ... ), mais toujours en séances spéciales», en raison du «nombre de détenus et du climat qui imposait qu'on fasse vite». «Tous les droits de la défense seront respectés, qu'il s'agisse de l'accès aux dossiers, de la délivrance des permis de communiquer ou d'autres droits reconnus par la loi». Il précise aussi que la procédure des flagrants délits impose que le délai entre la date à laquelle est commis l'acte retenu par l'accusation et le procès «ne doit pas excéder huit jours».

 

 

Le 20 octobre, au lendemain de la rencontre Chadli-LADH, à l'issue de laquelle le chef de l'Etat reconnait les dépassements, le Ministre de la Justice réaffirme que les procès ont eu lieu «dans le strict respect de la loi». «Les personnes appréhendées ont fait l'objet, soit d'une information judiciaire, soit d'une procédure de flagrants délits prévues par la loi. Les procès ont eu lieu dans le strict respect de la loi, y compris celui pour les prévenus d'organiser librement leur défense ( ... ). Les prévenus condamnés ont usé de leur droit d'appel, conformément à la loi». M. Kharroubi «félicite les magistrats pour leur engagement et leur attitude courageuse dans l'accomplissement de leur devoir (...) Malgré les menaces et pressions, les magistrats ont assuré le fonctionnement de leur juridiction, en n'obéissant qu'à leur devoir et leur conscience», dit-il dans une déclaration publiée par la presse.

 

 

Face à la pression de l'opinion et d'une décision de la présidence, M. Kharroubi se désavoue cependant le 31 octobre au soir. A la veille de la commémoration du 34ème anniversaire du ler novembre 1954, il décide de remettre en liberté provisoire toutes les personnes arrêtées pendant les émeutes. Un communiqué annonce en effet que «le Ministre de la Justice a instruit les procureurs généraux de faire requérir la liberté provisoire des personnes arrêtées lors des récents événements. La décision est prise «en application des orientations reçues du Président de la République , et à l'occasion de l'anniversaire du ler novembre».

 

 

Cette mesure d'apaisement, qui intervient quatre jours avant le référendum sur la révision de la Constitution , était attendue , pour l'occasion du Mawlid Ennabaoui, célébré trois jours plus tôt. Elle appelle cependant une remarque : son effet est évidemment positif, mais ce n'est ni une grâce, ni une amnistie, telles que prévues par la loi ou la constitution, et constitue donc une ingérence du chef de l'Etat dans les affaires de la Justice. Un avocat note alors ce paradoxe : «Il a fallu une décision parfaitement illégale pour avoir un résultat parfaitement positif. On ne peut que s'en féliciter, mais il est préférable de ne pas en arriver là». La Ligue des droits de l'homme se félicite de cette mesure.

 

 

Droits de l'homme et revendications politiques

 

 

L'existences de trois ligues des droits de l'homme a-t-elle renforcé leur action ou se sont-elles affaiblies en se présentant dispersées ? La querelle entre les Ligues sur la manière de défendre les droits de l'homme, doublée de certains conflits personnels, ont-ils gêné leur action ? Difficile à dire. Celle présidée par Me Miloud Brahimi a pu travailler publiquement, et a donc dénoncé, y compris dans la presse algérienne, les atteintes aux droits de l'homme. Celle présidée par Me Ali-Yahia, affiliée à la fédération internationale des droits de l'homme (FIDH), a pu mener une certaine activité sur le plan international, mais certaines de ses initiatives, comme l'invitation de l'actrice française Isabelle Adjani, a donné lieu à une controverse, le quotidien AI-Chaab allant jusqu'à écrire qu'Adjani est une «putain importée par Ali-Yahia». La diversité de ces associations a cependant permis d'occuper le terrain médiatique dans toute son ampleur, et mettre cette question sur la place publique. Us ligues ont aussi forcément été amenées à agir sur un terrain politique, qui dépasse nettement celui des droits de l'homme. Cet empiétement sur le terrain politique apparaît ainsi dans un rapport daté du 2 novembre 88 présenté par la FIDH dans lequel écrit Me Ali-Yahia :

 

 

«Ce que le peuple ne veut pas, ce qu'il rejette:

 

 

- «Le parti unique et son monopole sur la vie politique, économique et sociale du pays.

 

 

- «Les interdits , les tabous, les privilèges, les prébendes, les passe-droits, la corruption, la nomenklatura. Une Algérie à deux et même trois vitesses, où les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.

 

 

- «Les atteintes aux droits de l'Homme, qui sont multiples et se caractérisent par trois traits : l'absence de justice libre, l'absence d'information libre, l'absence d'une force démocratique libre.

 

 

- «Une information mutilée, aseptisée, qui repose sur le code de l'information, code du silence et du secret, répressif, médiéval dans sa conception, et chaussé des deux chaussures orthopédiques, que constituent la censure et l'autocensure

 

 

- «Un Etat qui se veut procureur, juge et partie, bourreau.

 

 

- «Les dirigeants qui se disent propriétaires et non dépositaires du pouvoir, qui refusent d'être déposés démocratiquement, et de se soumettre au libre choix populaire et à sa sanction.

 

 

Ce que le peuple veut:

 

 

- «Non pas des changements dans le régime, mais un changement fondamental du régime lui-même. Ce qui est en cause, c'est le régime politique et social de l'Algérie. Un Etat de droit, et la démocratisation de toutes les institutions.

 

 

- «Une démocratie basée sur la tolérance, la justice, le respect de l'autre, de celui qui pense autrement, où les opinions les plus différentes peuvent s'exprimer en toute liberté et s'affronter en toute indépendance.

 

 

- «L'alternance qui est à la base de la démocratie.

 

 

- «La possibilité, le droit pour les citoyens, de choisir le type de régime qu'ils veulent, et de changer démocratiquement les hommes qui les dirigent.

 

 

- «Qu'ils soient associés à l'élaboration des décisions qui les concernent.

 

 

La cécité politique du pouvoir est frappante

 

 

Comme on le voit, ces revendications dépassent largement le cadre des droits de l'homme, mais portent sur un projet politique, la démocratie libérale à l'occidentale, que Me Ali-Yahia estime être le cadre dans lequel les Droits de l'Homme peuvent être sauvegardés.

 

 

La ligue présidée par Me Brahimi empiète elle aussi sur le terrain politique, comme cela apparaît clairement dans son rapport sur «la dérive de l'information» durant les événements, rapport élaboré par une commission d'enquête et rendu public le 16 novembre. Elle estime en effet que le code de l'information adopté par l'Assemblée Nationale le 6 février 1982 constitue en lui-même une atteinte aux Droits de l'Homme :

 

 

«L'abrogation du code de l'information doit intervenir dans les plus brefs délais. (Ce code) mérite une attention particulière. En effet, ce code de l'information organise le cadre juridique nécessaire à la mise sur pied d'une presse partisane et de propagande. Les dispositions de cette loi concourent toutes à l'exclusive autorité du Parti du FLN.»

 

 

«Il est évident que cette perspective tourne radicalement le dos aux dimensions qu'envisage aujourd'hui un pays qui s'ouvre aux sensibilités multiples et présentés.»

 

 

Le rapport de la Ligue demande que la presse soit «débarrassée de tout contrôle policier et de l'obligation desséchante de la vérité unique». Il souligne aussi le fait : «Il ne semble plus utile d'entrer dans l'analyse détaillée des diverses dispositions du code de l'information, qui apparaît dans son ensemble comme une atteinte aux Droits de l'Homme. La LADH demande l'élaboration rapide d'un nouveau code de l'information pour permettre l'expression de toutes les sensibilités nationales au moyen d'une presse libre», et «soutient la demande générale des journalistes relative à la mise en place dans chaque organe de presse, de comités de rédaction, partageant avec la direction la gestion de l'information».

 

 

La ligue "Brahimi" utilise le terme «sensibilités», qui figure dans les projets de réformes politiques présentés par le Président Chadli, alors que celle d'Ali-Yahia a un ton plus tranché. Me Ali-Yahia dit clairement qu'il rejette les réformes présentées par le Président Chadli, quand il affirme que «le peuple veut non pas des changements dans le régime, mais un changement fondamental du régime lui-même». La Ligue de Me Brahimi tente, de rester dans le strict domaine des droits de l'homme, mais elle se trouve projetée sur la scène politique.

 

 

L'enquête de la LADH sur «la dérive de l'information» a aussi montré où en était arrivée la censure dans la presse algérienne. Dans un premier temps, la Ligue avait invité des journalistes à venir apporter leurs témoignages mardi 26 octobre à son siège. Le déferlement de quelques 250 journalistes l'a forcé à reporter la réunion.

 

 

La rencontre se tient finalement le jeudi 28 octobre dans une salle de cinéma, le «Mouggar». Les journalistes contestent la présence au sein de la commission d'enquête de M. Abdelkrim Djaad, ancien rédacteur en chef d'Algérie-Actualités, qui quitte la commission après avoir été accusé d'ancien censeur. Un journaliste d'El Moudjahid, M. Abdennour Dzanouni, relate cet exemple de censure : à la veille d'une session du Comité central, la météo prévoit que la mer sera «agitée». Comme ce mot peut prêter à équivoque, les responsables d'El-Moudjahid le suppriment et annoncent que «la mer sera belle ... »

 

 

Un autre journaliste, qui écrivait un article sur les oiseaux, a cité, parmi les oiseaux de proie, «les vautours et les rapaces». Cette expression a été rejetée, parce qu'elle pouvait désigner certains affairistes ou responsables... Enfin, un autre a utilisé le mot «censure» dans un article sur la création culturelle et littéraire. Ce mot «censure» a été supprimé, sous prétexte qu'il n'y a pas de censure en Algérie.

 

 

Plus généralement, les journalistes se sont plaint de la censure quotidienne, qui exclut tout écrit critique envers le pouvoir, le système ou des responsables.

 

 

Cela conduit la LADH à dénoncer la «désinformation totale» qui a régné durant les événements d'octobre, et qui a été la conséquence des «entraves que rencontrent les journalistes dans l'exercice de leurs fonctions depuis 1962 : humiliations, répressions professionnelle et policière, listes noires, fichage, interdits d'écrire, mutations arbitraires, délation juridiquement organisée, écrits dénaturés ou falsifiés, et censure systématique dont sont victimes les journalistes de la part des autorités de presse à tous les niveaux». La Ligue prend dès lors les faits et causes pour «le mouvement des journalistes algériens», qui n'était pas encore reconnu officiellement. Elle «demande la révision du statut du journaliste en vue de protéger la fonction contre toute pression et répression tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des organes de presse. Le respect des droits de l'Homme est inconcevable si la fonction des journalistes n'est pas correctement protégée». Cette position l'amène à «soutenir la demande des journalistes relative à la création d'une organisation professionnelle représentative et démocratique, indépendante de toute tutelle».

 

 

Le rapport de la Ligue sur les violations des droits de l'homme

 

 

Le 19 novembre 1988, après trois semaines d'investigations, la LADH a publié un rapport qui note que «les tragiques événements d'octobre ont entraîné des atteintes graves aux Droits de l'Homme, compris comme droit à la vie, à l'intégrité physique, l'inviolabilité du domicile et à un juste procès». Les témoignages recueillis sont relatifs à «des interpellations, des arrestations, des interventions des forces de l'ordre, des conditions de détention et des poursuites judiciaires».

 

 

«Les témoignages recueillis se répartissent comme suit

 

 

- Arrestations arbitraires 100

 

 

- Personnes blessées par balle 13

 

 

- Personnes torturées 51

 

 

- Personnes décédées 51

 

 

- Personnes disparues 13

 

 

Ces chiffres ne concernent que les témoignages recueillis pendant les trois premières semaines d'investigations aux «moyens d'investigations limités» et aux «appréhensions encore vivaces des victimes et de leurs proches». De nombreuses arrestations ont été faites «sur simple indications vagues et arbitraires ( ... ) certaines personnes ont été appréhendées en raison de leurs opinions réelles ou supposées, et sans qu'à aucun moment, ne leur ait été reproché une participation quelconque aux manifestations».

 

 

Les arrestations, suivies de perquisitions, ont été faites sans mandat, «et parmi les personnes interpellées, figuraient de nombreux mineurs». «Les témoignages sont' unanimes pour affirmer que les auteurs de ces arrestations n'ont jamais décliné leur qualité, et à fortiori leur identité, rendant ainsi impossible l'identification des services de sécurité auxquels ils appartiennent. D'ailleurs, la confusion résultant de ces méthodes a été à l'origine de «graves dépassements», affirme la Ligue , citant l'exemple du patron du «Tamaris», une boite de nuit d'Ain-Taya, qui a participé à l'enlèvement et à la torture de sept jeunes habitants de cette localité.

 

 

«Alors que l'état de siège n'était en vigueur qu'à Alger, sur le territoire des daïrates de Chéraga et Rouiba, dans d'autres régions du pays, les autorités militaires se sont substituées aux autorités juridiquement compétentes en matière de maintien de l'ordre. Il faut encore signaler que certains responsables du service de sécurité n'ont pas hésité à donner à leur action un caractère de règlement de comptes, et cette attitude grave et irresponsable s'est manifestée jusqu'aux derniers jours du mois d'octobre, comme ce fut le cas à Tiaret, où onze morts sont à déplorer».

 

 

«Outre la détention dans les locaux de la police et de la gendarmerie, devenus pour la circonstance évidemment exigus compte tenu du nombre des interpellations, des personnes appréhendées ont été concentrées dans des lieux inappropriés (stades, casernes, arènes à Oran, et autres lieux non réglementaires). Durant leur séjour dans de telles conditions, certaines personnes, bien que sérieusement blessées, n'ont pas reçu les soins nécessités par leur état de santé. A Hadjout, cinq blessés par balle n'ont été hospitalisés que douze jours plus tard».

 

 

«Il faut signaler que les règles régissant la garde à vue ont été totalement méconnues pendant les interpellations : à Boufarik, par exemple, les personnes arrêtées ont séjourné six jours dans les locaux de la police, plus spécialement la brigade de gendarmerie.

 

 

«La phase judiciaire s'est caractérisée par un état de non droit pendant au moins 48 heures, période au cours de laquelle ni la défense, ni les familles n'ont pu communiquer avec les prévenus puisqu'aussi bien les avocats que les parents se sont vus interdire la délivrance des permis de communiquer». Ceci dément la déclaration du ministre de la justice, qui avait affirmé qu'elle était accordée régulièrement.

 

 

«En dépit des traces de violences visibles sur nombre de personnes présentées au parquet, les autorités judiciaires n'ont pas cru devoir informer les victimes de leurs droit de solliciter un examen médical, au mépris des dispositions très claires de la Constitution et du code de procédure pénale».

 

 

Avant la décision du Président Chadli de faire suspendre les procès devant les tribunaux des flagrants délits, «plusieurs centaines de personnes avaient été jugées et lourdement condamnées, au mépris des droits les plus élémentaires de la défense et parfois ( ... ) sur instruction de la chancellerie (Annaba). C'est ainsi que des tribunaux comme ceux de Ain Defla et Rouiba auraient siégé de nuit dans le cadre d'un huis-clos de fait, et ont rendu des jugements quasi-clandestins. L'analyse des procédures soumises aux parquets permet de souligner le caractère assurément désordonné et souvent aveugle des arrestations. L'aspect stéréotypé des procès verbaux a eu pour conséquence la notification uniforme et systématique à toutes les personnes présentées de trois inculpations: attroupement, vols et dégradation de biens».

 

 

Dans ses conclusions, la LADH «exige la publication des listes nominatives exactes et complètes des personnes blessées, tuées et disparues.». Dans les autres points contenus dans ses conclusions, elle :

 

 

- «Rappelle aux autorités judiciaires le droit des familles des personnes décédées de mort violente de faire procéder aux autopsies des corps». La famille du journaliste de l'APS, Sid Ali Benmechiche, a fait une demande en ce sens, et n'a pu l'obtenir malgré les assurances de plusieurs hauts responsables, dont au moins deux ministres.

 

 

- «Demande que les poursuites soient engagées contre les responsables et les auteurs des atteintes aux droits de l'homme constatées.

 

 

- «Estime nécessaire de rendre effectif le contrôle des services de police judiciaire par les autorités judiciaires.

 

 

- «Souhaite la création d'une inspection générale des Polices.

 

 

- « Décide de se constituer systématiquement partie civile à l'occasion de toutes les procédures susceptibles d'être engagées.

 

 

- «Invite les autorités du pays à ratifier dans les meilleurs délais trois documents adoptés par l'Assemblée générale de l'ONU:

 

 

a) le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,

 

 

b) le pacte international relatif aux droits civils et politiques,

 

 

c) les conventions contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants>.

 

 

Ces textes seront paraphés, cinq mois plus tard, en avril 1989, par l'Assemblée Nationale, qui révise aussi le code pénal.

 

 

Dans la déclaration préliminaire faite avant la présentation du rapport, Me Miloud Brahimi souligne que «le moment semble venu de décréter une amnistie générale pour consolider la paix sociale et permettre au gouvernement de préparer l'avenir dans la sérénité.». C'est pourquoi il lance, au nom de la Ligue Algérienne des Droits de l'Homme, un appel au Président de la République pour une amnistie générale.

 

 

Il réaffirme aussi sa volonté d'aller vers une union avec les autres ligues, en déclarant : «C'est l'occasion de rappeler ce nous avons toujours soutenu, à savoir que le regroupement de tous les militants des droits de l'Homme, sans exclusive aucune, devient plus impératif que jamais, et comme vous le savez sans doute, nous nous y employons».

 

 

Qui a torturé ?

 

 

La torture semble avoir été le fait de la police, de la gendarmerie et de la DGPS (direction générale de la prévention et de la sécurité), selon les témoignages de personnes torturées. D'autres citent aussi des particuliers plus ou moins liés aux services de sécurité, et des responsables civils auraient au moins assistés à la torture.

 

 

Les témoignages de la population de Ain Benian mettent en cause un officier de police, Mohamed Griche, cité par de nombreuses personnes : un peintre d'Ain Benian, âgé de 24 ans, arrêté le 7 octobre, affirme que Griche l'a torturé, et lui a dit que la seule manière de s'en sortir.

 

 

Deux autres personnes torturées après leur arrestation, la première le 8 octobre, la seconde le 10 octobre, toujours à Ain Benian, citent Griche parmi les policiers qui les ont torturées.

 

 

Un autre habitant d'Ain Benian met en cause un adjudant de police nommé «Mouloud», et le commissaire de police d'Ain Benian est cité par un commerçant de 18 ans, qui a été passé à tabac.

 

 

De son côté, Hocine Khaiti, ingénieur agronome dAin Benian, met en cause un «officier Mustapha», qui appartient à la DGPS. Racontant son interrogatoire, Hocine Khaïti déclare : «Profitant d'un moment d'accalmie, j'ai posé cette question à l'officier :

 

 

- Etes-vous de la DGSN ou de la sécurité militaire ?

 

 

- Je suis un cadre de la DGPS , me répondit-il, ajoutant: «parler des problèmes du logement des problèmes sociaux, pour nous, c'est la même subversion». ( ... )

 

 

Après le passage dans un commissariat de Zéralda, «on m'a embarqué dans une Golf», raconte Khaïti. Un des civils m'a placé la tête sous sa cuisse pour que je ne puisse pas me repérer. Il avait une mitraillette posée sur les genoux. Nous avons roulé, et j'ai compris en arrivant que nous étions à Sidi Fredj, dans le camp des parachutistes, non loin du cimetière».

 

 

Un autre officier de la DGPS , Madjid, est cité par M. Khaïti, ainsi que par Mohamed Merouani, 30 ans, employé des PTT, dans un témoignage publié le 10 novembre par Algérie-Actualités.

 

 

Pour les tortures, «les officiers de la DGPS et les paras se relayaient», selon Khaïti, qui a affirmé que le wali de Tipaza assistait à la torture.

 

 

M. Bettahar Abada, enseignant à l'Institut National d'Enseignement Supérieur, arrêté le 4 octobre, précise lui aussi qu'on lui a dit «ici, tu es à la DGPS ». «Le gardien était en tenue militaire, et le langage qu'emploient les hommes entre eux est un langage militaire. L'un d'eux m'a dit : ici, tu es au cour de lEtat. La politique, c'est nous».

 

 

Les habitants de Boufarik mettent surtout en cause la gendarmerie. «Les exactions ont été surtout le fait de la gendarmerie de Boufarik, dont le siège s'est transformé en un véritable centre de torture. Elle a aussi eu recours à la pratique honteuse des Bouchkara», affirme une déclaration adoptée le 12 novembre à l'issue d'une assemblée générale regroupant 2.000 personnes. La déclaration mentionne la présence du chef de daïra pendant les séances de torture.

 

 

Les habitants d'Ain-Taya ont de leur côté publié une déclaration affirmant que «Hadj Moumène», patron du «Tamaris», une boite de nuit, a participé à l'enlèvement de deux groupes de jeunes du village, puis à leur torture.

 

 

Par contre M. Saci Belgat, enseignant à l'Institut de Technologie agricole (ITA) de Mostaganem, a affirmé qu'il a été emmené à Alger, menottes aux poings. E a été interrogé à la DGSN où il a «subi un interrogatoire en règle, sans brutalités ni intimidations».

 

 

Dans la confusion qui a régné lors des événements d'octobre, des personnes d'horizons très divers, des jeunes, des plus âgés, des enfants, ont été torturés. La plupart de celles dont la ligue des droits de l'homme et le «comité pour une mobilisation nationale contre la torture» ont recueilli les témoignages déclarent qu'elles ont été frappées dès leur arrivée dans les commissariats. Un habitant d'Ain Benian, cité dans un document intitulé «des témoignages accablants» établi par ce comité, déclare : «les policiers en civil se sont mis à me frapper à l'aide de bâtons et de nerfs de boufs. Ils m'ont par la suite fait tomber par terre, ils m'ont attaché les mains et les pieds avec des menottes et ils se sont mis à me frapper pendant une vingtaine de minutes sans m'interroger. Ils ne savaient même pas pourquoi ils m'avaient convoqué au commissariat».

 

 

Les commissariats les plus souvent cité sont ceux d'Ain Benian, Zeralda, Ain Defla et la brigade de gendarmerie de Boufarik.

 

 

De nombreux jeunes, connus dans leurs quartiers comme animateurs, des repris de justice, et des personnes arrêtées sur le tas pendant les émeutes, ont été torturées. Le même habitant d'Ain Benian, cité plus haut, décrit une scène qui s'est passée au camp de Sidi Fredj : «On a ramené un jeune garçon de seize ans entouré de trois policiers, et on l'a sodomisé. Un policier entrant dans la salle, connaissance de ce qu'on a fait à l'adolescent, a remis sa carte de police et son pistolet en signe de protestation». Hocine Khaïti en parle aussi : «Les jeunes étaient torturés devant nous. C'était monstrueux. On les sodomisait avec des pieux. Certains étaient tout simplement violés par des paras, avec cette insulte suprême qu'on leur lançait : «maintenant, vous êtes des femmes.» Pour

 

 

me terroriser, on me faisait assister à des scènes de sodomie de ces jeunes, qui avaient entre 16 et 20 ans ( ... ) On menaçait certains : ou tu signes que tu es meneur, ou on te sodomisé. C'était un chantage ignoble. Ces jeunes signaient n'importe quoi, tout ce qu'on leur demandait».

 

 

Parmi les torturés, beaucoup sont accusés d'être militants du PAGS. La plupart arrêtés à la veille des émeutes sont des gens de gauche, militants, sympathisants ou proches du PAGS. Hocine Khaïti, déjà cité, précise : «On m'accusait d'appartenir et d'être un responsable zonal du PAGS, et d'être également l'instigateur de l'insurrection dans la région. Les questions qu'on me posait concernaient mes fréquentations, mes opinions politiques et nies prises de position ( ... ) Un moment, j'ai parlé des droits de la défense. L'officier qui m'interrogeait me répond : «les avocats qui s'agitent maintenant sont des communistes. On va les embarquer eux aussi.». Arrive un autre officier, Madjid de Zéralda. Il eut ces mots pour moi : «la balle était dans votre camp, nous avons sué pour la reprendre. Maintenant, nous ferons ce que nous voudrons».

 

 

Quelle torture ?

 

 

Sur les 51 premiers témoignages recueillis au 16 novembre, la Ligue des Droits de l'Homme a noté que «les mauvais traitements ont consisté particulièrement en

 

 

- «Châtiments corporels.

 

 

- «Matraquages par instruments contondants.

 

 

- «Coups et blessures par arme blanche.

 

 

- «Contrainte des personnes arrêtées de se déshabiller, à ramper nues sur un sol jonché de gravier et de bris de verre (au camp militaire de Sidi Fredj).

 

 

- «Utilisation de la baignoire (immersion.

 

 

- «Utilisation de la «gégène» (application des électrodes sur les parties du corps).

 

 

- «Violences sexuelles.

 

 

- «Sodomisation par instruments tels que goulot de bouteille ou manche de pioche (gendarmerie de Boufarik).

 

 

- «Brûlures par cigarette (Boufarik).

 

 

- «Administration forcée de liquides ou produits nocifs divers, urines, eaux usées.

 

 

Ce rapport de la ligue, rendu public le 16 novembre, note que «lorsqu'il a été possible aux familles et aux avocats de communiquer avec les détenus, il a été révélé que certains présentaient des traces de sévices visibles. D'autres se sont plaints de mauvais traitements, allant de simples coups jusqu'à la torture. La gravité de ces atteintes a été révélée (publiquement, pour la première fois), le 17 octobre à l'Université de Bab-Ezzouar, à travers les premiers témoignages d'une dizaine d'enseignants et de militants syndicalistes qui venaient d'être libérés».

 

 

Il souligne aussi que «selon certains témoignages, les auteurs de tirs (pendant les émeutes) ont agi parfois avec la volonté délibérée de tuer (El Harrach, Belfort, Sidi Lakhdar wilaya d'Ain Defla, Bouzaréah, Chéraga, Blida). Il est signalé également le décès d'une personne à la suite de ce qui semble être des tortures». Le rapport relève également que « la Ligue a été saisie de 11 cas de personnes disparues au niveau d'Alger. A notre connaissance, et à ce jour (au 16 novembre), ces personnes n'ont pas reparu.».

 

 

Un habitant d'Ain Benian, arrêté le 9 octobre, déclare «( ... ) Une fois la fourgonnette arrivée (au camp de Sidi Fredj), ils nous ont ordonné de nous déshabiller et de rester en slip. Il fallait ramper sur le gravier pendant que des paras nous arrosaient d'eau et d'autres nous battaient avec des tuyaux. Ils nous surveillaient avec des fusils.

 

 

«Une fois la nuit venue, ils ont commencé à nous appeler par nos noms, un à un, et chaque fois, on entendait des cris. Je tremblais de peur. Mon tour est arrivé. Quelqu'un m'a pris par la taille et m'a traîné jusqu'à la salle de torture. Ils m'ont demandé d'enlever la chemise et le pantalon et de me mettre contre le mur. Ils ont commencé à me frapper sur le dos avec un manche en bois. Ils s'arrêtaient de temps en temps, puis reprenaient le passage à tabac. J'ai dit n'importe quoi pour qu'ils s'arrêtent.

 

 

«Ils ont voulu que j'accuse un ami, que je dise que c'était lui qui avait brûlé le monoprix. Sous la douleur 'j'ai dit que c'était lui. Ils ont commencé à le tabasser. Ils lui ont demandé de signer des papiers. Ensuite, ils m'ont demandé de frapper mon ami, vu qu'il avait brûlé des biens de l'Etat. Comme je n'avais qu'à obéir, je l'ai frappé, mais doucement'. En voyant cela, l'un des «civils» m'a dit que ce n'est pas comme ça qu'on frappe, et m'a montré «comment», en me frappant. Le coup était si fort que je suis tombé à genoux. Il m'a relevé et m'a donné plus de dix coups de bâton sur les mains. Ils m'ont ordonné d'enfoncer mon doigt dans l'anus de mon ami.. Alors, je l'ai fait. Ensuite, ils lui ont dit de me faire la même chose. Après, ils nous ont demandé de nous baiser à tour de rôle.

 

 

Nous l'avons fait de peur. Ils nous ont ordonné de pratiquer la flagellation l'un sur l'autre. A chaque fois, le policier me frappait à coups de rangers sur le visage. Ils ont tabassé B... à coups de crosse et de rangers».

 

 

Les réactions face à la torture

 

 

A la fin des événements d'octobre, et alors que la situation revient progressivement à la normale, les premiers témoignages sur la torture commencent à circuler. Il s'agit d'abord de simples rumeurs, puis la population, particulièrement les milieux intellectuels, artistiques et scientifiques, commencent à prendre conscience de l'ampleur qu'elle a atteint. La rue s'empare alors de la question, et une multitude de réunions, de rencontres, meetings, conférences, assemblées générales, ont organisées pour dénoncer la torture et provoquent un véritable bouillonnement la deuxième quinzaine d'octobre. Le débat est alors public, et finit logiquement par atteindre le sommet de l'Etat : le Président Chadli déclare que «tout dépassement sera sanctionné». Au congrès du FLN, un mois plus tard, il réaffirme sa position, tout en soulignant qu'il faut aussi parler de la violation de l'intégrité des personnes innocentes pendant les émeutes. Il s'agit de nombreux abus commis par les manifestants, mais les faits ne sont pas connus dans le détail. Ainsi, un médecin qui se rendait par route vers Blida avec sa femme a été bloqué par les manifestants, qui ont forcé sa femme à descendre de la voiture et à danser pendant que lui-même klaxonnait. Des vengeances personnelles ont été assouvies à l'égard des policiers, selon un haut responsable, donnant lieu à une nouvelle vendetta. «Les débordements de tous bords sont inévitables», ajoute ce haut responsable.

 

 

Le 16 octobre, les journalistes «dénoncent énergiquement l'utilisation de la torture et le recours à la violence physique et morale contre les citoyens», en soulignant les «traumatismes et conséquences» qu'elles peut avoir sur la «personnalité de notre jeunesse, leur avenir et leurs mentalités».

 

 

Les médecins organisent une série de marches et de rassemblements, à l'hôpital Mustapha d'Alger, notamment. Les universitaires agissent de même, particulièrement à Bab Ezzouar, Blida et Bouzaréah. Des comités populaires se forment, dont certains sont particulièrement actifs, en raison de la répression qui s'est abattue sur leurs localités, comme Ain Benian et Ain Taya. A la rai-décembre, une quarantaine de comités sont créés, et certains organisent de grandes actions de mobilisation. Les grandes villes bouillonnent, sous la poussée des intellectuels, et de divers courants politiques, comme le PAGS surtout, l'Organisation Socialiste des Travailleurs (OST), l'Organisation Révolutionnaire des Travailleurs (ORT), les islamistes, et de simples citoyens, dont des proches, des amis, ou eux-mêmes ont été victimes de la torture, d'arrestations arbitraires ou autres. Et pour couronner le tout, même la presse s'empare de ce thème : le mot «torture», utilisé pour l'Algérie, apparaît ainsi dans le quotidien El Moudjahid.

 

 

Les Universitaires de Bab Ezzouar adoptent le 17 octobre une déclaration appelant à une «mobilisation nationale contre la torture», qui aboutira à la création du «comité pour une mobilisation nationale contre la torture».

 

 

Soulignant qu'«une cause est perdue dès lors qu'elle se défend par la torture», cette déclaration ajoute : «La torture sous toutes ses formes physiques et morales, s'est institutionnalisée comme mode de traitement des différences d'opinion et des problèmes sociaux dans notre pays.

 

 

«Nous universitaires algériens, dénonçons avec force l'usage de la torture (électricité, baignoire, bastonnades, sodomisation d'adultes et d'enfants avec des bouteilles et des manches de pioches, viols d'enfants, administration de grésyl, etc ... ) par les services de sécurité policiers et militaires lors des événements, en présence de certaines autorités civiles de haut niveau.

 

 

«Nous exigeons l'abolition définitive de cette pratique et l'inculpation des tortionnaires à quelque niveau qu'ils soient.

 

 

«Nous nous déclarons mobilisés, afin que soit brisée la loi du silence et du mensonge autour de la torture en Algérie, et pour que soit respectée l'intégrité physique et morale de chaque citoyen».

 

 

De son côté, Cheikh Sahnoun dénonce, le 28 octobre, «les méthodes sauvages utilisées par les services spéciaux chargés d'enquêter au sujet des derniers événements. Des informations concordantes et de nombreux témoignages révèlent que les méthodes utilisées ont été suscitées par les rancunes et la vengeance, et ont atteint des niveaux dignes des juridictions de l'Inquisition en Europe. Nous demandons à tous ceux qui ont été victimes des ces agissements d'avoir une attitude courageuse pour dénoncer ces services spéciaux, porter plainte et informer de ces pratiques l'opinion publique nationale et internationale. Cette dénonciation servira la justice, la défense et la liberté et isolera les coupables. Ces derniers sont d'ailleurs ceux-là mêmes qui s'opposent au changement.

 

 

«Nous demandons aux éléments honnêtes des services de sécurité qui se sont voués au service de la société d'assainir leurs rangs des individus nuisibles qui s'y sont infiltrés et qui ont déshonoré l'ensemble du corps.

 

 

«Que les forces de sécurité prennent garde d'être punies par la Justice divine, d'être sanctionnées par le peuple et d'être jugées par histoire qui ne pardonne pas».

 

 

«L'homme est présumé innocent jusqu'à preuve de sa culpabilité. La justice doit se prononcer en toute équité et indépendance, en défendant aussi bien les droits de l'accusé que ceux de l'accusateur. Les mesures coercitives ne doivent en aucun cas être utilisées pour obtenir des aveux. Le droit de poursuite judiciaire à l'encontre des responsables de ces atteintes doit être reconnu aux victimes .

 

 

«Les force de sécurité n'interviennent que pour rétablir l'ordre, et sans dépassement dans l'utilisation des moyens mis en ouvre. Elles ne doivent pas se substituer aux juridictions habilitées pour punir les auteurs des troubles.

 

 

Le 4 novembre, Cheikh Sahnoun lance un nouvel appel pour rendre visite aux blessés, aux victimes de la répression et aux familles des victimes, et de les aider.

 

 

Le «comité de mobilisation nationale contre la torture»

 

 

Le 23 novembre, le nouveau Ministre de la Justice , M. Ali Benflis, ancien membre du comité directeur de la Ligue des droits de l'homme, déclare à la chaîne 3 de la radio, qu'il a lui même donné des instructions aux procureurs généraux pour que «toute affaire de torture portée devant les tribunaux connaisse les suites prévues par le droit et la loi».

 

 

«Le gouvernement (de M. Kasdi Merbah) qui vient d'être nommé a pris l'engagement dans son programme de faire respecter l'indépendance de la magistrature». «Qui dit indépendance de la magistrature dit qu'il doit être donné suite à toute affaire engagée devant la justice». Les magistrats sont indépendants, et «ils jugeront en toute sérénité, en toute quiétude, en toute tranquillité, en leur âme et conscience et dans le respect de la loi, les affaires qui seront portées devant eux».

 

 

La ligue à laquelle avait appartenu M. Benflis a publié un rapport accablant sur la torture, et celle que préside Me Ali-Yahia a organisé une exposition sur la torture à Ryadh El Feth, à Alger, et rassemblé une série de témoignages.

 

 

Mais c'est surtout le «comité pour une mobilisation nationale contre la torture» qui prend le plus d'initiatives. Comprenant des militants du PAGS, tel Kateb, arrêté à la veille des événements d'octobre, ainsi que des militants d'autres organisations de gauche, et de nombreux intellectuels de renom, ce comité organise ou participe à une série de rassemblements, avec les médecins, les étudiants, les journalistes, les avocats, les intellectuels, les artistes. Il tente de coordonner l'action des multiples comités qui se forment ici et là, et en crée d'autres. En concertation avec des comités, notamment ceux des étudiants, très actifs, il organise une collecte en faveur des victime des émeutes, et engage une action pour dresser le bilan exact des émeutes. Il publie aussi un document sur la torture largement utilisé ici, intitulé «des témoignages accablants». Il organise aussi de grandes actions de démonstration.

 

 

Le jeudi 24 novembre, il organise une «marche contre la torture» entre l'université de Bab Ezzouar et le cimetière d'El-Alia, qui a failli tourner au drame. 8.000 personnes, selon Révolution Africaine, 800 selon le Ministère de l'Intérieur, ont pris part à cette marche, qui devait initialement mener les manifestants de l'université de Bab Ezzouar au cimetière d'El-Alia, en passant par l'avenue de l'ALN. Après avoir parcouru 50 mètres environ, les manifestants ont été bloqués par la police, un officier les a informés qu'ils ne pouffaient pas passer. Des discussions se sont engagées qui ont duré un quart d'heure, à la suite de quoi les manifestant ont décidé de prendre un autre itinéraire passant par la cité «Djorf», une zone d'habitation populaire de Bab Ezzouar.

 

 

A leur arrivée devant l'entrée du cimetière d'El-Alia, les manifestants se sont à nouveau trouvés confrontés à un barrage de gendarmes, dont une partie, munis de boucliers, barraient la route, et une autre partie, déployés sur un terrain vague, disposaient de pistolets-mitrailleurs et de lance-grenades lacrymogènes. Après de longues discussions qui n'ont pas abouti, un médecin, membre du comité, a affirmé la volonté des manifestants d'éviter les incidents. «Nous voulons montrer que les Algériens peuvent manifester sur la voie publique sans violence et en toute démocratie. La force et la démocratie se sont trouvées face à face. Elles ne se sont pas affrontées aujourd'hui, mais elles s'affronteront un jour», dit-il. Les manifestants sont ensuite revenus dans l'enceinte de l'université de Bab Ezzouar, où ils ont lu la «fatiha» et mis le drapeau en berne.

 

 

Auparavant, un meeting avait été organisé, avec la participation de médecins, écrivains, journalistes, artistes, étudiants, moudjahidates, etc... On notait notamment la présence du peintre Denis Martinez, Ben Brahim, Merzak Allouache (cinéastes), Youcef Sebti (écrivain), le Dr Djoudi, membre de la Ligue des Droits de l'Homme d'Ali Yahia, M. Halim Mokdad, ancien rédacteur en chef d'El-Moudjahid.

 

 

Sous les youyous, les chants comme «mes frères, n'oubliez pas vos martyrs, les martyrs d'octobre», ou «nous sommes toujours révolutionnaires», des témoignages sur la torture, dont certains poignants, ont été présentés, notamment par une vieille femme de Staouéli, dont le fils a été tué pendant les émeutes.

 

 

Le comité pour une mobilisation nationale contre la torture a tenté plusieurs fois d'organiser des meetings par la suite, mais ses démarches ont été rejetées. Le comité voulait notamment organiser de grandes démonstrations à la salle Harcha, au coeur d'Alger, mais la salle lui a été à chaque fois refusé. E s'est alors rabattu sur l'université de Bab Ezzouar, où les meetings ont moins d'impact.

 

 

Enfin, cinq mois après les événements d'octobre, aucun procès engagé par une personne torturée n'a abouti, selon les informations disponibles.

 

 

Retour (Octobre 88)

 

 

algeria-watch

 

 

Abed Charef:
Algérie '88, Un chahut de gamins.?

 

 

pp 235-270 Laphomic, Alger 1990

 

 

L'auteur a écrit ce livre en décembre 1988 "à chaud"

 

 

En guise de conclusion

 

 

Explosion populaire ?

 

 

On a vu les événements tels qu'ils se sont déroulés dans la rue, avec la violence, les destructions, le deuil. Mais que cachent-ils réellement ? Est-ce simplement une explosion populaire ? Dans quelle mesure cette explosion a-t-elle influé sur le cours de la vie politique ?

 

 

L'été 88, a été marqué par deux faits majeurs : une crise sociale aiguë et une détérioration de la situation socio-économique, avec une série de grèves, d'une part, et des attaques contre le Président Chadli, d'autre part. En toile de fond , deux grands courants s'affrontent au sommet, le tout devant être placé dans une double perspective : celle du congrès du FLN, prévu pour la fin de l'année, et la conjoncture internationale, avec l'évolution régionale et internationale.

 

 

Sur ce, interviennent les événements d'octobre. Dès l'abord, la thèse d'une «explosion populaire spontanée» ne semble pas tenir comme l'écrit Révolution Africaine, début décembre, qui affirme que «la rue n'a été que le catalyseur de conflits larvés».

 

 

Reprenons ce passage entier de Révolution Africaine, très instructif, publié deux mois après les émeutes : «Cette histoire (des événements d'octobre) devra dire, parce que des indices troublants sont là, trop nombreux, trop concordants pour être occultés, que la rue n'a été que le catalyseur de conflits larvés, souterrains, opposant sans doute des conceptions divergentes du système d'organisation, de gouvernement et d'exercice de pouvoir, mais aussi, et surtout, des intérêts et des hommes, à différents niveaux de la société politique et leur prolongement dans les ramifications dans la société le».

 

 

«Indécrottable manie -transformée en méthode de gouvernement -des apparatchik de considérer les ses comme des troupes de manouvre (de mauvaises manouvres, du reste) et de s'entêter à vouloir les régenter à leur manière».

 

 

L'histoire du 5 octobre reste à écrire. Elle le sera un jour, car elle a coûté trop cher. Non pas seulement en termes matériels, mais surtout en termes de traumatismes collectifs profonds et indélébiles, parce que gravés dans les mémoires par les souffrances et les pertes humaines.

 

 

On a politisé les événements d'octobre, et c'est tant mieux ( ... ). Que de dénaturations, que d'escroqueries politiques, que de ténébreuses circonvolutions pour se dédouaner par rapport à une situation rendue critique par prévarications, les concussions, les délations, le pillage du secteur d'Etat n'ont-elles pas été commises au nom de la démocratie ?»

 

 

C'est la seule fois où la presse algérienne parle ouvertement de conflit au sein du pouvoir, de manière tranchée. Mais conflit entre quels courants et quelles tendances, à quelles alliances cette situation a-t-elle donné lieu? Et surtout, conflit entre qui et qui ?

 

 

Le conflit larvé entre les deux grands courants qui cohabitaient au sein du pouvoir avait fini par apparaître au grand jour. Un courant, qui se définit «attaché aux acquis socialistes», et qui recrute en gros dans l'appareil du parti, semble le premier à avoir déclenché les hostilités, en lançant des attaques qui, par ricochet, atteignent le

 

 

Président Chadli, comme le note Le Monde daté du 15 octobre 88. Le chef de l'Etat riposte, par son discours du 19 septembre, qui annonce clairement qu'il ne veut pas se laisser faire, et qui révèle le conflit au grand publie, sans cependant désigner nommément ses opposants.

 

 

L'appareil du parti semble avoir cherché des alliances, notamment auprès du PAGS, pour lancer les grèves qui se sont succédées durant l'été. La plupart des journaux français de droite l'affirment, mais leurs informations, parfois recueillies auprès de hauts responsables algériens, ne sont pas étayées. Il est cependant établi que les conflits sociaux de l'été, auxquels le PAGS et des organisations d'extrême gauche participent de manière active, ont contribué à augmenter l'aggravation du climat social, jouant objectivement en faveur des opposants au Président Chadli. Le PAGS et les autres organisations d'extrême gauche étaient-ils au courant du «plan» de bataille dressé alors par les opposants du Président Chadli ? Rien ne permet de l'affirmer, d'autant plus que l'un des principaux mots d'ordre du PAGS durant tout l'été le mettait en conflit direct avec le FLN : Le PAGS réclamait des syndicats autonomes, et dénonçait précisément «l'hégémonie» du Parti.

 

 

Le PAGS dément cependant avoir une responsabilité dans les événements d'octobre. M. Kateb l'affirme dans Révolution Africaine, début novembre. Saout Achaab, organe central du PAGS, n° 166 daté du 14 septembre, donc trois semaines avant les émeutes, souligne les difficultés de la vie quotidiennes, et affirme que «les travailleurs luttent pour la démocratie syndicale», pour «l'emploi et la production ( ...). La vie est trop chère. Elle est insupportable pour les larges masses».

 

 

Avec le recul, les objectifs du courant opposé à Chadli peuvent être définis ainsi : mener une action qui prenne un aspect populaire, avec pour objectif de faire pression au congrès du FLN, en vue de l'amener à rejeter les réformes proposées par le Président Chadli, ou de contrer éventuellement la candidature du Chef de l'Etat pour un troisième mandat.

 

 

Faits troublants

 

 

Dans son édition du 15 octobre, Le Monde, sans donner de réponses pose, dans une longue analyse que nous reprenons largement, une série de questions qui renforcent encore la thèse selon laquelle il ne s'agissait pas uniquement de manifestations spontanées. «Où étaient donc les forces de police, ce mercredi (5 octobre premier jour des émeutes) ? Elles avaient reçu des instructions précises. Même les agents de circulation avaient déserté les carrefours. Comme si tout était prévu, à défaut d'être orchestré. Qui avait donc bien pu, mardi soir (4 octobre), prévenir certains commerçants de la Rue Didouche Mourad, en leur conseillant de laisser leur rideau baissé le lendemain ? Qui étaient ces adultes à l'air sévère et décidé qui guidaient, mercredi matin, ces hordes déchaînées dans Alger, ville ouverte ?

 

 

«Qui étaient-ils ces civils, en jeans, baskets et blouson de cuir qui, au milieu des manifestants, sortaient soudain un pistolet et ouvraient le feu ? Qui étaient-ils, ces cinq hommes en civil, montés sur le plateau arrière d'une 404 bâchée, qui ont tiré sur les civils à Kouba ? Qui étaient encore ceux-là qui, à bord de voitures de sociétés nationales, lâchaient ici et là quelques rafales d'armes automatiques ? »

 

 

L'après-midi du lundi 10 octobre, alors que la manifestation intégriste pacifique allait quitter Belcourt pour se diriger vers Bab-el-Oued, Cheikh Sahnoun ( ... ) a tenté de dissuader les manifestants de défiler. Des provocateurs armés sous leur djellaba immaculée, avaient été repérés ( ... ). Il semble maintenant acquis que la première balle a bien été tirée du côté des manifestants (lors de la fusillade de Bab-el-Oued, déchaînant une riposte «enfer. Qui ?»

 

 

L'Express écrit de son côté, le 20 octobre : «une seule certitude pour la plupart des enquêteurs de la presse étrangère : il y a eu manipulation des émeutiers, et tentative de déstabilisation de Chadli. Ce dernier, dès le milieu de l'été, était la cible d'une campagne qui visait sa famille et ses proches, les accusant carrément de malversations. Et il semble bien que, au début du mois d'octobre, la pénurie déjà chronique des produits de première nécessité ait été aggravée à dessein, dans un climat social explosif. Mais aggravée par qui ? Par le Président lui-même, avec l'idée machiavélique d'obliger l'armée à se mouiller pour rétablir l'ordre ? Par le parti, désireux d'éviter une nouvelle candidature de Chadli au congrès du FLN ? Par une partie de l'armée, furieuse d'abandonner son soutien au Polisario et hostile à la réconciliation avec le Maroc ? Constatons simplement que les forces de police étaient étrangement absentes au début des émeutes, et que des hommes en civil, armés, se sont livrés à plusieurs reprises à de sanglantes provocations».

 

 

Sous le titre «des faits troublants», Saout Acchaab n' 167 daté du 23 octobre &-rit : «Qui étaient ceux qui brûlaient, détruisaient avec le plus d'acharnement et avec une grande efficacité, celle de professionnels ? Certains d'entre eux ont été surpris par les manifestants, en train de communiquer par talkie-walkie. Pourquoi les forces dites de l'ordre étaient totalement absentes des rues d'Alger le 5 octobre, le jour des grandes casses ? En liaison avec la question précédente, y a-t-il des forces, au sein de différents appareils qui encouragent la casse pour justifier la répression et dénaturer le mouvement ? Sinon, pourquoi ces arrestations de patriotes qui participaient aux manifestations en s'opposant à la casse ?»

 

 

«Qui étaient derrière ces civils qui, à Alger, Oran et bien d'autres villes, tiraient sur les civils et les militaires en même temps ? ( ... ). Ces questions se posent à la lumière de faits concrets. Nous en citons quelques-uns :

 

 

«A Alger : Devant le souk el fellah de la rue Volta, deux hommes sont descendus d'un taxi, ont tiré et tué au moins trois personnes.

 

 

«Au cours de la manifestation du 10 octobre devant la direction générale de la sûreté nationale, beaucoup d'observateurs ont constaté qu'il y avait des personnes qui tiraient à la fois sur les forces armées et les manifestants.

 

 

«A El Biar, le 7 octobre, les occupants d'un véhicule non identifié tirent avec des armes automatiques contre un véhicule des troupes anti-émeutes stationné à proximité d'une station-service. Les policiers ripostent. C'est la panique dans le quartier.». «A Mostaganem : deux policiers en civil ont tiré sur des manifestants et sur des civils isolés. Cela a créé la panique et obligé les militaires à tire. «A Oran : les troupes anti-émeutes de la gendarmerie ont tiré sur des fidèles qui sortaient tranquillement de la mosquée. Le quartier populaire de Sidi el Houari était calme, mais les troupes anti-émeutes de la gendarmerie occupent la rue et se mettent à tirer sur les passants. Des commandos en cagoule saccageaient tout sur leur passage. Une voiture de marque Citroën (DS 19) noire, immatriculée 99, et une autre de marque Volswagen (Golf) blanche, tournaient en ville à grande vitesse. Leurs occupants tiraient sur les jeunes.

 

 

«Par ailleurs, ce sont des groupes bien entraînés qui ont fait le feu à la grande surface «le Printania» (galeries algériennes). La police et la protection civile, alertées par les citoyens, ne sont pas intervenus».

 

 

En plus de ces faits rapportés par la presse, de nombreux autres ont été cités par des témoins oculaires. On citera un, vécu dans de nombreuses villes petites ou moyennes : les troubles ont été déclenchés par des gens venus d'ailleurs', et qui ont disparu aussitôt après.

 

 

Manipulation

 

 

Dans la presse algérienne, la thèse de la manipulation est aussi avancée. Le 5 octobre, le Bureau politique du FLN parle de «manipulations hostiles», et met en cause des «milieux restreints et aisément réductibles, nostalgiques intéressés à accrocher l'évolution économique du pays aux influences étrangères de tous bords. Ces milieux sont aussi «soucieux de contrarier à la source la lutte résolument engagée contre la spéculation, la corruption, le renchérissement des prix et la manipulation des circuits d'importation et de distribution».

 

 

Le 7 octobre, l'APS fait état , pour la première fois , d'une «machination subversive» et d'un «complot évident»' provoquée par «un petit nombre d'éléments hostiles» en vue de «satisfaire leurs honteux appétits». «Depuis quelques temps, des ennemis du peuple, qui tentaient de répandre leur idéologie réactionnaire bourgeoise, commençaient à se sentir démasqués. Leurs activités subversives exerçaient principalement dans les affaires douteuses et dans la distribution des produits nécessaires à la vie des citoyens, de manière à faire coup double : s'enrichir illicitement et susciter le mécontentement au sein des masses». «La preuve est faite maintenant que ces éléments hostiles sont décidés à plonger le pays dans les ténèbres et la ruine, à la seule fin de satisfaire leurs honteux appétits».

 

 

Le même jour, l'APS affirme que les «commanditaires» de ces troubles ont été «identifiés» et que «les tenants et les aboutissants seront portés à la connaissance de l'opinion publique». Elle ne donne pas de précisions sur l'identité de ces manipulateurs, mais dénonce de nouveau «une frange de spéculateurs», ainsi que certains responsables chez qui a été observée une «forme d'enrichissement inadmissible chez des gens se prétendant au service de la patrie». Elle dénonce aussi «l'immobilisme incompréhensible mais confortable «de certains responsables», et «la lenteur démesurée dans l'application des décisions».

 

 

Dans la tourmente des événements, ces deux informations étaient passées inaperçues, la thèse de la manipulation étant souvent citée en Algérie pour discréditer des milieux d'opposants ou des mouvements sociaux. Mais pour la suite des événements, elles reprennent toute leur importance : elles accréditent officiellement la thèse de la manipulation, mais provoquent aussi des interrogations, car l'APS a annoncé officiellement que «les tenants et aboutissants seront portés à la connaissance du public», ce qui n'a pas été encore fait.

 

 

Le 8 octobre, El Moudjahid accuse des «sinistres cerveaux» qui «auront fait la preuve d'une haine de ce pays et de sa jeunesse à l'égale de l'ampleur des intérêts qu'ils ont à défendre. Les forces qui ont précipité dans la rue ce mouvement de dégradation de grande envergure tout en se dissimulant elles-mêmes en arrière-plan agissent dans l'unique objectif désespéré de sauvegarder et renforcer leurs propres intérêts matériels sordides, réalisés aux dépens et aux détriments de la société».

 

 

Le même jour, devant une cinquantaine de journalistes étrangers, M. Bachir Rouis, alors Ministre de l'Information, n'exclut pas que «des mains soient en train de jeter les Algériens les uns contre les autres», pour «détourner le mouvement à leur profit». Il s'en tient ainsi à la thèse de l'explosion spontanée que certains mouvements, qu'il n'identifie pas, tentent de récupérer l'UGTA affirme de son côté, toujours le 8 octobre, qu'une tentative visant à «déstabiliser le pays» a été menée par «les ennemis jurés internes et externes de notre révolution», qui ont «tenté de tromper et de manipuler une partie de notre jeunesse et de ses enfants.

 

 

La «folle rumeur»

 

 

Les arrestations préventives parmi les militants de gauche, essentiellement du PAGS, opérées à la veille des émeutes visent à «désigner du doigt» les auteurs potentiels des émeutes, un bouc-émissaire tout prêt. Le PAGS souligne cette thèse, et la rejette. Elles montrent que quelques chose se préparait, et que le pouvoir savait ce qui allait se passer.

 

 

Mais, comme se le demande L'Express du 20 octobre, qui a laissé la situation pourrir durant l'été 88, aggravant la situation sociale qui était déjà explosive ? Mais surtout, qui a fait circuler la rumeur sur la grève générale du 5 octobre ? Cette seconde question en amène une autre : qui, quel appareil ou structure est en mesure de répandre une information avec autant «efficacité, dans tout le pays ? On a déjà vu des rumeurs prendre une ampleur énorme en Algérie, à cause essentiellement de la faiblesse de l'information et de son manque de crédibilité. Mais on a aussi vu que ces rumeurs sont souvent fondées, et qu'elles ont un objectif politique précis.

 

 

Cette question sur l'origine de la rumeur qui a précédé le 5 octobre a été souvent posée au début des événements, et deux réponses avaient été avancées : l'appareil du parti, ou des «milieux inconnus». Selon la première hypothèse, l'appareil du parti, dans le cadre de sa campagne contre le Président Chadli, s'est mobilisé à cette occasion pour lancer une grève générale, à travers laquelle il réaliserait une démonstration de force de grande envergure dans la perspective du congrès. Comme on l'a vu, Révolution Africaine opte implicitement pour cette thèse, en s'en

 

 

prenant, début décembre, à l'«indécrottable manie des apparatchiks de considérer les masses comme des troupes de manouvres et de s'entêter à vouloir les régenter à leur manière».

 

 

Cela suppose que l'appareil du parti était sûr de ses forces, et comptait sur des alliances solides. Lesquelles? La réponse soulève quelques problèmes.

 

 

Dans les usines qui constituent les principaux foyers du syndicalisme, comme Rouiba, El Hadjar, etc... les sections de l'UGTA, mise en place par le Parti, sont sérieusement concurrencées par les militants des organisations de gauche, d'abord le PAGS. De nombreuses grèves sont ainsi déclenchées contre l'avis des sections syndicales officielles. Cette rupture à la base UGTA-organisations de gauche, qui conteste totalement la représentativité de l'UGTA dans certaines unités, peut difficilement être oubliée pour laisser place à une alliance, même, si le PAGS par exemple considère que le Parti peut jouer un rôle positif contre les partisans de «l'Infitah».

 

 

Les organisation de gauche se méfient aussi du Parti et de son appareil : c'est l'équipe qui dirigeait le parti à la veille des émeutes, notamment M. Messaadia, qui les a éliminées des structures des organisations de masse, ouvrant la voie à leur «caporalisation». Ce contentieux n'est pas encore réglé : le caractère «hégémonique» et «sectaire» du Parti est même de plus en plus dénoncé par les organisations de gauche.

 

 

La deuxième hypothèse sur l'origine de la rumeur sur la grève générale affirme qu'elle provient de «structures agissant dans l'ombre», et «infiltrées dans de nombreuses institutions», selon un journal français. En langage clair, ce sont les services de sécurité qui sont visés. L'absence des services de sécurité au début des émeutes a longtemps été interprétée comme un soutien implicite aux manifestants.

 

 

A l'appui de cette thèse, sont cités de nombreux faits : à part la formule «grève générale», aucun mot d'ordre précis, aucun tract, aucun texte n'a été distribué durant les jours qui ont précédé le 5 octobre, préservant l'anonymat de ses auteurs, alors que les organisations de gauche ont des méthodes et des traditions connues : tracts, mots d'ordre politiques etc...

 

 

Mais paradoxalement, ces deux thèses ne sont pas contradictoires, mais se complètent, et peuvent offrir une réponse qui peut éclairer d'autres points restés obscurs. En effet, une alliance entre l'appareil du Parti et une partie au moins des services de sécurité, peut expliquer à la fois l'ampleur des événements, le recours de l'armée pour y mettre fin, et le limogeage de M. Messaadia et du Général Lakehel-Ayat, annoncé en même temps. Mais cette explication elle-même n'est ni complète, ni suffisante, car il y a beaucoup d'interférences entre différents appareils et structures, qui font qu'au même moment par exemple, un appareil agit pour les deux camps à la fois.

 

 

Une autre question n'est pas résolue non plus : de quels services de sécurité il s'agit ? M. Hedi Khediri, alors ministre de l'Intérieur, est considéré comme un proche du Président Chadli, et M. Bouzbid, directeur général de la sûreté nationale, est resté en place après les événements. Par contre, le Général Lakehel-Ayat a été limogé, et deux explications ont été avancées, notamment dans la presse européenne. Selon la première, il aurait agi contre le Président Chadli, ce qui semble peu probable. La -seconde hypothèse affirme par contre qu'il serait resté fidèle qu'il serait resté fidèle, mais qu'une partie de la structure de la DGPS lui aurait échappé. C'est l'hypothèse la plus souvent retenue.

 

 

Alliance des victimes des réformes

 

 

Si on prend cette alliance appareil du Parti-services de sécurité (ou au moins une frange) comme hypothèse de départ on retrouve de nombreuses constantes qui reviennent régulièrement, y compris dans des événements antérieurs.

 

 

En divisant l'ancienne sécurité militaire en deux structures différentes, la DGPS et la sécurité de l'armée, le Président Chadli a diminué leur champ d'action. Si la «sécurité de l'armée» garde son territoire d'activité précis et bien limité, la DGPS perd un«territoire» important, et se trouve, en outre, plus ou moins coupée de l'armée, principale force politique du pays. L'appareil du parti perd de son côté une grande partie de ses prérogatives dans la politique du pays, avec les réformes proposées par le Président Chadli. Dans le même sens, le nouveau discours sur l'Etat de droit, avec la création d'une Ligue des Droits de l'Homme très active, se retourne essentiellement contre la DGPS , souvent accusée d'abus, bien que la DGSN soit aussi mise en cause. En outre, M. Khediri, qui est l'un des artisans de la création de la LADH , a aussi défendu la loi sur les associations, qui a établi des brèches dans des domaines jusque-là réservés au Parti. Il a aussi mené une opération de charme «grand public» pour rétablir la confiance entre la police et les citoyens : organisations de tournois sportifs par la DGSN , distribution d'eau par les camions de la DGSN , passage à la télévision de responsables de la police, comme M. Hadj-Sadok, chef de la sûreté de wilaya d'Alger, pour expliquer les possibilités de recours des citoyens face aux abus de la police, etc...

 

 

On se retrouverait ainsi avec une alliance entre les victimes potentielles des réformes.

 

 

L'absence des forces de police le 5 octobre trouverait, dans ce cadre une explication plus solide que celle avancée jusqu'à présent. M. Khediri a déclaré que la police a été débordée, et M. Bachir Rouis a affirmé qu'elle n'est pas intervenue rapidement dans un souci d'éviter que la situation s'aggrave.

 

 

Dans d'autres circonstances, les forces anti-émeutes de la police ont pourtant faits la preuve de leur efficacité. Un manifestant a même déclaré qu'il préfère les affronter, parce que ce sont des «professionnels rompus à ce genre de situation», qu'ils n'ont généralement pas d'armes à feu, et qu'il «n'y a pas lieu de risque majeur dans un affrontements avec eux». Il semble donc que la police n'est pas intervenue en force le premier jour parce qu'elle savait qu'en face, il n'y avait pas uniquement des manifestants, mais un appareil puissant, bien organisé, agissant au milieu des manifestants, et qu'il serait difficile de savoir d'où viendraient les coups, comme l'ont montré les nombreuses provocations signalées. Une intervention de la police dans cette situation risque de mettre face-à-face deux corps armés, sans savoir si celui resté légaliste est en mesure de l'emporter sans trop de dégâts.

 

 

Ainsi, s'éclairerait cette brève dépêche de l'APS du 5 octobre, qui parle d'un «complot évident» et d'une «machination subversive», provoqués par «un petit nombre d'éléments hostiles» qui veulent «satisfaire leurs honteux appétits».

 

 

Une question mérite cependant d'être posée, pourquoi, à la veille des émeutes, des militants de gauche, essentiellement du PAGS, ont été arrêtés, alors que les islamistes n'ont pas été inquiétés ? Craignait-on que les troubles débordent à gauche, et pas dans une option islamiste ? Ou bien, voulait-on simplement dès le départ mettre le PAGS hors compétition, pour évacuer un allié éventuel de l'appareil du Parti ? La force des islamistes a-t-elle été sous-estimée, ou bien en a-t-on tenu compte dans une perspective précise ? Autrement dit, la manipulation des islamistes était-elle prévue dès le départ.

 

 

La rue s'empare du conflit

 

 

A ce stade cependant, aucune affirmation ne peut être étayée solidement, faute de déclarations ou de prises de position des principaux intéressés. Seuls quelques faits permettent de donner des indications qui, à leur tour, éclairent l'analyste, lorsque l'évolution rapide des événements et la succession des draines détruisent au fur et à mesure les versions les mieux élaborées. On retiendra cette thèse de l'alliance entre les deux grands perdants des réformes en cours car elle permet d'éclairer la suite des événements.

 

 

L'appel à l'armée, restée fidèle au Président Chadli, se situe dans cette même logique : faire appel au corps le plus apte de faire face à un coup d'Etat rampant. Mais cette explication, admise à posteriori, n'était pas envisagée pendant les événements. A cette époque, d'autres hypothèses avaient été avancées.

 

 

Selon la première et aussi la plus simple, le Président Chadli avait fait appel à l'armée, selon un schéma classique, pour réprimer les manifestations devenues incontrôlables après leur extension et le caractère violent qu'elles ont pris.

 

 

La seconde hypothèse, reprise dans de nombreux journaux a été avancée lorsque le Chef de l'Etat a fait appel à l'Armée. Cette thèse laissait entendre que le Président Chadli était contesté par l'année elle-même, et qu'en investissant Alger et les grandes villes avec l'état de siège et le couvre feu, elle se trouve en mesure «imposer au Président Chadli ses propres orientations, et éventuellement, soit le forcer à se démettre sur le champ, soit, à défaut, ne pas se présenter pour un troisième mandat, à l'occasion du congrès du Parti. Cette version était étayée par de nombreux arguments, notamment l'intention prêtée au Chef de l'Etat de «remettre l'année dans les casernes» pour en faire une année classique, sans intervention sur le champ politique.

 

 

Cette explication ne semble pas résister à une critique solide. Le chef de l'Etat est lui-même issu de l'armée, qui peut difficilement se déjuger en l'éliminant. En outre, le Chef de l'Etat a déjà opéré de nombreux changements au sein de l'ANP, mettant des éléments légalistes à des postes-clé. Le principal partisan d'une année classique, le Général-Major Belloucif, avait aussi été limogé deux années auparavant. Enfin, argument suprême, l'année est demeurée légaliste.

 

 

Reste la troisième hypothèse : le Président Chadli, sûr de l'appui de l'année, qui a déjà joué le jeu de la légalité en 1979, en assurant une transition conforme à la Constitution après la mort de Houari Boumediène, fait appel à elle, comme force suprême, pour à la fois rétablir l'ordre et contrer ses adversaires. Sachant en outre que la DGPS est impliquée dans l'opération de déstabilisation, il préfère ne pas mettre en avant d'autres corps, comme la police, ce qui risque de provoquer de nombreuses victimes.

 

 

L'armée a-t-elle été piégée, en se trouvant mouillée dans la répression ? Les faits, dans leur cruauté, disent que oui, qu'elle a été effectivement piégée, que son image a été ternie, ce qui fait objectivement le jeu de ceux qui prônent un retour de l'armée dans les casernes. Mais l'analyste montre que si elle n'avait pas pris rapidement les choses en main, la situation se serait dégradée davantage, et que de toutes les façons elle aurait été contrainte d'intervenir, la situation ne pouvant alors qu'empirer tant que le conflit au sommet ne serait pas réglé.

 

 

L'armée s'est aussi trouvée piégée à cause d'un nouveau facteur, qui ne semble pas avoir totalement été pris en compte par les deux parties : le rôle de la rue. Si on admet en effet que les opposants au Président Chadli ont tenté d'utiliser le mécontentement de la population en mettant le conflit dans «la rue», celle-ci a transformé les données du problème, en tentant de le récupérer à son profit. Ainsi, les islamistes ont tenté de s'engouffrer dans la brèche, mais ils ont échoué, la population a exprimé ses véritables revendications et non celles des appareils, et tous les débordements et excès enregistrés ont été parfois le fait de manifestants eux-mêmes, et pas seulement le fait des parties en conflits. Ceci explique les flottements enregistrés au sommet pendant deux ou trois jours, à l'issue desquels le pouvoir a réussi à récupérer les rênes : les manifestations ont pris fin après le discours du Président Chadli, le 10 octobre.

 

 

Ainsi, même si des détails restent dans l'ombre, on se retrouve finalement avec une explication générale cohérente : Les événements du 5 octobre sont le résultat d'un conflit au sommet, dans lequel les opposants au Président Chadli, exploitant une situation sociale aiguë, ont tenté de s'appuyer sur la rue. Le Chef de l'Etat a utilisé les moyens institutionnels à sa disposition pour les contrer. Les débordements enregistrés ont été le fait de «la rue», qui a tenté à son tour de tirer profit de ces événements, comme elle a continué à le faire par la suite avec la vague de contestation qui a déferlé sur le pays.

 

 

Enjeux internationaux

 

 

Les événements d'octobre se sont déroulés dans un environnement international particulièrement agité, avec une évolution rapide au Maghreb, dans le monde arabe et entre les superpuissances. Ils ne peuvent en être dissociés, «autant plus que des accusations explicites ont été portées contre tel OU tel pays, notamment la France et les Etats Unis.

 

 

Au Maghreb, le premier sommet maghrébin de l'histoire a eu lieu à Alger, début juin 88, moins d'un mois après le rétablissement des relations diplomatiques algéro-marocaines et précède de quatre mois seulement les émeutes. Ce sommet bouleverse complètement l'échiquier régional. Lors des émeutes, le Roi Hassan II, le Président Ben Ali et le Secrétaire Général du Polisario, M. Mohamed Abdelaziz, ont adressé au Président Chadli des messages de sympathie. Chacun craint les retombées de ces émeutes. La Tunisie et le Maroc, qui ont connu des événements semblables, avec cependant moins d'ampleur, redoutent l'effet contagieux qu'ils peuvent avoir. Le Polisario craint que son principal allié dans le conflit du Sahara Occidental ne prenne ses distances avec lui, sous la pression des difficultés internes. La Mauritanie , qui maintient un difficile équilibre entre ses voisins, redoute les retombées, directes ou indirectes, à cause du conflit sahraoui qui se déroule à ses frontières. Quant à la Libye , isolée sur le plan international, elle redoute que son seul allié dans la région l'abandonne, renforçant encore son isolement. Les consultations populaires qui devaient être menées pour une union entre l'Algérie et la Libye sont d'ailleurs repoussées sine-die.

 

 

Le rapprochement inter-maghrébin qui s'amorçait depuis juin 88 risque donc de pâtir des événements d'octobre, malgré les arguments politiques, économiques et culturels qui plaident en faveur d'un ensemble maghrébin. Le rapprochement maghrébin est aussi souhaité par les puissances internationales, qui y voient un élément de stabilité, mais chacune des grandes puissances voit ce Maghreb selon ses propres intérêts. Les Etats Unis y voient un moyen d'introduire ou de renforcer leur emprise sur l'Algérie et la Libye , les deux pays qui leur sont le plus hostiles. Un ensemble maghrébin permettrait en effet, par la Tunisie et le Maroc, de contourner les obstacles économiques, politiques et autres, qui gênent la pénétration américaine dans la région.

 

 

En plus de ses intérêts particuliers, la France , comme les autres pays européens, souhaitent un Maghreb relativement fort, pour éviter qu'il ne tombe sous la coupe des superpuissances. L'Union Soviétique adopte pratiquement la même position - un, Maghreb fort - mais pour des raison différentes : Moscou est occupée par ses restructurations internes et les conflits dans lesquels elle est impliquée, et souhaite que le Maghreb se construise comme puissance régionale autonome dans un premier temps, en mesure de basculer plus tard dans le camp anti-impérialiste, sous la poussée de l'Algérie, de la Libye et du Polisario.

 

 

Toutes ces puissances suivent aussi avec intérêts les réformes menées en Algérie. Les Etats Unis y voient une évolution progressive vers le libéralisme économique et une ouverture politique contrôlée. Le Washington Post appelle d'ailleurs à «soutenir la pérestroika à l'algérienne».

 

 

La France souhaite de son côté une évolution «à la tunisienne», en douceur, et l'Union Soviétique trouve dans les réformes menées en Algérie beaucoup de similitudes avec la «pérestroïka» de Gorbatchev. La position soviétique est cependant mêlée d'une certaine inquiétude de voir l'Algérie basculer progressivement dans le camp occidental, sous l'effet des difficultés économiques pour lesquelles Moscou ne peut pas remédier.

 

 

Toutes ces grandes puissances se rejoignent aussi sur un point : la nécessité de trouver une solution au conflit du Sahara Occidental. Les Américains ont de nombreux intérêts, politiques et économiques au Maroc et en Tunisie, économiques en Algérie et en Libye, et veulent les conserver. Pour eux, le conflit saharaoui est une menace de déstabilisation pour le Maroc, qui peut déboucher sur l'inconnu. La France a les mêmes intérêts, qui sont encore plus forts en Mauritanie, et souhaite préserver ses positions, en attendant de les renforcer à la faveur de l'intégration maghrébine qui offrirait un partenaire à la Communauté européenne. L'Union Soviétique, en retrait sur la scène internationale, souhaite préserver le statu-quo, car elle n'est pas en mesure d'influer directement sur le cours des événements.

 

 

Face à ces puissances, l'Algérie se trouve en position de faiblesse, en raison de ses difficultés économiques, elles-mêmes dues à la chute du prix du pétrole, qu'El Moudjahid n'hésite pas à imputer aux «Etats-Unis et leurs satellites». Le moment est favorable, pour chacune des grandes puissances, de tenter de se placer sur la scène algérienne, d'autant plus que l'Algérie sera l'élément moteur du futur ensemble maghrébin, grâce à sa position géographique, son poids économique, sa. capacité industrielle et ses potentialités, qui dépassent celle de chacun des autres pays maghrébins.

 

 

Cependant, comme on l'a vu, l'Union Soviétique apparaît pratiquement hors-course dans une éventuelle compétition internationale. Le résultat en est que si les événements d'octobre ont donné lieu à une confrontation internationale, il s'agissait essentiellement d'une confrontation franco-américaine.

 

 

«Hizb França»

 

 

Le «parti de la France » a été explicitement mis en cause par la presse algérienne et par de hauts responsables. M. Benamar Banaouda, déjà cité, a déclaré dans une interview fleuve publiée par L'Unité : «Il y a la main de la France dans les derniers événements. La preuve en est que cette opération est intervenue après la décision tranchée du Président de la République de mettre fin à l'ère des établissements scolaires sous tutelle de la France en Algérie», ce qui signifie «l'indépendance idéologique envers la France ». « La France a estimé qu'il faut détruire le gouvernement algérien et le Président Chadli Bendjedid qui s'est dressé contre la francophonie. Ce point de vue est plausible et raisonnable, car l'Algérie est le pays qui compte le plus grand nombre de personnes parlant français, avec la France ».

 

 

«Durant les événements, certains éléments traîtres, nostalgiques de la période coloniale se sont glissés dans les rangs des manifestants pour crier le slogan «vive la France » et «brûler les drapeaux algériens». «Dans le même temps, un ministre algérien déclare : je n'ai pas de complexe à parler en français avec mes enfants».

 

 

«Ils ont tenté d'inciter à la guerre civile, sur ordre de la France , qui a cru que c'était une occasion pour revenir. Elle attendait que ses marionnettes lui demandent d'envoyer ses milices pour «rétablir l'ordre en Algérie». Je pense que la France s'est trompée dans ses calculs concernant l'armée, car elle pensait que l'armée se mutinerait et plongerait dans l'anarchie et l'indiscipline». «Elle a tenté, à travers les événements, de susciter le désordre, de semer les rumeurs au sein de l'armée. Elle a dit qu'un soldat a tiré sur le commandant d'une région militaire (Atailia), qu'il y a des divisions au sein de l'armée, et qu'il y a ceux qui sont avec le Président et ceux qui sont contre lui. Si ce n'était l'unité de l'armée, la situation aurait empiré et on aurait eu une guerre civile». «L'important est que l'armée aurait pu se diviser s'il y avait eu multipartisme».

 

 

Avec le temps, «L'Algérie influera sur le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie. Si ces pays sortent du giron de la francophonie, cela signifie que d'autres suivront, comme le Sénégal et autres», déclare M. Benaouda. Cette violente attaque d'un dirigeant nationaliste n'est pas la seule. Au niveau officiel, l'ambassadeur de France à Alger, M. Bernard Bochet, a été convoqué le 12 octobre, deux jours après la fin des émeutes, au Ministère des Affaires Etrangères, où on lui a exprimé «les vives protestations»du gouvernement algérien, à la suite d'une déclaration faite auparavant par un membre du Gouvernement français. M. Jacques Pelletier, ministre français de la coopération, avait déclaré que le discours du Président Chadli du 10 octobre n'était pas «très motivant pour la jeunesse» algérienne, et ne constituait pas «un élément d'apaisement du conflit». «C'est l'intégrisme», avait dit M. Pelletier.

 

 

Cette déclaration de M. Pelletier, qui reprend les clichés traditionnels sur l'Algérie, est, selon l'APS, «considérée inadmissible et constitue une ingérence intolérable dans les affaires intérieures du pays. L'attention (de l'ambassadeur de France) a été attirée sur la gravité de cette déclaration qui, au delà du jugement de valeur inacceptable qu'elle porte sur les affaires nationales, donne matière à interrogation sur ses véritables intentions, à un moment où l'ordre des choses reprend» L'ambassadeur d'Algérie en France, M.Messaoud Ait-Chaalal, effectue de son côté des démarches similaires de protestation auprès du Ministère français des Affaires étrangères.

 

 

La presse algérienne s'est elle aussi déchaînée contre la France , particulièrement contre la presse française, qui a assuré une très grande couverture des événements d'octobre. Manipulation ? Oui, disent les journaux algériens. La presse française obéit à un plan précis. Lequel ? Des exemples, nombreux, de fausses informations sont cités, comme la mort du Général Atailia, annoncée par une télévision française, ou les incidents de Tizi Ouzou, qui n'ont pas fait de victimes alors que la presse française a annoncé des morts.

 

 

AI-Chaab écrit ainsi le 12 octobre, dans un violent et long réquisitoire, que «Les événements destructeurs d'octobre étaient une occasion en or pour les médias occidentaux, tout particulièrement français, pour les grossir à leur manière quand ils n'en ont pas simplement inventé. ( ... ). Tous ces médias se sont accordés à jeter l'huile sur le feu, à se lamenter sur l'avenir de l'Algérie, et à penser que la pauvre Algérie était finie. Ces médias occidentaux, et surtout français, ont été unanimes à montrer que la vie et l'édification de l'Algérie s'étaient arrêtées, qu'il n'y avait plus que sang, massacre, anarchie et troubles, tout cela sur des dizaines de photos, des quantités de pages, comme pour indiquer que la question algérienne était devenue essentielle, et que l'Algérie défaillait, avait besoin de paternité ou de tutelle. La plupart des média français ont dit la même chose, à savoir qu'il y a au moins trois facteurs incontournables : l'histoire, la géographie et la communauté algérienne en France. Par conséquent, les événements que connaît l'Algérie concernent directement la France.

 

 

«Selon cette présentation des choses, il est visible qu'existe un «sentiment d'amitié» à notre égard, et une mentalité de tutelle que la presse française s'obstine à conserver comme si l'Algérie était encore une colonie. Pourquoi l'Algérie intéresse-t-elle la France seulement quand elle est en difficulté ? N'y a-t-il pas là une tentative de faire revivre les ambitions et revenir au passé ?

 

 

«Toutes les informations n'ont visé qu'un seul objectif l'exagération des faits et l'alarmisme aux fins de nourrir les troubles et généraliser l'anarchie. L'AFP par exemple a diffusé des nouvelles plus d'une heure avant qu'elles ne se produisent (Il s'agit probablement d'une information annonçant le couvre-feu, donnée par l'AFP le 6 octobre dans l'après-midi, interprétant l'appel de la télévision invitant la population à rentrer chez elle comme un couvre-feu, qui a été décrété ensuite). Est-ce que, se demande-t-on, les journalistes français venus ici ont participé aux actes de vandalisme 9 Sûrement non. Mais d'où tiraient-ils leurs informations, et comment avaient-ils prévu les événements ? Nous disons tout simplement que la presse française, «impartiale et objective», travaille en coordination avec les services de renseignements, et bien sur, nous savons tous qui se tient derrière ces organisations qui ont fabriqué l'événement et l'information.

 

 

Le journal Libération a consacré sa première page à l'Algérie, sous le titre «l'Algérie à feu et à sang». Il est facile d'en déduire qu'une telle présentation reflétait que les services étaient prêts à considérer, sinon espéraient, un séisme politique, économique et social en Algérie. Tout cela allait de pair avec la déception d'avoir perdu l'Algérie et l'ambition d'une tutelle sur le peuple algérien.

 

 

«Même les responsables français de différentes tendances n'ont pas laissé passer l'occasion. M. Michel Jobert, ancien Ministre des Affaires Etrangères, a déclaré que l'Algérie et sa jeunesse sont sans avenir. D'autres responsables sont allés jusqu'à dire que la colonisation vaut mieux pour le peuple algérien que le FLN. Cela se passe de commentaire.

 

 

«La question n'est pas de réagir contre les médias français et les occidentaux, qui cherchent à faire leur «devoir». Mais le recours à l'alarmisme et à l'exagération, les larmes de crocodile, la distribution d'une «sympathie», tout cela gratuitement à notre égard, conduit à nous interroger sur ce qui se cache derrière cette hystérie médiatique. Il y a sans aucun doute une ferme volonté les réalisations du peuple algérien, par la déstabilisation, grâce à des agents à l'intérieur qui tentent d'affamer le peuple algérien et de faire régner une situation de tension dans le pays.

 

 

«La mort d'Algériens ne préoccupe pas ces trompettes, qui ne cherchent qu'à plonger l'Algérie dans l'anarchie et la guerre civile», conclut Abdelaziz Laayoune, auteur de cet article, intitulé : «hystérie des médias français... et espoirs déçus»

 

 

L'accusation est nette, sans ambages : la presse française est manipulée par les services de renseignements, qui orchestrent cette campagne contre l'Algérie.

 

 

Quant à Sélim Kalala, se référant au Coran, il partage l'Algérie en deux, le 24 novembre dans Achaab : «le bon arbre», qui est celui «des enfants de l'Algérie», et le mauvais, celui des «enfants de la France » qui, «depuis des siècles, continuent de sucer le sang du peuple pour le revendre au prix le plus bas. Ils ont permis à l'ennemi de le massacrer, ils lui ont préparé le chemin, ils l'ont aidé et soutenu, espérant déraciner le bon arbre et le remplacer par le malin. Ils pensaient que le peuple algérien abandonnerait alors les ressources de la civilisation arabo-islamique pour celles de la civilisation occidentale matérialiste, et ainsi s'enracinerait l'arbre».

 

 

Qui est «Hizb França» ?

 

 

Cet article accuse explicitement une catégorie d'Algériens, dont les communistes et les libéraux, d'être des «enfants de la France ».

 

 

«Les enfants de l'Algérie se formaient au sein de l'association des Ouléma ou du PPA, tandis que les «enfants de la France » se formaient dans les rangs des assimilationnistes et les communistes.

 

 

«( ... ) Quand la révolution a éclaté, «les enfants de l'Algérie» se formèrent dans les montagnes et les vallées, et militèrent au sein du peuple, alors que les «enfants de la France » se formaient dans les écoles que De Gaulle et ceux qui vinrent après lui avaient créées pour former les promotions successives qui devaient s'emparer des hauts postes dans les administrations et les ministères.

 

 

«Les mêmes clivages demeurent aujourd'hui:

 

 

«Les enfants de l'Algérie défendent leur religion, leur langue, leur personnalité et leur appartenance civilisationnelle. Les «enfants de la France » défendent partout la langue française, les modèles politico-économiques occidentaux.

 

 

«Les enfants de l'Algérie sont fiers de l'Emir (Abdelkader), d'Ibn Badis, et de tous ceux qui ont défendu leur appartenance à leur Nation et agi pour la soustraire au despotisme occidental. Les «enfants de la France » sont fiers de Bentoumi (militant de l'assimilation au début du siècle), de Bigeard et de tous ceux qui prônent l'Algérie française.

 

 

«( ... ) Il est possible, mieux encore, il est de notre devoir de considérer l'histoire sous une nouvelle approche méthodologique afin de mieux comprendre nos réalités actuelles et les affronter. Il s'agit, soit d'appliquer le clivage révolutionnaires-réactionnaires selon la méthodologie occidentale, soit le clivage enfants authentiques-enfants d'autrui. Par tout ce qui précède, nous voulions démontrer que cette division en réactionnaires et révolutionnaires n'est qu'une tentative d'occulter toute approche civilisationnelle de notre histoire, de nous camoufler la vérité en quelque sorte. Les enfants du pays qui n'adoptent pas les idéologies occidentales deviennent réactionnaires, traditionnalistes, réformistes et les enfants de la France qui les adoptent deviennent révolutionnaires, que ces idéologies soient de gauche ou de droite. Tout cela pour empêcher de faire distinguo réel dans les rangs de notre société et trouver la vraie voie.

 

 

«Par tout ce qui précède, on peut conclure que depuis des siècles et jusqu'à nos jours, il y a en Algérie deux catégories de gens : ceux qui sont avec elles, fidèles à sa religion, sa langue et sa civilisation, et ceux qui sont contre elles, contre sa religion, sa langue et sa civilisation, même s'ils changent d'aspect et d'apparence».

 

 

Ces longs développements extraits d'Achaab sont nécessaires pour exposer les thèses de ce courant qui se revendique de l'authenticité, et qui est le principal, sinon le seul auteur des attaques contre «Hizb França». Son idéologie se base sur l'appartenance arabo-islamique, sans distinction entre classes sociales. B place les Communistes sur le même plan que les libéraux, et quand il s'attaque aux inégalités sociales, il les dénonce en assimilant les riches à «Hizb França» et les pauvres aux «bons algériens». Son analyse se base exclusivement sur des critères moraux (le bien et le mal), et non sur des critères socio-politiques et économiques.

 

 

Ce langage populiste a de l'effet sur le grand public, qui assimile lui aussi la richesse à l'occidentalisation, comme l'atteste le foisonnement de tout un vocabulaire sociologique et clichés qui reflètent partiellement cet état de fait : le «tchitchi» est le fils d'un haut responsable, il est scolarisé à Descartes, parle français, roule en moto ou en «Golf», fête le réveillon et la Noël , passe ses vacances en France, fait ses courses à Marseille, habite une villa sur les hauteurs, de préférence à Hydra, a des mours occidentales, les filles ont des relations sexuelles dès leur jeune âge, etc... Par opposition, le «bouhi», fils du peuple, prend le bus, habite un appartement exigu et sur peuplé, ne connaît pas le français, etc...

 

 

Si les clichés sont parfois fondés, ils ne rendent pas compte d'une situation sociale complexe et très différente : les riches ne se recrutent pas dans les seuls milieux francophones, bien au contraire, et de nombreux gros propriétaires terriens ou industriels ont combattu des mesures sociales au nom de l'Islam. En outre, cette analyse exclut de fait une partie de la population algérienne victime de l'histoire, née en France, et qui s'est trouvée de fait dans l'environnement français. Nombre de jeunes émigrés sont rentrés en Algérie pour affronter un monde auquel ils n'étaient pas préparés, et ont réussi à s'intégrer, malgré les préjugés et un climat hostile. D'autres par contre ont rapidement abandonné, sous la pression de ce climat d'exclusion.

 

 

Toujours dans ce chapitre, on note le silence des médias lorsqu'un accord a été conclu entre l'Algérie et la France pour que le service militaire accompli dans l'un des deux pays soit considéré valable dans l'autre. Pourtant, cette mesure qui concerne des dizaines de milliers de personnes, et qui a trait directement à des affaires de défense, est autrement plus délicate que les 1.200 enfants scolarisés à Descartes ou les quelques dizaines d'enfants issus de couples mixtes qui ont suscité un énorme battage médiatique. Cette mesure concerne essentiellement les émigrés. Il est impossible d'avoir le nombre de ceux qui ont effectué leur service national en Algérie, dont la durée est plus longue qu'en France.

 

 

Les victimes de ces attaques contre «Hizb França» sont finalement plus algériennes que françaises, car les intérêts de la France , comme ceux des Etat-Unis et d'autres puissances, sont d'abord économiques, avec ensuite leurs répercussions politiques et culturelles : quand l'Algérie avait des revenus pétroliers élevés, elle pouvait rejeter toutes formes de pression extérieure, alors qu'aujourd'hui, quoiqu'en disent les responsables, elle doit composer avec ses créanciers, y compris français.

 

 

A qui profite le crime ?

 

 

Y a-t-il eu, à posteriori, une campagne contre ce «Parti de la France », en riposte à des ingérences, ou éventuellement, une action directe de la France dans les événements, comme l'affirme la presse ?

 

 

Il est évident que la France a suivi attentivement les événements d'Algérie et leur évolution. L'absence de réaction officielle française, comme l'a dit le Premier ministre français, M. Michel Rocard, peut constituer en elle-même une indication. «Le silence peut avoir plus de signification que certaines déclarations».

 

 

Mais ce que l'analyste constate, c'est que l'Algérie était, en octobre, à la veille d'échéances politiques capitales, et ,le conflit interne qui se dessinait pouvait avoir des répercussions importantes sur le plan interne et international. C'est l'analyse de ces implications, et des intérêts de chaque partie ou pays intéressé, qui peut donner des indications sur le rôle éventuel des puissances étrangères. Selon la célèbre formule, «à qui profite le crime ?».

 

 

La France a de nombreux intérêts politiques, économiques, culturels et de géopolitique à défendre en Algérie, comme on l'a vu. Elle a aussi d'autres intérêts à mettre en place. Les grands projets que compte lancer l'Algérie (télécommunications, sidérurgie, industrie automobile, agro-alimentaire, habitat) offrent des possibilités énormes pour les entreprises françaises à la recherche de débouchés. La perspective d'édification du Maghreb peut encore renforcer l'ampleur de ces intérêts, en offrant une possibilité d'ouverture du marché algérien. Le Maghreb peut en effet offrir un moyen de contourner le verrou législatif qui protège le marché algérien : une société à capitaux français installée au Maroc pourrait investir en Algérie, mais ses bénéfices iraient à la société mère française, ou américaine, etc...

 

 

D'autres impératifs entrent aussi en ligne de compte. L'Algérie n'a pas les moyens financiers pour lancer ces grands projets. Pour des recettes de 41 milliards de dinars rapportés par les hydrocarbures en 1988, elle a remboursé 43 milliards au titre du service de la dette. Les autres revenus ne peuvent pas combler ce déficit et financer les importations à caractère social, les matières premières et produits semi-finis pour faire tourner les usines et les produits de large consommation. Le marché algérien est donc ouvert, mais à celui qui peut offrir les meilleures conditions.

 

 

Paradoxalement, dans cette situation, se rejoignent objectivement en Algérie deux courants que tout oppose apparemment : les «nationalistes», partisans du maintien à tout prix d'une position équilibrée envers les puissances extérieures, et ceux qui sont qualifiés de «parti de la France ». Ces derniers qui ont parfois des intérêts économiques à défendre, veulent renforcer la coopération avec la France , tout comme les premiers, qui veulent maintenir l'Algérie dans une position d'équilibre et sont partisans d'un renforcement de la coopération des «puissances intermédiaires», comme la France , la RFA ou l'Italie, en gros l'Europe occidentale, pour éviter de tomber sous la coupe des Etats-Unis. La France étant le chef de file de cette alternative aux superpuissances, ils veulent en faire un partenaire privilégié, en attendant la construction de l'Europe, qui ouvrirait les autres frontières.

 

 

La France avait donc à défendre tout cela. Peut-on, à partir de là, dire que c'est de Paris qu'ont été suscités les troubles, avec des complicités intérieures ?

 

 

Un «Hizb» en cache un autre

 

 

Les événements d'octobre ont eu quatre répercussions directes et immédiates sur le plan international : le report sine-die des démarches unitaires avec la Libye , le ralentissement du rapprochement inter-maghrébin, la mise en veilleuse du conflit du Sahara occidental, et la tenue à Alger d'un Conseil National palestinien qui a reconnu la résolution 242 du Conseil de sécurité, avec la caution de l'Algérie.

 

 

Dans son discours du 19 septembre, le Président Chadli Bendjedid avait annoncé que des «débats populaires» sur «l'oeuvre unitaire entre l'Algérie et la Jamahyria Arabe Libyenne» devaient être lancés à partir du 20 septembre dans les deux pays, au sein de «la base militante (du FLN) et populaire». Cette déclaration confirmait les bruits qui circulaient alors sur l'existence d'un document en vue d'une union entre les deux pays, rendu public en septembre.

 

 

Ce projet prévoyait la création d'une «Union des Etats du Maghreb arabe», qui possède «les attributs majeurs d'un Etat fédéral : un emblème, une devise et un hymne». La langue arabe sera la langue officielle et l'Islam, la religion de l'Etat de l'Union, la loi islamique constituant «une des sources fondamentales de la législation».

 

 

L'Union sera dirigée par un «Conseil présidentiel fédéral», instance politique suprême, avec la direction collégiale et présidence tournante. Ce conseil sera composé des chefs d'Etat et de membres du parti du FLN algérien et des comités révolutionnaires libyen. Le «gouvernement» de l'Etat de l'Union sera un «Conseil exécutif fédéral» désigné par le Conseil présidentiel.

 

 

Sur le plan législatif, l'Union sera dotée d'une «Assemblée populaire nationale fédérale» avec un mandat de cinq ans, les membres étant désignés suivant le système propre à chaque pays. Enfin, une «cour suprême fédérale» ou «haute cour de l'Union» arbitrera les litiges d'ordre constitutionnel fédéraux ou des Etats membres.

 

 

En ce qui concerne la défense, le projet prévoit un «commandement militaire commun des forces armées», et «un plan de préservation de la sécurité des territoires de l'Union». Une «coordination» est prévue pour les affaires internationales, mais chaque pays conservera «la personnalité internationale» et la maîtrise de sa diplomatie.

 

 

Sur le plan économique, il est question «d'unification des -systèmes économiques et financiers, d'unification des politiques économiques» et de mise en place d'une industrie stratégique des industries lourdes et pétrochimiques».

 

 

L'avant-projet de l'Union algéro-libyenne s'assigne aussi, en préambule, un certain nombre d'objectifs, comme la réalisation, de l'unité intégrale» entre les deux pays, la réalisation du Maghreb arabe «en tant que noyau de l'unité arabe globale», la réalisation de l'unité arabe, l'édification d'une société «démocratique, populaire, socialiste, d'où seraient bannies toutes formes d'exploitation».

 

 

Enfin le projet stipule, comme son intitulé d'«Union des Etats du Maghreb arabe» l'indique, que cette union à deux n'est pas limitative, mais ouverte à tous les Etats arabes acceptant les dispositions de la Constitution.

 

 

La publication de ce document n'avait pas créé réellement de surprise à cette époque, car l'Union entre les deux pays était régulièrement revenue à l'ordre du jour. En juin 87, le Colonel Kadhafi avait effectué une visite à Alger, qui coïncidait avec une session du Comité central du FLN dont la résolution finale, publiée deux semaines plus tard, appelait à lancer des «débats populaires» sur l'unité entre les deux pays à partir de septembre 87. Cette résolution devait cependant rester lettre morte. Des explications avaient été avancées alors, notamment dans la presse internationale, selon lesquelles une frange de l'appareil du Parti avait promis au Colonel Kadhafi qu'il Pourrait s'adresser au Comité central. Ainsi, le leader de la révolution libyenne pourrait«forcer la main» aux dirigeants algériens en vue de les amener à lancer une action unitaire avec la Libye , rejetée à l'époque par une partie du pouvoir, qui voulait maintenir toutes les perspectives ouvertes en vue des tractations inter-maghrébines qui s'annonçaient.

 

 

Ensuite, en février 88, à l'occasion de la commémoration du bombardement de Sakiet-Sidi-Youssef, le Colonel Kadhafi repartait à l'assaut, déclarant notamment, dans une interview à l'AFP, qu'il existait déjà «un accord pour l'union entre l'Algérie et la Libye sous la forme d'un Etat unitaire (Doula Ittihadia), avec un seul pouvoir territorial ».

 

 

Cette déclaration du Colonel Kadhafi semblait alors aller à contre-courant des efforts qui étaient menés pour intégrer la Libye au sein du «Traité de fraternité et de concorde» (Algérie, Tunisie, Mauritanie). Les efforts algériens en ce sens butaient sur l'opposition de la Tunisie , soucieuse d'éviter un isolement total du Maroc sur le plan maghrébin, et de préserver aussi les démarches qui allaient suivre pour une action collective qui engloberait tous les pays maghrébins.

 

 

Qui a intérêt à s'opposer à une union entre l'Algérie et la Libye. A de nombreuses occasions, des hauts responsables américains ont exprimé leurs inquiétudes face au «rapprochement » algéro-libyen. En février 88, le Washington Post allait jusqu'à déformer les propos du Président Chadli. Le chef de l'Etat avait plaidé pour l'intégration maghrébine, alors que, selon le Washington Post, il aurait déclaré que l'intégration de la Libye au sein du Maghreb vise à éviter qu'elle ne tombe sous la coupe de l'Union soviétique.

 

 

Les Etats-Unis ont aussi provoqué la Libye à de nombreuses reprises, bombardé Tripoli et Benghazi. Le 4 janvier 89, trois mois après les événements d'octobre, deux avions libyens sont abattus par des missiles américains, après une campagne de presse selon laquelle Tripoli s'apprête à produire des armes chimiques. Le Ministre algérien de la Santé , le Pr. Abdelhamid Aberkane, s'était rendu pourtant à Tripoli une semaine plus tot pour visiter l'usine incriminée, et déclarait qu'il s'agit d'une entreprise de produits pharmaceutiques.

 

 

Ces incidents avaient connu un précédent le 19 août 1981, lorsque deux autres avions libyens avaient été abattus par la chasse américaine. Us font partie d'une série d'actions lancées par les Etats Unis contre la Libye , sous différents prétextes : Le Golfe de Syrie ne fait pas partie des eaux territoriales libyennes, Tripoli soutient le terrorisme, ou constitue une menace par l'armement qu'elle veut produire. C'est en fait une véritable guerre d'usure lancée par le champion du «monde libre» contre le seul état arabe radicalement opposé à la politique américaine dans le monde arabe.

 

 

L'Union entre l'Algérie et la Libye constituait ainsi un enjeu très important pour la région. Un bloc formé des deux pays, dans la perspective de l'édification du Maghreb, peut en effet constituer une «locomotive», à l'image de ce que représentent la RFA et la France pour l'Europe. Ce «bloc-locomotive» peut donner au futur ensemble maghrébin une orientation anti-impérialiste prononcée : la Libye cherche des alliances pour rompre son isolement et renforcer ses positions, et l'Algérie, confrontée à de sérieuses difficultés financières, pourrait affermir ses positions face aux pays occidentaux grâce à un appui financier de la Libye. Qui a intérêt à contrecarrer cette démarche ?

 

 

Le Maghreb lui-même est un enjeu important dans la stratégie géopolitique des grandes puissances, comme on l'a vu plus haut. L'accélération des démarches en vue de l'édification maghrébine, avec la réunion des commissions sectorielles et de la grande commission mixte à Alger, puis à Rabat (après les événements d'octobre) a déjà permis d'élaborer les premiers documents du futur ensemble maghrébin. Sur ce, est intervenue l'annonce de l'Union entre l'Algérie et la Libye. Constituait-elle un danger pour ceux qui voulaient un Maghreb raisonnable et pro-occidental ? En tout état de cause, l'Algérie s'était trouvée en octobre sur deux fronts en même temps : mener à son terme l'union avec la Libye , et poursuivre les démarches pour la construction maghrébine. Or, la construction du Maghreb butait sur l'obstacle du conflit du Sahara Occidental, et la multitude des problèmes politiques et économiques, alors que l'Union avec la Libye pouvait être menée à un rythme rapide, et se réaliser avant le Maghreb, sur lequel elle pouvait influer, en lui donnant éventuellement une orientation plus ou moins radicale. Qui peut y voir un danger ?

 

 

Une union algéro-libyenne peut aussi constituer un nouvel atout en faveur du Front Polisario, qui bénéficie déjà du soutien de l'Algérie, mais plus de celui de la Libye. Tripoli avait en effet mis fin à toute son aide militaire et financière au Polisario à la suite de la signature du traité d'Union. d'Etats marocco-libyen d'août 84. Un Sahara Occidental libre, sous la conduite du Polisario, se joindrait naturellement à un ensemble algéro-libyen. Ceci constituerait une menace pour ceux qui veulent un Maghreb «modéré» et «équilibré». Qui y voit une menace ?

 

 

Une «punition» ?

 

 

Si on adopte la thèse de la manipulation extérieure, une question se pose : qui est en mesure de mener un plan d'une telle envergure, avec la conjonction d'une série de faits qui n'ont apparemment aucun lien entre eux, mais qui constituent une véritable toile d'araignée ?

 

 

Fin 1985, le prix du pétrole chute, à cause de l'action de l'Arabie Saoudite, qui avait déclenché «la guerre des prix». L'Algérie est frappée de plein fouet par le brutal rétrécissement de ses entrées en devises. Les responsables, dont M. Abdelhamid Brahimi, qui avait fait ses études aux Etats Unis, disent dans un premier temps que l'Algérie est épargnée, grâce aux mesures qu'elle a prises. Pourtant la situation s'aggrave, et l'Algérie se trouve, fin 88, confrontée à de sérieuses difficultés financières. Elle est pratiquement en état de cessation de paiements.

 

 

Pourtant, malgré ce coup que représente la baisse de ses revenus, l'Algérie maintient ses positions politiques indépendantes. Mieux, elle réussit à aider à réunifier l'OLP en avril 87, ce qui insuffle à la résistance palestinienne un nouvel élan, avec pour résultat l'Intifadha, dans les territoires occupés.

 

 

Lorsque l'Intifadha atteint son rythme de croisière, l'Algérie parvient à réunir, en juin 88, un sommet arabe extraordinaire consacré exclusivement à la question palestinienne. Le sommet se tient malgré les pressions américaines : quelques jours après le discours du Président Chadli, en février 88, dans lequel il appelait à la tenue de ce sommet, le général Vernon Walters, spécialiste du Maghreb, arrive à Alger. Son message est clair : les Etats Unis ne veulent pas de sommet arabe. Les pays du Golfe, proches des Etats Unis hésitent. Ils sont mis devant le fait accompli : l'Algérie convoque le sommet pour le 7 juin, forçant ainsi la main aux autres pays arabes.

 

 

Aucun pays ne peut se désister, et le sommet parvient à des résultats politiques très importants : c'est là que le désengagement de la Jordanie envers les Territoires occupés est décidé, offrant à l'OLP la possibilité de proclamer l'Etat palestinien sur un territoire qui n'est pas israélien, et n'est plus jordanien sur le plan juridique.

 

 

Forts de ces résultats, et de la poursuite de l'Intifadha, les dirigeants palestiniens décident, en août, de tenir une réunion extraordinaire du CNP, consacrée à la proclamation de l'Etat palestinien. L'Algérie accepte naturellement d'abriter ce CNP, qui ne peut déboucher que sur des résultats positifs pour l'OLP, qui a alors le vent en poupe, grâce à deux facteurs : l'Intifadha et le consensus arabe.

 

 

Sur ces entrefaits, surviennent les événements 8 octobre. Un mois plus tard, le CNP proclame l'Etat palestinien, à Alger. Deux fait méritent d'être soulignés : quelques mois auparavant, M. Messaadia avait déclaré à un journal du Golfe qu'il était contre la tenue d'une conférence internationale de paix sur le Proche-Orient, qui signifierait une reconnaissance de fait d'Israël. Le 15 novembre, le CNP reconnaît la résolution 242 du Conseil de sécurité, qui considère les Palestiniens comme des réfugiés, et ceci avec la bénédiction de l'Algérie. Comment en est-on arrivé là ? Comment expliquer cette évolution ? S'il y a une ingérence extérieure dans les événements d'octobre, au profit de qui s'est-elle traduite dans les faits ? La presse algérienne a présenté le CNP comme un succès, occultant ce volet relatif à la résolution 242. Un journaliste de la télévision, interviewant M. Georges Habbache, secrétaire général du Front Populaire de Libération de la Palestine (FPLP) lors du CNP, lui à même reproché «l'intransigeance» de son organisation.

 

 

Après les événements, l'Arabie Saoudite aurait versé plusieurs centaines de millions de dollars à l'Algérie. Il s'agit même, plus probablement, de sommes dépassant le milliard de dollars. On peut aussi citer la réunion extraordinaire du Conseil des Ministres saoudiens, consacrée aux événements d'octobre. Des navettes de camions frigorifiques ont de leur côté franchi la frontière marocaine pour ramener des produits alimentaires, selon l'AFP Qui a payé ?

 

 

Retour (Octobre 88)

 

 

algeria-watch

 

 

El Hadi Khediri
Le syndrome de la capitale

 

 

Entretien réalisé par Sid Ahmed Semiane, Extrait de "Octobre, ils parlent", Editions Le Matin, Alger 1998, pp. 97-110

 

 

En octobre 88, El Hadi Khediri occupait la fonction de ministre de l'Intérieur. Limogé de son poste juste après la fin des émeutes, il opte comme tous les acteursclés de cette époque pour le silence après un passage discret au ministére des Transports. En retraite aujourd'hui, il accepte de nous livrer ses confidences.

 

 

J'étais ministre de l'Intérieur en octobre 88. Il y a ainsi des circonstances et des hasards qui font que l'homme se trouve devant des moments d'Histoire, car c'était un moment d'Histoire. Je n'ai jamais voulu être ministre de l'Intérieur. On me l'a imposé, alors j'ai assumé la responsabilité de la sécurité. Pourtant, et de tout temps en Algérie, cette mission incombait à la direction générale de la sûreté nationale. J'occupais d'ailleurs le poste de directeur de la sûreté nationale avant d'être appelé au ministère de l'Intérieur. Quelqu'un d'autre avait été nommé pour me succéder. Cependant, j'assume et j'accepte d'être responsable de la sécurité parce que j'étais ministre de l'Intérieur.

 

 

Octobre 88. Tout le monde croit que les événements ont éclaté le 5 alors que nous étions mobilisés depuis que, le 3 octobre, des perturbations s'étaient déclarées à El-Harrach. En outre, une grève générale avait été lancée un mois auparavant à Rouiba.

 

 

Ce mouvement était ponctué, de temps à autre, par des tentatives de marches sur la ville. Elles ont toutes été empêchées car laisser ces gens arriver jusqu'à la capitale risquait de perturber l'ordre public. Aussi, avions-nous veillé à les cantonner dans une certaine zone.

 

 

La police était donc déjà mobilisée bien que dispersée. Elle devait, en effet, faire face aux manifestations d'El-Harrach, à la grève de Rouiba et aux émeutes de Bab el-Oued qui avaient commencé le 4 octobre vers 18 heures.

 

 

Les jeunes s'étaient rassemblés à la sortie des lycées et l'émeute avait embrasé tout Bab el-Oued. La police, par son intervention, essayait de circonscrire le mouvement à ce quartier, connaissant la gravité de toute manifestation qui gagne le centre-ville d'une capitale. Celles qui se déroulent dans une capitale sont d'ailleurs perçues différemment ; elles sont plus importantes.

 

 

Le président Chadli a été mis au courant. Il l'a tout le temps été. Tout le monde l'était. J'avais, avec le président, des rapports de travail normaux. Nous travaillions en équipe avec lui et notre équipe était constamment en rapport avec lui.

 

 

Les services de la présidence, de l'intérieur, de la DGSN et les services spécialisés se sont ainsi tous mobilisés et se sont entraidés pour essayer de contenir les manifestations de Bab el-Oued et d'ElHarrach et de les empêcher de s'étendre au centre-ville. A minuit, celles de Bab et-Oued s'étaient aggravées mais nous avions réussi à limiter les mouvements à ce quartier et à celui d'El-Harrach en déployant toutes les unités d'intervention et en maintenant ce dispositif jusqu'au matin du 5. Nous ne possédions, à ce moment, plus de réserves et les unités déjà sur le terrain étaient épuisées...

 

 

Nous ne disposions plus d'hommes ni de matériel. D'ailleurs, la police n'avait été ni formée ni équipée en prévision de manifestations quotidiennes. La police algérienne était chargée de maintenir l'ordre, la sécurité publique, de mener des enquêtes administratives, sans plus.

 

 

On pensait que l'Algérie n'avait pas besoin de former une police anti-émeute, qu'elle n'aurait pas à affronter des manifestations quotidiennes.

 

 

Les gens se demandent pourquoi elle n'avait pas usé de matériaux spéciaux pour faire reculer les manifestants. La raison est qu'elle n'en possédait pas. Elle n'était pas équipée en balles en caoutchouc. Moi-même n'en voyais pas la nécessité car je considérais que la police avait des missions autres.

 

 

LA HAINE DE LA POLICE , DU POUVOIR

 

 

Les événements d'octobre nous ont dépassés car les manifestations du 4 se sont poursuivies les 5 et 6. Les manifestations du 5 ont été particulièrement importantes. A partir de douze heures, des manifestations sporadiques de jeunes se sont déclarées dans tout Alger. Les manifestants s'attaquaient, curieusement, aux commissariats de police, aux aswak, etc. Leurs objectifs étaient assez précis. C'était le ras-le-bol...

 

 

... Mais aussi, je ne sais pas pourquoi, la haine du policier. Ces actes traduisaient peut-être la haine du pouvoir. Le policier ne représentait-il pas le pouvoir ?

 

 

En fait, il en était le symbole. Je voulais le dire car on a vulgairement laissé entendre que la police avait laissé faire. On a même parlé de complicité, de complicité avec des gens qui étaient contre nous et qui visaient essentiellement la police !

 

 

C'était pour cette autre raison que la police était dispersée. Nous étions obligés de poster des unités aux abords de chaque commissariat ce qui nous a empêchés, peut-être, de ne pas défendre assez les institutions de l'Etat et ses démembrements. Les établissements privés n'ont pas été attaqués. C'était curieux.

 

 

Etait-ce le ras-le-bol ou la haine contre le pouvoir ? Possible. De sentir que le mouvement était dirigé contre le pouvoir m'a bouleversé. Je représentais le pouvoir et lui ai consacré toute ma carrière pour m'apercevoir, un matin, que l'on nourrissait toute cette haine à notre égard... c'était pénible. C'était pénible pour moi et j'en ai été, personnellement, affecté, très affecté.

 

 

Nous avons donc essayé de faire face aux manifestants avec les moyens dont nous disposions mais ce qu'on disait est vrai : la police était dépassée. Cela, et là-dessus je suis clair, justifie l'intervention de l'armée.

 

 

L'INTERVENTION DE L'ARMÉE ET LA CAPITALE

 

 

Il y a certes eu des manifestations importantes au cours des années 60 dans d'autres capitales du monde. Mais elles n'ont pas charrié autant d'émotion. La police a donc fait face jusqu'à leur essoufflement.

 

 

A Alger, le syndrome de la capitale s'était développé. On serait certainement parvenu à contenir les manifestations avec les seules forces de police. Mais cela aurait requis beaucoup de temps et se serait produit après beaucoup de casse.

 

 

Le syndrome de la capitale avait provoqué une grande émotion chez le président et chez les autorités supérieures. Chacun était, comme moi, ému devant ces jeunes qui criaient dans la rue leur haine du pouvoir. Car il est clair que les slogans étaient contre le pouvoir.

 

 

Les slogans nous avaient tirés de notre sommeil. Nous entretenions la conviction que nous faisions du bien pour le pays et ces événements ont tout remis en cause...

 

 

Nous avions géré d'autres manifestations, celles de Sétif, de Constantine, de Tizi et celle que tout le monde oublie, la Casbah en 1986. Elle avait duré des nuits entières mais nous avions pu la contenir, Celle de Constantine avait vite été jugulée, elle était limitée au milieu estudiantin.

 

 

J'étais alors à la DGSN et je me rappelle que les événements de Constantine avaient commencé par des revendications d'ordre estudiantin. Je dirigeais directement les opérations à partir de la DGSN et on avait reçu l'ordre de bloquer la marche que les étudiants avaient entreprise sur Constantine.

 

 

Nous avions donc empêché la marche sans provoquer aucun décès. Il a été prouvé, plus tard, que le seul étudiant mort lors de l'affrontement des marcheurs avec les forces de l'ordre, avait succombé à une crise cardiaque. La police n'avait pas tiré.

 

 

A Sétif, c'était autre chose. C'était le ras-le-bol et la manifestation était dirigée essentiellement contre les autorités locales mais elle n'était pas importante. Trois personnes, malheureusement, ont été tuées par un commissaire. Il a paniqué devant l'assaut de la foule contre une institution. Il a été condamné par la justice et est toujours incarcéré.

 

 

J'en viens à présent à la manifestation qui m'a le plus marqué : le printemps berbère. Je dois dire, à ce propos, que la police n'est absolument pas responsable de son déclenchement. C'est toujours à elle qu'on demande de rétablir l'ordre public alors qu'elle n'est jamais responsable de sa perturbation.

 

 

La cause du printemps berbère se trouve ailleurs. Mouloud Mammeri avait donné une conférence à Constantine. Il se rendait à Tizi Ouzou où il projetait d'en donner une seconde. Mais l'administration lui a opposé un refus, d'où la grève des étudiants. L'université de Tizi Ouzou s'était alors transformée en centre d'opposition et de protestation et le pouvoir décida d'expulser les étudiants du campus. J'assume ma responsabilité dans cette opération. Nous y avons pris part et nous avons fait sortir les étudiants de l'université sans faire, heureusement, un seul mort.

 

 

C'est ainsi que la manifestation s'est déplacée vers le peuple et qu'elle a produit le printemps berbère. J'ai dirigé les opérations de rétablissement de l'ordre à partir d'Alger mais j'avais réussi, en dépit de l'éloignement, à stopper le mouvement au bout d'une semaine.

 

 

Je m'y rendais cependant de temps à autre. J'avais délégué la responsabilité de l'opération au chef de sûreté de la wilaya de Tizi Ouzou, qui était d'une grande compétence, ainsi qu'à des personnes que J'avais envoyées d'Alger. Nous étions en contact permanent. Mais l'essentiel était d'éviter toute effusion de sang car un mort nous aurait fait basculer dans un autre processus, surtout dans cette région. J'avais toujours prié Dieu pour que la paix soit préservée en Kabylie.

 

 

Nous y avons donc rétabli l'ordre au bout d'une semaine sans qu'il y ait un seul mort. Des rumeurs donnaient des bilans de trente et quarante morts, mais aujourd'hui, tous savent qu'il n'en est rien car la police avait été déployée comme lors des événements d'octobre. Elle n'était pas armée. Elle ne l'a jamais été ni pour les manifestations de Constantine, ni pour celles de Sétif, ni pour celles de Tizi Ouzou. Les unités d'intervention agissent sans armes.

 

 

Ce qui explique que la police ne possédait pas d'armes durant les événements d'octobre. C'est une ineptie de dire que les policiers ont été désarmés. Pourquoi ne l'avaient-ils alors pas été lors des événements de Constantine et de Sétif ?!

 

 

... En fait, la police d'intervention, les CNS appelés aussi CRS, n'a jamais été armée. Seul l'officier principal de chaque unité possède une arme. Seul lui est autorisé à procéder à des tirs de sommation. Les autres éléments n'interviennent qu'à l'aide de matraques et de bombes lacrymogènes.

 

 

Dire que la police a été désarmée procède du mensonge. Ce n'est qu'à partir de 1990-91 que l'on a songé sérieusement à former et à équiper la police en prévention de manifestations violentes. La police d'intervention est peut-être aujourd'hui équipée d'armes de poing eu égard aux circonstances actuelles. Je le concevrais parfaitement étant donné la conjoncture mais il n'y avait aucune raison d'armer les unités à l'époque dont nous parlons. Je croyais même que notre police était une police populaire. Je croyais sincèrement qu'elle était au service du peuple. Octobre a démontré que c'était faux, que nous avions commis de graves erreurs.

 

 

Octobre, c'est la haine des jeunes à l'égard de la police. J'avais intégré ce corps en 1965. Je peux donc dire que cette haine venait de loin. Elle venait de la police coloniale et le peuple algérien considère que notre police est une police coloniale et de répression pour laquelle il a instinctivement éprouvé de la haine.

 

 

Nous avions pourtant tout tenté pour la rendre populaire : émissions radiophoniques de vulgarisation du code de la route, organisation d'activités sportives dans les quartiers, etc. Nous avions relativement réussi à améliorer l'image de la police, mais cela restait insuffisant. Il manquait quelque chose. Une carence dont la police n'était toutefois pas l'unique responsable. Sans me justifier, je soulignerais qu'elle n'assurait pas seule la gestion du pays.

 

 

Je faisais moi-même partie intégrante de l'équipe du pouvoir et je ne savais pas que nous n'en faisions pas assez pour le peuple, et encore moins pour la résolution des problèmes de la jeunesse.

 

 

... Le sang appelle le sang. Je n'ai pu contenir les débordements à Sétif, lorsque les trois personnes ont été tuées, qu'en engageant un dialogue. Pendant une semaine, j'ai rendu visite, personnellement, aux familles des victimes et j'ai rencontré les notables de la ville. J'ai demandé pardon aux familles et obtenu réparation pour eux. C'est ainsi qu'on a pu enterrer les victimes dans le calme.

 

 

Les événements de Tizi Ouzou étaient particuliers et j'avais dit que si un seul mort devait tomber, il fallait qu'il soit dans les rangs de la police. Je garde d'ailleurs d'excellents rapports avec les responsables de Tizi Ouzou et mon bureau s'était transformé, lors des manifestations, en un espace de contacts au lieu d'un espace de répression.

 

 

Et puis franchement, qu'est-ce qu'un souk el-fellah comparé à une vie humaine ! Mais c'est vrai que des manifestations dans la capitale prennent une dimension différente... C'est là le siège des ambassades.

 

 

On porte toujours un regard différent sur la capitale et je comprends l'émotion des responsables et je comprends tous ceux qui ont expliqué que la police a été dépassée par les manifestations d'octobre. Elle n'a d'ailleurs pas été écartée mais aidée par l'intervention de l'armée, dans l'éradication des manifestations.

 

 

Toute intervention supplémentaire devenait nécessaire car il s'agissait de la capitale, symbole de l'Etat. Le Golf (siège de la présidence) n'était pas loin et les gens avaient des raisons de vouloir que les manifestations cessent rapidement.

 

 

En revanche, nous avions le temps à Tizi Ouzou et nous avions mis du temps pour y arrêter le mouvement. C'étaient pourtant des journées terribles durant lesquelles les policiers n'avaient cessé de subir des attaques.

 

 

... Mais le printemps berbère a eu cette particularité d'offrir des interlocuteurs. J'avais contacté Saïd Sadi, Chaker que j'ai connus par la suite et avec lesquels j'ai gardé d'excellentes relations.

 

 

Les interlocuteurs ne sont cependant pas toujours capables de contrôler les manifestants. Les débordements restent toujours possibles, preuve en est les récents événements de Kabylie, consécutifs à l'assassinat de Matoub Lounès.

 

 

Personne ne pouvait davantage contrôler les événements d'octobre. C'est une ineptie de prétendre que c'est une manipulation. Quand bien même c'était vrai, les manipulations ont été dépassées.

 

 

Les manifestations de Tizi Ouzou avaient dépassé tous les interlocuteurs que j'ai eus en face de moi ; des responsables de la JET aux anciens responsables de la wilaya.

 

 

Mais nous nous en sommes bien sortis après une semaine et heureusement sans morts. Heureusement que J'ai gardé de bons rapports avec les interlocuteurs à Tizi Ouzou car ils ont fait en sorte que les événements d'octobre ne s'étendent pas à toute la région.

 

 

Les grèves qui y sont survenues ont été maîtrisées... grâce à des interlocuteurs valables.

 

 

J'ai d'ailleurs été davantage marqué par les événements de Tizi Ouzou. Octobre ne m'a pas marqué. Octobre m'a ouvert les yeux. Il m'a brisé.

 

 

Nous avons pensé, durant trente ans, que nous étions un pouvoir révolutionnaire, une démocratie populaire, que nous étions en train de faire preuve d'ouverture. Du moins, avais-je tenté une ouverture par l'introduction d'une loi sur les associations et sur les droits de l'homme. J'étais sensible à cette dernière question.

 

 

Arrive octobre, et on nous dit que nous n'étions pas à la hauteur... et j'étais visé. Les autorités supérieures ou même « l'autorité » supérieure a complètement été brisée par les événements d'octobre. Elle n'avait jamais pensé que pareille chose pouvait survenir durant son mandat. Et tout ce qui en a découlé par la suite était le résultat d'un découragement extraordinaire.

 

 

J'insiste encore sur le fait que je n'ai jamais donné d'instruction pour désarmer la police. Je répète que la police d'intervention est désarmée. On a dit que la police a laissé faire. Comment auraitelle pu, alors qu'elle était attaquée, qu'elle était la cible première ?

 

 

Je me souviens qu'un journal avait écrit, au deuxième jour des événements, que la police s'était retirée, pensant à un complot. En fait, la police avait employé tous les moyens, tout au moins ce dont elle disposait.

 

 

Personne ne nous avait demandé de désarmer la police et personne ne nous avait demandé de nous retirer, même lorsque l'armée est intervenue.

 

 

Nous avions, au contraire, investi la rue ensemble. Nous avions déjà une expérience en commun puisque la police et l'armée avaient mené conjointement l'opération contre Bouyali. Elle avait duré deux ans.

 

 

OCTOBRE, ALI BENHADJ, LES ISLAMISTES ET LA GAUCHE

 

 

Ali Benhadj était connu de nos services depuis longtemps. Il prêchait à la mosquée Es-Souna et était sévèrement contrôlé, tout comme Abassi Madani. Nous avions déjà dû affronter une grande manifestation à la Fac centrale en 1981. Un autre précédent était celui du meurtre de l'étudiant Kamel Amzal à la fac de Ben Aknoun. Les islamistes existaient donc bel et bien.

 

 

Le terrain était ainsi favorable à Bouyali. Il avait trouvé une écoute. Je m'interroge d'ailleurs et me demande si la sensibilité de la population au discours de Bouyali ne traduisait pas déjà le rejet du pouvoir en place ? N'entendait-elle pas un langage différent qui lui donnait l'espoir d'une vie

 

 

meilleure dans l'Au-delà ? On ne devient pas islamistes, par vagues entières, du jour au lendemain. Tous les leaders étaient fichés. Pourtant, les constructions de mosquées se poursuivaient de plus belle. Les gens pratiquaient les rites musulmans avec davantage de ferveur et de plus en plus de gens accomplissaient le voyage à La Mecque.

 

 

Le phénomène était compréhensible et certains voulaient plaire à la population parce qu'elle allait dans cette voie. On avait reproché à des épouses de responsables de porter le hidjab. Ce n'était pas par conviction mais uniquement pour plaire à la population.

 

 

Je ne pense cependant pas que le pouvoir ait laissé faire les islamistes ou qu'il les ait utilisés contres les gauchistes. Inconsciemment peut-être. Les responsables avaient, peut-être, cette croyance qui les poussait à favoriser le courant islamiste. Mais employer l'islam contre la gauche, non, je ne le pense pas. Il y a certes eu l'histoire de l'arabisation. Elle avait créé une opposition entre les pour et les contre. Les arabisants avaient alors organisé une manifestation à la Fac centrale et on avait murmuré que le pouvoir les soutenait. C'était, peut-être, vrai.

 

 

LA BRÈCHE

 

 

Cela avait ouvert en tout cas une brèche aux islamistes. L'arabisation et ]'islam ne sont pas différents. Mais il serait faux aussi d'affirmer que l'arabisation est la cause de l'émergence de l'islamisme et de tout ce qui arrive.

 

 

De toute manière, je considérais que la gauche n'était pas dangereuse. Elle ne l'a jamais été et les services de sécurité la savaient non violente. C'est ainsi que j'ai appris à la percevoir.

 

 

La gauche, c'étaient les tracts et les critiques parfois constructives. Mais elle ne nous gênait pas énormément. C'était un mouvement, une sensibilité avec laquelle on avait d'ailleurs passé un pacte en 197 1. Depuis cette année, J'ai reçu instruction de cesser toute poursuite contre le PAGS et contre Abdelhamid Benzine à qui on avait délivré un passeport.

 

 

Boumediene désirait utiliser... non pas utiliser, mais faire participer les étudiants à la révolution agraire. La mise en ouvre de ce projet exigeait une force de la gauche et des troupes convaincues.

 

 

La lutte du pouvoir contre la gauche est réapparue plus tard avec l'apparition du mouvement ouvrier syndical et avec les grèves. On n'avait pas utilisé l'islam pour contrer la montée de la gauche. En tout cas, je ne l'ai jamais fait.

 

 

Je discutais et je dialoguais avec la gauche et de temps en temps je contactais les islamistes pour les mettre en garde contre les dépassements. Je vais ouvrir une parenthèse pour relater un fait. Bouiali était recherché par la police judiciaire en raison des prêches qu'il prononçait à El-Achour. Mais je l'ignorais. Prenant peur, il se réfugia chez les anciens moudjahidine, étant lui-même ancien moudjahid. Le secrétaire général de l'ONM d'alors, Hadj Yalaoui (aujourd'hui décédé), m'appelle pour intercéder en sa faveur. Il plaida le statut d'ancien moudjahid de Bouiali et déclara que la police exagérait.

 

 

C'est là un dilemme que je ne suis toujours pas arrivé à résoudre : la police exagère lorsqu'elle veut mettre de l'ordre et elle laisse faire lorsqu'elle ne met pas d'ordre. Mais comme je suis toujours disposé à dialoguer, j'ai offert à Hadj Yalaoui de le recevoir, en compagnie de Bouiali, dans mon bureau. L'entrevue devait cependant rester officieuse car, si Bouiali était appréhendé sur le chemin en se rendant à notre rendez-vous, il était évident que j'aurais nié notre arrangement. Je ne pouvais pas casser ma police.

 

 

C'est donc dissimulé sous une cachabia que Bouiali se rendit à mon bureau, entouré de Hadj Yalaoui, de Khali, en tout, douze responsables de l'ONM de Chéraga.

 

 

Au cours de notre entretien, Bouiali expliqua que son activité se limitait à la daâwa. Je lui garantis alors la liberté de prêche pour peu qu'il ne dépasse pas la ligne rouge de la violence.

 

 

Mais il la dépassa. Il fut le premier à la dépasser. Il a attaqué une école de police après tout cela... Moi qui l'ai reçu, qui ai pris un thé avec lui... Je lui avais même assuré que le directeur de la sûreté nationale possédait le Livre coranique... car il nous considérait comme des impies. Et il choisit la veille de l'Aïd pour attaquer une école de police qui n'était pas gardée du tout.

 

 

Dans mon esprit, cette école, que j'avais créée à Soumâa, devait donner de la vie au village. L'Installation de mille élèves dans ce petit village devait entraîner un essor extraordinaire.

 

 

Il n'y avait donc aucun dispositif autour de l'école. Elle n'était gardée que par un vieux, père de cinq enfants. lis l'ont tué et ont volé plus de trois cents armes et des munitions. C'étaient de vieilles armes destinées à l'entraînement, mais des armes quand même. Nous avons réussi à en récupérer la totalité mais cela prouve que quels que soient les accords que l'on passe avec les islamistes, ils ne s'en tiennent qu'à leur propre ligne directrice. Et je crois que ce constat est d'actualité.

 

 

LA RENCONTRE AVEC ALI BENHADJ

 

 

C'est un mensonge. Je ne l'ai jamais rencontré. Il a peut-être rencontré d'autres personnes que vous avez interwievées mais je l'ignorais alors. Pour moi, Ali Benhadj était un petit gamin qui prêchait à Es-Souna et que je surveillais très étroitement. Je l'avais vu une fois ou deux pour me rendre compte de ce qu'était ce phénomène. C'est au même titre que j'ai rencontré un certain El-Hadi Daoud qui activait à El-Achour. Il a été nommé ensuite imam de la mosquée de Marseille. Je l'avais donc rencontré avant les événements d'octobre, jamais pendant.

 

 

Je travaillais, avant les événements, à la DGSN. Je rencontrais le diable en tant que DGSN. Je voyais donc tout le monde pour essayer de comprendre. Je contrôlais Ali Benhadj très sévèrement bien que je n'aie Jamais eu à l'arrêter puisqu'il n'avait rien commis d'illégal. Et je ne voulais pas l'arrêter pour ne pas faire dans la provocation. Mais je n'ai jamais rencontré Ali BenhadJ durant les événements d'octobre.

 

 

Un mouvement islamiste curieux a eu lieu : la marche de Belcourt jusqu'à la mosquée Es-Souna de Bab el-Oued au cours de laquelle le drame se produisit. Je n'explique pas ce qui s'est passé mais je sais que, pris d'affolement, un jeune officier a tiré. On dit qu'il avait entendu un coup de feu mais on n'a jamais pu le prouver. On dit aussi que ce n'était qu'un pétard lancé sciemment.

 

 

On peut dire ce qu'on veut, l'essentiel étant que cette marche a eu lieu avec ou sans autorisation. En ce qui me concerne, je ne l'ai pas autorisée. Les jeunes marcheurs ont été pris à froid, par les tirs d'un jeune officier réellement affolé. Il avait dû entendre un bruit ou un pétard. Etait-ce une provocation ? Tout est possible. Cela a été très dur car il y a eu beaucoup de morts.

 

 

Un journaliste a également été tué. Il n'avait rien à voir avec les islamistes...

 

 

... Pas du tout. Pas du tout. Je n'ai jamais vu les Islamistes. Je n'ai jamais dialogué avec eux. Il n'y avait pas de dialogue possible avec eux car octobre n'est pas leur fait. Ils n'y sont pour rien.

 

 

LA RÉCUPÉRATION

 

 

C'était pour eux une aubaine tombée du ciel, une occasion offerte sur un plateau d'argent.

 

 

Je reviens à cette haine exacerbée chez la population. D'aucuns l'expliquent par le discours du président du 19 septembre. C'était un discours très dur' Personnellement, j'étais contre sa diffusion. Nous étions plusieurs à être de cet avis. Mais il a été décidé de le diffuser textuellement. Je souhaitais qu'on se revoie à Club des Pins pour en discuter et le revoir. La décision de le diffuser tel quel a donc été prise malgré nous. Je n'étais pas le seul à m'opposer à l'idée de sa diffusion intégrale. Nous étions deux ou trois à exprimer des objections.

 

 

Les services de la présidence étaient divisés sur cette question. Etait-ce Hamrouche ? Maintenant vous me demandez si c'est Hamrouche qui a eu l'idée de la diffusion intégrale. Et je vous dis, oui. Mais il faut l'interroger à ce sujet. Nos rapports n'ont plus été tr&egrav

 

le Forum des étudiants Béjaia dénoce

 

Le mercredi 17 avril 2002

 

Aujourd’hui une préoccupation commune nous anime et nous interrogeons sur le devenir du mouvement citoyen. La brutalité avec laquelle il a été réprimé et les tentatives vaines pour le discréditer, n’ont abouti qu’à renforcer d’avantage chez tous les algériens un esprit de solidarité. Comment ne pas être solidaire lorsque les libertés fondamentales sont bafouées ? Comment rester indifférent lorsque des milliers de personnes au nom de la démocratie brisant le silence réclamant le droit à leur identité dignité et liberté, aspirant à être eux-mêmes et de penser par eux-mêmes ? Il suffit de se rappeler avec quelle violence aveugle, le pouvoir a jeté ses forces de répression sur le mouvement citoyen en Kabylie, l’algérois, les Aures ; le climat de terreur qu’il a instauré dans ces mêmes régions , les enlèvements et les arrestations arbitraires opérées dans le plus pur style colonial. Accepter cette répression se serait renier les idéaux pour lesquels tout un peuple s’est mobilisé pour combattre cette répression coloniale sous toutes ces formes. Accepter de garder le silence sur toutes ces brutalités policières se serait nous rendre complices ! Pire le silence est dans la situation que vit la KABYLIE ces derniers mois, un crime ! Adopter une telle attitude serait de la lâcheté surtout lorsque l’on sait que des centaines de personnes ont été assassinées, blessées, d’autres arrêtées ou tout simplement torturées . La thèse du complot(MOUVEMENT SEPARATISTE) comme les tentatives de démobilisation de masses et le dialogue TAIWAN, n’ont guère eu l’impact souhaité par le pouvoir s’est alors qu’il a eu recours à l’intimidation et à la terreur. Quels crimes, quels actes antinationaux reproche-t-on à ce vaste mouvement démocratique et social résolument pacifique et tourné vers les valeurs universelles à travers les procès de la honte ? Tout simplement le fait d’avoir réclamé tout haut ce que tous les algériens réclament depuis l’indépendance. Le fait d’avoir dénoncé des abus de pouvoir, le pillage systématique des biens de tout un peuple, la faillite de la concorde civile, la dilation de la corruption, l’enrichissement effrayant de quelques notabilités des appareils politiques, alors que les masses sont cantonnées dans une paupérisation sans fin ! Incapable de répondre aux aspirations profondes des algériens, à ces revendications légitimes, les pouvoirs montrent ainsi le mépris traditionnel qu’il a constamment pour notre peuple, le mépris qu’il a toujours eu pour des centaines de militants du mouvement national algérien qui ont consacré toute leur vies à une Algérie libre, indépendante et démocratique et qui sont toujours contraints de vivre sous la menace ou l’exil, c’est aussi la démonstration du profond mépris qu’il témoigne à l’égard de la KABYLIE. Face au pouvoir ante-populaire et antinational, le forum des étudiants de BEJAIA

 

Exige :

 

La libération immédiate et inconditionnelle de tous les détenus, L’arrêt de toutes les mesures d’intimidations policières contre la KABYLIE ,

 

Et Dénonce

 

Les parodies de justice L’état néo-colonial et diviseur du peuple, La répression comme système de gouvernance.

 

SEULE LA LUTTE PAYE. POUR UNE ALGERIE MEILLEURE ET UNE DEMOCRATIE MAJEURE PEPRENDRE LA PAROLE C ’EST REPRENDRE LE POUVOIR FORUM DES ETUDIANTS DE L’UNIVERSITE DE BEJAIABEJAIA LE 10 AVRIL 2002

 

 

 

 

 

 

Intégralité du Code de la famille algérien

 

Intégralité du Code de la famille algérien

 

 

 

Dispositions Générales

 

 

Titre I: Du Mariage

 

Titre II: De La Dissolution Du Mariage

 

Titre III: De La Pension Alimentaire

 

 

Le Président de la République ,

 

Vu la Constitution , notamment ses articles 151-2 et 154:

 

Après adoption par l'Assemblée populaire nationale promulgue la loi dont la teneur suit:

 

 

 

 

 

Article 1er.

 

 

Toutes les relations entre les membres de la famille sont régies par les dispositions de cette loi.

 

Toutes les relations entre les membres de la famille sont régies par les dispositions de cette loi.

 

 

 

Art. 2.

 

 

 

La famille est la cellule de base de la société, elle se compose de personnes unies par les liens de mariage et par les liens de parenté.

 

 La famille est la cellule de base de la société, elle se compose de personnes unies par les liens de mariage et par les liens de parenté.

 

 

 

Art. 3.

 

 

 

La famille repose dans son mode de vie sur l'union, la solidarité, la bonne entente, la saine éducation, la bonne moralité et l'élimination des maux sociaux.

 

 

 

La famille repose dans son mode de vie sur l'union, la solidarité, la bonne entente, la saine éducation, la bonne moralité et l'élimination des maux sociaux.

 

 

 

LIVRE PREMIER

 


DU MARIAGE ET DE SA DISSOLUTION

 

 

TITRE I

 

 

DU MARIAGE

 

 

Chapitre I
Du mariage et des fiançailles

 

 

 

 

Art. 4.

 

 

 

Le mariage est un contrat passé entre un homme et une femme dans les formes légales. Il a entre autres buts de fonder une famille basée sur l'affection, la mansuétude et l'entraide, de protéger moralement les deux conjoints et de préserver les liens de famille.

 

 

 

Le mariage est un contrat passé entre un homme et une femme dans les formes légales. Il a entre autres buts de fonder une famille basée sur l'affection, la mansuétude et l'entraide, de protéger moralement les deux conjoints et de préserver les liens de famille.

 

 

Art. 5.

 

 

 

Les fiançailles constituent une promesse de mariage; chacune des deux parties peut y renoncer.

 

Les fiançailles constituent une promesse de mariage; chacune des deux parties peut y renoncer.

 

S'il résulte de cette renonciation un dommage matériel ou moral pour l'une des deux parties, la réparation peut être prononcée.

 

Si la renonciation est du fait du prétendant, il ne peut réclamer la restitution d'aucun présent.

 

Si la renonciation est du fait de la fiancée, elle doit restituer ce qui n'a pas été consommé.

 

 

 

Art. 6.

 

 

 

Les fiançailles peuvent être concomitantes a la fatiha ou la précéder d'une durée indéterminée.

 

Les fiançailles peuvent être concomitantes a la fatiha ou la précéder d'une durée indéterminée.

 

Les fiançailles et la fatiha sont régies par les dispositions de l'article 5 ci-dessus.

 

 

 

Art. 7.

 

 

 

La capacité de mariage est réputée valide à vingt et un (21) ans révolus pour l'homme et à dix huit (18) ans révolus pour la femme.

 

La capacité de mariage est réputée valide à vingt et un (21) ans révolus pour l'homme et à dix huit (18) ans révolus pour la femme.

 

Toutefois, le juge peut accorder une dispense d'âge pour une raison d'intérêt ou dans un cas de nécessité.

 

 

 

Art. 8.

 

 

 

Il est permis de contracter mariage avec plus d'une épouse dans les limites de la chari'a si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies et, après information préalable des précédente et future épouses. L'une et l'autre peuvent intenter une action judiciaire contre le conjoint en cas de loi ou demander le divorce en cas d'absence de consentement.

 

Il est permis de contracter mariage avec plus d'une épouse dans les limites de la chari'a si le motif est justifié, les conditions et l'intention d'équité réunies et, après information préalable des précédente et future épouses. L'une et l'autre peuvent intenter une action judiciaire contre le conjoint en cas de loi ou demander le divorce en cas d'absence de consentement.

 

 

 

DES ELEMENTS CONSTITUTIFS DU MARIAGE

 

  

 

Art. 9.

 

 

 

Le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints, la présence du tuteur matrimonial et de deux témoins ainsi que la constitution d'une dot.  

 

Le mariage est contracté par le consentement des futurs conjoints, la présence du tuteur matrimonial et de deux témoins ainsi que la constitution d'une dot.

 

 

 

Art. 10.

 

 

 

Le consentement découle de la demande de l'une des deux parties et de l'acceptation de l'autre exprimée en tout terme signifiant le mariage légal.

 

Le consentement découle de la demande de l'une des deux parties et de l'acceptation de l'autre exprimée en tout terme signifiant le mariage légal.  

 

Sont validés la demande et le consentement de l'handicapé exprimés sous toutes formes écrites ou gestuelles signifiant le mariage dans le langage ou l'usage.

 

 

 

Art. 11.

 

 

 

La conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial qui est soit son père, soit l'un de ses proches parents.

 

La conclusion du mariage pour la femme incombe à son tuteur matrimonial qui est soit son père, soit l'un de ses proches parents.

 

Le juge est le tuteur matrimonial de la personne qui n'en a pas.

 

 

Art. 12.

 

 

 

Le tuteur matrimonial (wali) ne peut empêcher la personne placée sous sa tutelle de contracter mariage si elle le désire et si celui-ci lui est profitable. En cas d'opposition, le juge peut autoriser le mariage, sous réserve des dispositions de l'article 9 de la présente loi. 

 

Le tuteur matrimonial (wali) ne peut empêcher la personne placée sous sa tutelle de contracter mariage si elle le désire et si celui-ci lui est profitable. En cas d'opposition, le juge peut autoriser le mariage, sous réserve des dispositions de l'article 9 de la présente loi.

 

Toutefois, le père peut s'opposer au mariage de sa fille mineure si tel est l’intérêt de la fille.

 

  

 

Art. 13.

 

 

 

Il est interdit au wali (tuteur matrimonial) qu'il soit le père ou autre, de contraindre au mariage la personne placée sous sa tutelle de même qu'il ne peut la marier sans son consentement.  

 

Il est interdit au wali (tuteur matrimonial) qu'il soit le père ou autre, de contraindre au mariage la personne placée sous sa tutelle de même qu'il ne peut la marier sans son consentement.

 

 

Art. 14.

 

 

 

La dot est ce que est versé à la future épouse en numéraire ou tout autre bien qui soit légalement licite.

 

La dot est ce que est versé à la future épouse en numéraire ou tout autre bien qui soit légalement licite.

 

Cette dot lui revient en toute propriété et elle en dispose librement.

 

 

 

 

 

Art. 15.

 

 

 

La dot doit être déterminée dans le contrat de mariage que son versement soit immédiat ou à terme.

 

La dot doit être déterminée dans le contrat de mariage que son versement soit immédiat ou à terme.

 

 

 

Art. 16.

 

 

 

La consommation du mariage ou le décès du conjoint ouvrent droit à l'épouse à l'intégralité de sa dot.

 

La consommation du mariage ou le décès du conjoint ouvrent droit à l'épouse à l'intégralité de sa dot.

 

Elle a droit à la moitié de la dot en cas de divorce avant la consommation.

 

 

 

 

 

Art. 17.

 

 

 

Si avant la consommation du mariage, la dot donne lieu à un litige entre les conjoints ou leurs héritiers et qu'aucun ne fournit une preuve, il est statué, sous serment, en faveur de l'épouse ou de ses héritiers. Si ce litige intervient après consommation il est statué, sous serment, en faveur de l'époux ou de ses héritiers.

 

Si avant la consommation du mariage, la dot donne lieu à un litige entre les conjoints ou leurs héritiers et qu'aucun ne fournit une preuve, il est statué, sous serment, en faveur de l'épouse ou de ses héritiers. Si ce litige intervient après consommation il est statué, sous serment, en faveur de l'époux ou de ses héritiers.

 

 

 

DE L'ACTE ET DE LA PREUVE DE MARIAGE

 

 

 

Art. 18.

 

 

 

L'acte de mariage est conclu devant un notaire ou un fonctionnaire légalement habilité, sous réserve des dispositions de l'article 9 de la présente loi.

 

L'acte de mariage est conclu devant un notaire ou un fonctionnaire légalement habilité, sous réserve des dispositions de l'article 9 de la présente loi.

 

 

 

Art. 19.

 

 

 

Les deux conjoints peuvent stipuler dans le contrat du mariage toute clause qu'ils jugent utiles à moins qu'elle ne soit contraire aux dispositions de la présente loi.

 

Les deux conjoints peuvent stipuler dans le contrat du mariage toute clause qu'ils jugent utiles à moins qu'elle ne soit contraire aux dispositions de la présente loi.

 

 

 

Art. 20.

 

 

 

Le futur conjoint peut se faire valablement représenter par un mandataire investi d'une procuration pour se faire dans la conclusion de l'acte de mariage.

 

Le futur conjoint peut se faire valablement représenter par un mandataire investi d'une procuration pour se faire dans la conclusion de l'acte de mariage.

 

 

 

Art. 21.

 

 

 

Les dispositions du code de l'état civil sont applicables en matière de procédure d'enregistrement de l'acte de mariage.

 

Les dispositions du code de l'état civil sont applicables en matière de procédure d'enregistrement de l'acte de mariage.

 

 

 

Art. 22.

 

 

 

Le mariage est prouvé par la délivrance d'un extrait du registre de l'état civil. A défaut d'inscription, il est rendu valide par jugement si, toutefois, les éléments constitutifs du mariage sont réunis conformément aux dispositions de la présente loi. Cette formalité accomplie, il est inscrit à l'état civil.

 

Le mariage est prouvé par la délivrance d'un extrait du registre de l'état civil. A défaut d'inscription, il est rendu valide par jugement si, toutefois, les éléments constitutifs du mariage sont réunis conformément aux dispositions de la présente loi. Cette formalité accomplie, il est inscrit à l'état civil.

 

 

 

Chapitre II
Des empêchements au mariage

 

 

 

 

 

Art. 23.

 

 

 

Les deux conjoints doivent être exempts des empêchements absolus ou temporaires au mariage légal.

 

Les deux conjoints doivent être exempts des empêchements absolus ou temporaires au mariage légal.

 

 

 

Art. 24.

 

 

 

Les empêchements absolus au mariage légal sont:

 

Les empêchements absolus au mariage légal sont:

 

 

 

--- la parenté,

 

--- l'alliance,

 

--- l'allaitement.

 

 

 

Art. 25.

 

 

 

Les femmes prohibées par la parenté sont les mères, les filles, les sœurs, les tantes paternelles et maternelles, les filles du frère et de la sœur.

 

Les femmes prohibées par la parenté sont les mères, les filles, les sœurs, les tantes paternelles et maternelles, les filles du frère et de la sœur.

 

 

 

Art. 26.

 

 

 

Les femmes prohibées par alliance sont:

 

Les femmes prohibées par alliance sont:

 

 

 

1) les ascendantes de l'épouse dès la conclusion de l'acte de mariage,

 

2) les descendantes de l'épouse après consommation du mariage,

 

3) les femmes veuves ou divorcées des ascendants de l'époux à l'infini,

 

4) les femmes veuves ou divorcées des descendants de l'époux à l'infini.

 

 

 

 

 

Art. 27.

 

 

 

L'allaitement vaut prohibition par parenté pour toutes les femmes.

 

L'allaitement vaut prohibition par parenté pour toutes les femmes.

 

 

 

Art. 28.

 

 

 

Le nourrisson, à l'exclusion de ses frères et sœurs, est réputé affilié à sa nourrice et son conjoint et frère de l'ensemble de leurs enfants.

 

Le nourrisson, à l'exclusion de ses frères et sœurs, est réputé affilié à sa nourrice et son conjoint et frère de l'ensemble de leurs enfants.

 

La prohibition s'applique à lui ainsi qu'à ses descendants.

 

 

 

 

 

Art. 29.

 

 

 

La prohibition par l'allaitement n'a d'effet que si ce dernier a lieu avant le sevrage ou durant les deux premières années du nourrisson indépendamment de la quantité de lait tété.

 

La prohibition par l'allaitement n'a d'effet que si ce dernier a lieu avant le sevrage ou durant les deux premières années du nourrisson indépendamment de la quantité de lait tété.

 

 

 

Art. 30.

 

 

 

Les femmes prohibées temporairement sont:

 

Les femmes prohibées temporairement sont:

 

 

--- la femme déjà mariée,

 

--- la femme en période de retraite légale à la suite d'un divorce ou du décès de son mari,

 

--- la femme divorcée par trois fois par le même conjoint pour le même conjoint,

 

--- la femme qui vient en sus du nombre légalement permis.

 

 

 

 

 

Il est également interdit d'avoir pour épouse deux sœurs simultanément, ou d'avoir pour épouses en même temps une femme et sa tante paternelle ou maternelle, que les sœurs soient germaines, consanguines, utérines ou sœurs par allaitement.

 

 

 

 

 

Art. 31.

 

 

 

La musulmane ne peut épouser un non musulman.

 

La musulmane ne peut épouser un non musulman.

 

Le mariage des algériens et algériennes avec des étrangers des deux sexes obéit à des dispositions réglementaires.

 

 

 

 

 

Chapitre III
Mariage vicié et mariage nul

 

 

 

 

 

Art. 32.

 

 

 

Le mariage est déclaré nul si l'un de ses éléments constitutifs est vicié ou s'il comporte un empêchement, une clause contraire à l'objet du contrat ou si l'apostasie du conjoint est établie.

 

Le mariage est déclaré nul si l'un de ses éléments constitutifs est vicié ou s'il comporte un empêchement, une clause contraire à l'objet du contrat ou si l'apostasie du conjoint est établie.

 

 

 

Art. 33.

 

 

 

Contracté sans la présence du tuteur matrimonial, les deux témoins ou la dot, le mariage est déclaré entaché du nullité avant consommation et n'ouvre pas droit à la dot. Après consommation, il est confirmé moyennant la dot de parité (sadaq el mithl) si l'un des éléments constitutifs est vicié. Il est déclaré nul si plusieurs de ses  éléments sont viciés.

 

Contracté sans la présence du tuteur matrimonial, les deux témoins ou la dot, le mariage est déclaré entaché du nullité avant consommation et n'ouvre pas droit à la dot. Après consommation, il est confirmé moyennant la dot de parité (sadaq el mithl) si l'un des éléments constitutifs est vicié. Il est déclaré nul si plusieurs de ses éléments sont viciés.

 

 

 

Art. 34.

 

 

 

Tout mariage contracté avec l'une des femmes prohibées est déclaré nul avant et après sa consommation.

 

Tout mariage contracté avec l'une des femmes prohibées est déclaré nul avant et après sa consommation.

 

Toutefois, la filiation qui en découle est confirmée et la femme est astreinte à une retraite légale.

 

 

 

 

 

Art. 35.

 

 

 

Si l'acte de mariage comporte une clause contraire à son objet, celle-ci est déclarée nulle mais l'acte reste valide.

 

Si l'acte de mariage comporte une clause contraire à son objet, celle-ci est déclarée nulle mais l'acte reste valide.

 

 

Chapitre IV
Des droits et obligations des deux conjoints

 

 

 

 

 

Art. 36.

 

 

 

Les obligations des deux époux sont les suivantes:

 

Les obligations des deux époux sont les suivantes:

 

 

 

1º) sauvegarder les liens conjugaux et les devoirs de la vie commune.

 

2º) contribuer conjointement à la sauvegarde des intérêts de la famille, à la protection des enfants et à leur saine éducation.

 

3º) sauvegarder les liens de parenté et les bonnes relations avec les parents et les proches.

 

 

 

 

 

Art. 37.

 

 

 

Le mari est tenu de:

 

Le mari est tenu de:

 

 

 

1º) subvenir à l'entretien de l'épouse dans la mesure de ses possibilités sauf lorsqu'il est établi qu'elle a abandonné le domicile conjugal,

 

2º) d'agir en toute équité envers ses épouses s'il en a plus d'une.

 

 

 

 

 

Art. 38.

 

 

 

L'épouse à le droit de:

 

L'épouse à le droit de:

 

 

 

1º) visiter ses parents prohibés et de les recevoir conformément aux usages et aux coutumes.

 

2º) disposer de ses biens en toute liberté.

 

 

 

 

 

Art. 39.

 

 

 

L'épouse est tenue de:

 

L'épouse est tenue de:

 

 

1º) obéir à son mari et de lui accorder des égards en sa qualité de chef de famille,

 

2º) allaiter sa progéniture si elle est en mesure de le faire et de l'élever,

 

3º) respecter les parents de son mari et ses proches.

 

 

 

 

 

Chapitre V
De la filiation

 

 

 

Art. 40.

 

 

 

La filiation est établie par le mariage valide, la reconnaissance de paternité, la preuve, le mariage apparent ou vicié et tout mariage annulé après consommation, conformément aux articles 32, 33, et 34 de la présente loi.

 

La filiation est établie par le mariage valide, la reconnaissance de paternité, la preuve, le mariage apparent ou vicié et tout mariage annulé après consommation, conformément aux articles 32, 33, et 34 de la présente loi.

 

 

 

Art. 41.

 

 

 

L'enfant est affilié à son père par le fait du mariage légal, de la possibilité des rapports conjugaux, sauf désaveu de paternité selon les procédures légales.

 

L'enfant est affilié à son père par le fait du mariage légal, de la possibilité des rapports conjugaux, sauf désaveu de paternité selon les procédures légales.

 

 

 

Art. 42.

 

 

 

Le minimum de la durée de grossesse est de six (06) mois et le maximum de dix (10) mois.

 

Le minimum de la durée de grossesse est de six (06) mois et le maximum de dix (10) mois.

 

 

 

Art. 43.

 

 

 

L'enfant est affilié à son père s'il naît dans les dix (10) mois suivant la date de la séparation ou du décès. naître

 

L'enfant est affilié à son père s'il naît dans les dix (10) mois suivant la date de la séparation ou du décès. naître

 

 

 

Art. 44.

 

 

 

La reconnaissance de filiation, celles de paternité ou de maternité, même prononcées durant la maladie précédant la mort, établissent la filiation d'une personne d'ascendants inconnus pour peu que la raison ou la coutume l'admettent.

 

 

 

La reconnaissance de filiation, celles de paternité ou de maternité, même prononcées durant la maladie précédant la mort, établissent la filiation d'une personne d'ascendants inconnus pour peu que la raison ou la coutume l'admettent.

 

 

 

Art. 45.

 

 

 

La connaissance de la parenté en dehors de la filiation, de la paternité et de la maternité ne saurait obliger un tiers autre que l'auteur de la reconnaissance que s'il la confirme.

 

La connaissance de la parenté en dehors de la filiation, de la paternité et de la maternité ne saurait obliger un tiers autre que l'auteur de la reconnaissance que s'il la confirme.

 

 

 

Art. 46.

 

 

 

L'adoption (Tabanni) est interdite par la chari'a et la loi.

 

L'adoption (Tabanni) est interdite par la chari'a et la loi.

 

 

 

TITRE II

 

DE LA DISSOLUTION DU MARIAGE

 

 

 

Art. 47.

 

 

 

La dissolution du mariage intervient par le divorce ou le décès de l'un des conjoints.

 

La dissolution du mariage intervient par le divorce ou le décès de l'un des conjoints.

 

 

 

Chapitre I
Du divorce

 

 

 

 

 

Art. 48.

 

 

 

Le divorce est la dissolution du mariage. Il intervient par la volonté de l'époux ou à la demande de l'épouse dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54.

 

Le divorce est la dissolution du mariage. Il intervient par la volonté de l'époux ou à la demande de l'épouse dans la limite des cas prévus aux articles 53 et 54.

 

 

 

Art. 49.

 

 

 

Le divorce ne peut être établi que par jugement précédé par une tentative de conciliation du juge, qui ne saurait excéder un délai de 3 mois.

 

Le divorce ne peut être établi que par jugement précédé par une tentative de conciliation du juge, qui ne saurait excéder un délai de 3 mois.

 

 

 

Art. 50.

 

 

 

La reprise de l'épouse pendant la période de tentative de conciliation ne nécessite pas un nouvel acte de mariage. Cependant, la reprise de l'épouse suite à un jugement de divorce exige un nouvel acte.

 

 

 

La reprise de l'épouse pendant la période de tentative de conciliation ne nécessite pas un nouvel acte de mariage. Cependant, la reprise de l'épouse suite à un jugement de divorce exige un nouvel acte.

 

 

 

Art. 51.

 

 

 

Tout homme ayant divorcé son épouse par trois fois successives ne peut la reprendre qu'après qu'elle ne soit mariée avec quelqu'un d'autre, qu'elle en soit divorcée ou qu'il meurt après avoir cohabité.

 

 

 

Tout homme ayant divorcé son épouse par trois fois successives ne peut la reprendre qu'après qu'elle ne soit mariée avec quelqu'un d'autre, qu'elle en soit divorcée ou qu'il meurt après avoir cohabité.

 

 

 

Art. 52.

 

 

 

Si le juge constate que le mari aura abusivement usé de sa faculté de divorce, il accorde à l'épouse le droit aux dommages et intérêts pour préjudice qu'elle a subi.

 

Si le juge constate que le mari aura abusivement usé de sa faculté de divorce, il accorde à l'épouse le droit aux dommages et intérêts pour préjudice qu'elle a subi.

 

Si le droit de garde lui est dévolu et qu'elle n'a pas de tuteur qui accepte de l'accueillir, il lui est assuré, ainsi qu'à ses enfants, le droit au logement selon les possibilités du mari.

 

Est exclu de la décision, le domicile conjugal s'il est unique. Toutefois, la femme divorcée perd ce droit une fois remariée ou convaincue de faute immorale dûment établie.

 

 

 

Art. 53.

 

 

 

Il est permis à l'épouse de demander le divorce pour les causes ci-après:

 

Il est permis à l'épouse de demander le divorce pour les causes ci-après:

 

 

 

1º) pour défaut de paiement de la pension alimentaire prononcée par jugement à moins que l'épouse eut connu l'indigence de son époux au moment du mariage sous réserve des articles 78, 79 et 80 de la présente loi,

 

2º) pour infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage,

 

3º) pour refus de l'époux de partager la couche de l'épouse pendant plus de quatre mois,

 

4º) pour condamnation du mari à une peine infamante privative de liberté pour une période dépassant une année, de nature à déshonorer la famille et rendre impossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale,

 

5º) pour absence de plus d'un an sans excuse valable ou sans pension d'entretien,

 

6º) pour tout préjudice légalement reconnu comme tel notamment par la violation des dispositions contenues dans les articles 8 et 37,

 

7º) pour toute faute immorale gravement répréhensible établie.

 

 

 

 

 

Art. 54.

 

 

 

L'épouse peut se séparer de son conjoint moyennant réparation (khl'a) après accord sur celle-ci. En cas de désaccord, le juge ordonne le versement d'une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité à l'époque du jugement.

 

L'épouse peut se séparer de son conjoint moyennant réparation (khl'a) après accord sur celle-ci. En cas de désaccord, le juge ordonne le versement d'une somme dont le montant ne saurait dépasser la valeur de la dot de parité à l'époque du jugement.

 

 

 

Art. 55.

 

 

 

En cas d'abandon du domicile conjugal par l'un des deux époux, le juge accorde le divorce et le droit aux dommages et intérêts à la partie qui subit le préjudice.

 

En cas d'abandon du domicile conjugal par l'un des deux époux, le juge accorde le divorce et le droit aux dommages et intérêts à la partie qui subit le préjudice.

 

 

 

Art. 56.

 

 

 

Si la mésentente s'aggrave entre les deux époux et si le tort n'est pas établi, deux arbitres doivent être désignés pour les réconcilier.

 

Si la mésentente s'aggrave entre les deux époux et si le tort n'est pas établi, deux arbitres doivent être désignés pour les réconcilier.

 

Les deux arbitres, l'un choisi parmi les proches de l'époux et l'autre parmi ceux de l'épouse, sont désignés par le juge à charge pour lesdits arbitres de présenter un rapport sur leur office dans un délai de deux (2) mois.

 

 

 

Art. 57.

 

 

 

Les jugements de divorce ne sont pas susceptibles d'appel sauf dans leurs aspects matériels.

 

Les jugements de divorce ne sont pas susceptibles d'appel sauf dans leurs aspects matériels.

 

 

 

Chapitre II
Des effets du divorce

 

De la retraite légale ('Idda)

 

 

 

 

 

Art. 58.

 

 

 

La femme non enceinte divorcée après la consommation du mariage est tenue d'observer une retraite légale dont la durée est de trois périodes de pureté menstruelle. La retraite légale de la divorcée ayant désespéré de sa menstrues est de trois mois à compter de la date de déclaration du divorce.

 

La femme non enceinte divorcée après la consommation du mariage est tenue d'observer une retraite légale dont la durée est de trois périodes de pureté menstruelle. La retraite légale de la divorcée ayant désespéré de sa menstrues est de trois mois à compter de la date de déclaration du divorce.

 

 

 

Art. 59.

 

 

 

L'épouse dont le mari décède est tenue d'observer une retraite légale dont la durée est de quatre mois et dix jours. Il en va de même pour l'épouse dont le mari est déclaré disparu, à compter de la date du prononcé du jugement constatant la disparition.

 

L'épouse dont le mari décède est tenue d'observer une retraite légale dont la durée est de quatre mois et dix jours. Il en va de même pour l'épouse dont le mari est déclaré disparu, à compter de la date du prononcé du jugement constatant la disparition.

 

 

 

Art. 60.

 

 

 

La retraite légale de la femme enceinte dure jusqu'à sa délivrance. La durée maximale de la grossesse est de 10 mois à compter du jour du divorce ou du décès du mari.

 

La retraite légale de la femme enceinte dure jusqu'à sa délivrance. La durée maximale de la grossesse est de 10 mois à compter du jour du divorce ou du décès du mari.

 

 

 

Art. 61.

 

 

 

La femme divorcée ainsi que celle dont le mari est décédé ne doit quitter le domicile conjugal durant sa période de retraite légale qu'en cas de faute immorale dûment établie. La femme divorcée a droit, en outre, à la pension alimentaire durant sa retraite légale.

 

La femme divorcée ainsi que celle dont le mari est décédé ne doit quitter le domicile conjugal durant sa période de retraite légale qu'en cas de faute immorale dûment établie. La femme divorcée a droit, en outre, à la pension alimentaire durant sa retraite légale.

 

 

 

Du droit de garde (Hadana)

 

 

 

 

 

Art. 62.

 

 

 

Le droit de garde (hadana) consiste en l'entretien, la scolarisation et l'éducation de l'enfant dans la religion de son père ainsi qu'en la sauvegarde de sa santé physique et morale.

 

Le droit de garde (hadana) consiste en l'entretien, la scolarisation et l'éducation de l'enfant dans la religion de son père ainsi qu'en la sauvegarde de sa santé physique et morale.

 

 

 

Le titulaire de ce droit doit être apte à en assurer la charge.

 

 

 

 

 

Art. 63.

 

 

 

En cas d'abandon de famille par le père ou en cas de disparition de celui-ci, le juge peut, avant le prononcé du jugement, autoriser la mère sur simple requête, à signer tout document administratif à caractère scolaire ou social ayant trait à la situation de l'enfant sur le territoire national.

 

 

 

En cas d'abandon de famille par le père ou en cas de disparition de celui-ci, le juge peut, avant le prononcé du jugement, autoriser la mère sur simple requête, à signer tout document administratif à caractère scolaire ou social ayant trait à la situation de l'enfant sur le territoire national.

 

 

 

Art. 64.

 

 

 

Le droit de garde est dévolu d'abord à la mère de l'enfant, puis à la mère de celle-ci, puis à la tante maternelle, puis au père, puis à la mère de celui-ci, puis aux personnes parentes au degré le plus rapproché, au mieux de l'intérêt de l'enfant. En prononçant l'ordonnance de dévolution de la garde, le juge doit accorder le droit de

 

Le droit de garde est dévolu d'abord à la mère de l'enfant, puis à la mère de celle-ci, puis à la tante maternelle, puis au père, puis à la mère de celui-ci, puis aux personnes parentes au degré le plus rapproché, au mieux de l'intérêt de l'enfant. En prononçant l'ordonnance de dévolution de la garde, le juge doit accorder le droit de

 

visite à l'autre partie.

 

 

 

Art. 65.

 

 

 

La garde de l'enfant de sexe masculin cesse à dix ans révolus et celle de l'enfant de sexe féminin à l'âge de capacité du mariage.

 

La garde de l'enfant de sexe masculin cesse à dix ans révolus et celle de l'enfant de sexe féminin à l'âge de capacité du mariage.

 

Le juge prolonge cette période jusqu'à seize ans révolus pour l'enfant de sexe masculin placé sous la garde de sa mère si celle-ci ne s'est pas remariée.

 

 

 

 

 

Toutefois, il sera tenu compte, dans le jugement mettant fin à la garde, de l'intérêt de l'enfant.

 

 

 

 

 

Art. 66.

 

 

 

La titulaire du droit de garde se mariant avec une personne non liée à l'enfant par une parenté de degré prohibé, est déchue de son droit de garde. Celui-ci cesse également par renonciation tant que celle-ci ne compromet pas l'intérêt de l'enfant.

 

La titulaire du droit de garde se mariant avec une personne non liée à l'enfant par une parenté de degré prohibé, est déchue de son droit de garde. Celui-ci cesse également par renonciation tant que celle-ci ne compromet pas l'intérêt de l'enfant.

 

 

 

Art. 67.

 

 

 

Le droit de garde cesse lorsque sa ou son titulaire ne remplit plus l'une des conditions légales prévus à l'article 62 ci-dessus.

 

Le droit de garde cesse lorsque sa ou son titulaire ne remplit plus l'une des conditions légales prévus à l'article 62 ci-dessus.

 

Toutefois, il sera tenu compte, dans le jugement relatif à la disposition ci-dessus, de l'intérêt de l'enfant.

 

 

 

 

 

Art. 68.

 

 

 

L'ayant droit qui tarde plus d'une année à le réclamer, sans excuse valable, est déchu du droit de garde.

 

L'ayant droit qui tarde plus d'une année à le réclamer, sans excuse valable, est déchu du droit de garde.

 

 

 

Art. 69.

 

 

 

Si le titulaire du droit de garde désire élire domicile dans un pays étranger, le juge peut lui maintenir ce droit de garde ou l'en déchoir en tenant compte de l'intérêt de l'enfant.

 

Si le titulaire du droit de garde désire élire domicile dans un pays étranger, le juge peut lui maintenir ce droit de garde ou l'en déchoir en tenant compte de l'intérêt de l'enfant.

 

 

 

Art. 70.

 

 

 

La grand-mère maternelle ou la tante maternelle est déchue de son droit de garde si elle vient à cohabiter avec la mère de l'enfant gardé remariée à un homme non lié à celui-ci par une parenté de degré prohibé.

 

La grand-mère maternelle ou la tante maternelle est déchue de son droit de garde si elle vient à cohabiter avec la mère de l'enfant gardé remariée à un homme non lié à celui-ci par une parenté de degré prohibé.

 

 

Art. 71.

 

 

 

Le droit de garde est rétabli dès que la cause involontaire qui en a motivé le déchéance disparaît.

 

Le droit de garde est rétabli dès que la cause involontaire qui en a motivé le déchéance disparaît.

 

 

 

Art. 72.

 

 

 

Les frais d'entretien et le logement sont à la charge de l'enfant gardé s'il a de la fortune. Au cas contraire, il incombe à son père de pourvoir à son logement ou à payer son loyer s'il n'en a pas les moyens.

 

Les frais d'entretien et le logement sont à la charge de l'enfant gardé s'il a de la fortune. Au cas contraire, il incombe à son père de pourvoir à son logement ou à payer son loyer s'il n'en a pas les moyens.

 

 

 

Des litiges relatifs aux effets du loyer conjugal

 

 

 

 

 

Art. 73.

 

 

 

Si un litige intervient entre les époux ou leurs héritiers relativement aux effets mobiliers du domicile commun sans qu'aucun des conjoints ne fournit de preuve, la déclaration de l'épouse ou ses héritiers fera foi sur son serment quant aux choses à l'usage des femmes seulement, et celle de l'époux ou de ses héritiers fera foi sur son serment quant aux objets à l'usage des hommes seulement.

 

Si un litige intervient entre les époux ou leurs héritiers relativement aux effets mobiliers du domicile commun sans qu'aucun des conjoints ne fournit de preuve, la déclaration de l'épouse ou ses héritiers fera foi sur son serment quant aux choses à l'usage des femmes seulement, et celle de l'époux ou de ses héritiers fera foi sur son serment quant aux objets à l'usage des hommes seulement.

 

 

 

Les objets communs à l'usage de l'homme et de la femme sont partagés entre les époux sur le serment de chacun.

 

 

 

 

 

TITRE III
DE LA PENSION ALIMENTAIRE

 

 

 

 

 

Art. 74.

 

 

 

sous réserve des dispositions des articles 78, 79 et 80 de la présente loi, le mari est tenu de subvenir à l'entretien de son épouse dès la consommation du mariage ou si celle-ci le requiert sur la foi d'une preuve.

 

sous réserve des dispositions des articles 78, 79 et 80 de la présente loi, le mari est tenu de subvenir à l'entretien de son épouse dès la consommation du mariage ou si celle-ci le requiert sur la foi d'une preuve.

 

 

 

Art. 75.

 

 

 

Le père est tenu de subvenir à l'entretien de son enfant à moins que celui-ci ne dispose de ressources.

 

Le père est tenu de subvenir à l'entretien de son enfant à moins que celui-ci ne dispose de ressources.

 

Pour les enfants mâles, l'entretien est dû jusqu'à leur majorité, pour les filles jusqu'à la consommation du mariage.

 

Le père demeure soumis à cette obligation si l'enfant est physiquement ou mentalement handicapé ou s'il est scolarisé.

 

Cette obligation cesse dès que l'enfant devient en mesure de subvenir à ses besoins.

 

 

 

 

 

Art. 76.

 

 

 

En cas d'incapacité du père, l'entretien des enfants incombe à la mère lorsque celle-ci est en mesure d'y pourvoir.

 

En cas d'incapacité du père, l'entretien des enfants incombe à la mère lorsque celle-ci est en mesure d'y pourvoir.

 

 

 

Art. 77.

 

 

 

L'entretien des ascendants incombe aux descendants et vice versa, selon les possibilités, les besoins et le degré de parenté dans l'ordre successoral.

 

L'entretien des ascendants incombe aux descendants et vice versa, selon les possibilités, les besoins et le degré de parenté dans l'ordre successoral.

 

 

 

Art. 78.

 

 

 

L'entretien consiste en la nourriture, l'habillement, les soins médicaux, le logement ou son loyer et tout ce qui est réputé nécessaire au regard de l'usage et de la coutume.

 

L'entretien consiste en la nourriture, l'habillement, les soins médicaux, le logement ou son loyer et tout ce qui est réputé nécessaire au regard de l'usage et de la coutume.

 

 

 

Art. 79.

 

 

 

En matière d'évaluation de l'entretien, le juge tient compte de la situation des conjoints et des conditions de vie. Cette évaluation ne peut être remise en cause avant une année après le prononcé du jugement.

 

En matière d'évaluation de l'entretien, le juge tient compte de la situation des conjoints et des conditions de vie. Cette évaluation ne peut être remise en cause avant une année après le prononcé du jugement.

 

 

 

Art. 80.

 

 

 

L'entretien est dû à compter de la date d'introduction de l'instance.

 

L'entretien est dû à compter de la date d'introduction de l'instance.

 

 

Il appartient au juge de statuer sur le versement de la pension sur la foi d'une preuve pour une durée n'excédant pas une (1) année avant l'introduction de l'instance.

 

 

 

 

 

LIVRE DEUXIEME

 

DE LA REPRESENTATION LEGALE

 

Chapitre I
Dispositions générales

 

 

 

 

Art. 81.

 

 

 

Toute personne complètement ou partiellement incapable du fait de son jeune âge, de sa démence, de son imbécillité ou de sa prodigalité est légalement représentée par un tuteur légal ou testamentaire ou d'un tuteur datif, conformément aux dispositions de la présente loi.

 

Toute personne complètement ou partiellement incapable du fait de son jeune âge, de sa démence, de son imbécillité ou de sa prodigalité est légalement représentée par un tuteur légal ou testamentaire ou d'un tuteur datif, conformément aux dispositions de la présente loi.

 

 

 

Art. 82.

 

 

 

Les actes de toute personne n'ayant pas atteint l'âge de discernement à cause de son jeune âge, conformément à l'article 42 du code civil, sont nuls.

 

Les actes de toute personne n'ayant pas atteint l'âge de discernement à cause de son jeune âge, conformément à l'article 42 du code civil, sont nuls.

 

 

Art. 83.

 

 

 

Les actes de la personne ayant atteint l'âge de discernement, sans être majeure au sens de l'article 43 du code civil, sont valides dans le cas où ils lui sont profitables, et nuls s'ils lui sont préjudiciables.

 

Les actes de la personne ayant atteint l'âge de discernement, sans être majeure au sens de l'article 43 du code civil, sont valides dans le cas où ils lui sont profitables, et nuls s'ils lui sont préjudiciables.

 

Ces actes sont soumis à l'autorisation du tuteur légal ou du tuteur testamentaire, lorsqu'il y a incertitude entre le profit et le préjudice.

 

 

 

 

 

En cas de litige, la justice en est saisie.

 

 

 

 

 

Art. 84.

 

 

 

Le juge peut autoriser la personne ayant atteint l'âge de discernement à disposer de tout ou partie de ses biens, à la demande de toute personne y ayant intérêt. Toutefois, le juge peut revenir sur sa décision s'il en admet le bien fondé.

 

Le juge peut autoriser la personne ayant atteint l'âge de discernement à disposer de tout ou partie de ses biens, à la demande de toute personne y ayant intérêt. Toutefois, le juge peut revenir sur sa décision s'il en admet le bien fondé.

 

 

 

Art. 85.

 

 

 

Les actes d'une personne atteinte de démence, d’imbécillité ou de prodigalité, accomplis sous l'empire de l'un de ces états sont nuls.

 

Les actes d'une personne atteinte de démence, d’imbécillité ou de prodigalité, accomplis sous l'empire de l'un de ces états sont nuls.

 

 

 

Art. 86.

 

 

 

Toute personne majeure non frappée d'interdiction est pleinement capable conformément aux dispositions de l'article 40 du code civil.

 

Toute personne majeure non frappée d'interdiction est pleinement capable conformément aux dispositions de l'article 40 du code civil.

 

 

 

Chapitre II
De la tutelle

 

 

 

 

 

Art. 87.

 

 

 

Le père est tuteur de ses enfants mineurs. A son décès, l’exercice de la tutelle revient à la mère de plein droit.

 

Le père est tuteur de ses enfants mineurs. A son décès, l’exercice de la tutelle revient à la mère de plein droit.

 

 

Art. 88.

 

 

 

Le tuteur est tenu de gérer les biens de son pupille au mieux de l'intérêt de celui-ci. Il est responsable au regard du droit commun et doit solliciter l'autorisation du juge pour les actes suivants:

 

Le tuteur est tenu de gérer les biens de son pupille au mieux de l'intérêt de celui-ci. Il est responsable au regard du droit commun et doit solliciter l'autorisation du juge pour les actes suivants:

 

 

 

1º) vente, partage, hypothèque d'immeuble et transaction,

 

2º) vente de biens meubles d'importance particulière,

 

3º) engagement des capitaux du mineur par prêt, emprunt ou action en participation,

 

4º) location des biens immobiliers du mineur pour une période supérieure à trois années ou dépassant en majorité d'une année.

 

 

 

Art. 89.

 

 

 

Le juge accorde l'autorisation, en tenant compte de la nécessité et de l'intérêt du mineur sous réserve que la vente ait lieu aux enchères publiques.

 

Le juge accorde l'autorisation, en tenant compte de la nécessité et de l'intérêt du mineur sous réserve que la vente ait lieu aux enchères publiques.

 

 

 

Art. 90.

 

 

 

En cas de conflit entre les intérêts du tuteur et ceux de son pupille, un administrateur ad hoc est désigné d'office ou à la demande d'une personne y ayant intérêt, par le juge.

 

En cas de conflit entre les intérêts du tuteur et ceux de son pupille, un administrateur ad hoc est désigné d'office ou à la demande d'une personne y ayant intérêt, par le juge.

 

 

 

Art. 91.

 

 

 

L'administration du tuteur cesse:

 

L'administration du tuteur cesse:

 

 

 

1º) par son incapacité d'exercer la tutelle;

 

2º) par son décès;

 

3º) par son interdiction judiciaire ou légale;

 

4º) par sa déchéance.

 

 

 

 

 

Chapitre III
De la tutelle testamentaire

 

 

 

 

 

Art. 92.

 

 

 

L'enfant mineur peut être placé sous l’administration d'un tuteur testamentaire par son père ou son grand-père au cas où cet enfant est orphelin de mère ou si l'incapacité de cette dernière est établie par tout moyen de droit. En cas de pluralité de tuteurs testamentaires, le juge peut en choisir le plus qualifié sous réserve des dispositions de l'article 86 de la présente loi.

 

L'enfant mineur peut être placé sous l’administration d'un tuteur testamentaire par son père ou son grand-père au cas où cet enfant est orphelin de mère ou si l'incapacité de cette dernière est établie par tout moyen de droit. En cas de pluralité de tuteurs testamentaires, le juge peut en choisir le plus qualifié sous réserve des dispositions de l'article 86 de la présente loi.

 

 

 

Art. 93.

 

 

 

Le tuteur testamentaire doit être musulman, sensé, pubère, capable, intègre et bon administrateur. S'il ne remplit pas les conditions susvisées, le juge peut procéder à sa révocation.

 

Le tuteur testamentaire doit être musulman, sensé, pubère, capable, intègre et bon administrateur. S'il ne remplit pas les conditions susvisées, le juge peut procéder à sa révocation.

 

 

 

Art. 94.

 

 

 

La tutelle doit être soumise au juge, pour confirmation ou infirmation immédiatement après le décès du père.

 

La tutelle doit être soumise au juge, pour confirmation ou infirmation immédiatement après le décès du père.

 

 

 

Art. 95.

 

 

 

Le tuteur testamentaire a le même pouvoir d'administration que le tuteur légal conformément aux dispositions des articles 88, 89 et 90 de la présente loi.

 

Le tuteur testamentaire a le même pouvoir d'administration que le tuteur légal conformément aux dispositions des articles 88, 89 et 90 de la présente loi.

 

 

 

Art. 96.

 

 

 

Le mandat du tuteur testamentaire cesse par:

 

Le mandat du tuteur testamentaire cesse par:

 

 

 

1º) le décès du pupille, la cessation de la capacité du tuteur ou son décès;

 

2º) la majorité du mineur à moins qu'il ne soit frappé d'interdiction par jugement;

 

3º) l'expiration du mandat pour lequel il a été désigné;

 

4º) l'acceptation de l'excuse invoquée pour son désistement;

 

5º) la révocation à la demande d'une personne y ayant intérêt lorsqu'il est prouvé que sa gestion met en péril les intérêts du mineur.

 

 

 

Art. 97.

 

 

 

Le tuteur testamentaire dont le mandat vient à expiration doit restituer les biens qui étaient sous sa responsabilité et présenter les comptes avec les pièces justificatives à son successeur, au mineur à son émancipation ou à ses héritiers dans un délai qui ne doit pas dépasser deux mois à compter de la date d'expiration du mandat.

 

Le tuteur testamentaire dont le mandat vient à expiration doit restituer les biens qui étaient sous sa responsabilité et présenter les comptes avec les pièces justificatives à son successeur, au mineur à son émancipation ou à ses héritiers dans un délai qui ne doit pas dépasser deux mois à compter de la date d'expiration du mandat.

 

Il doit également présenter une copie dudit compte de tutelle à la juridiction compétente.

 

En cas de décès ou de disparition du tuteur testamentaire, il appartient à ses héritiers de restituer les biens du mineur par voie judiciaire à qui de droit.

 

 

 

Art. 98.

 

 

Le tuteur testamentaire est responsable du préjudice causé par sa négligence aux biens de son pupille.

 

Le tuteur testamentaire est responsable du préjudice causé par sa négligence aux biens de son pupille.

 

 

 

Chapitre IV
De l'interdiction

 

 

 

 

 

Art. 99.

 

 

 

Le curateur est la personne désignée par le tribunal, à défaut de tuteur légal ou testamentaire, pour l'administration d'une personne complètement ou partiellement incapable, à la demande de l'un de ses parents, de toute personne y ayant intérêt ou du ministère public.

 

Le curateur est la personne désignée par le tribunal, à défaut de tuteur légal ou testamentaire, pour l'administration d'une personne complètement ou partiellement incapable, à la demande de l'un de ses parents, de toute personne y ayant intérêt ou du ministère public.

 

 

 

Art. 100.

 

 

 

Le curateur a les mêmes attributions que le tuteur testamentaire et obéit aux mêmes dispositions.

 

Le curateur a les mêmes attributions que le tuteur testamentaire et obéit aux mêmes dispositions.

 

 

 

Chapitre V
De l'interdiction

 

 

 

 

 

Art. 101.

 

 

 

Est interdite toute personne majeure atteinte de démence, d’imbécillité ou de prodigalité ou sujette à l'un de ces états.

 

Est interdite toute personne majeure atteinte de démence, d’imbécillité ou de prodigalité ou sujette à l'un de ces états.

 

 

 

Art. 102.

 

 

 

L'interdiction est prononcée à la demande de l'un des parents, d'une personne y ayant intérêt ou du ministère public.

 

L'interdiction est prononcée à la demande de l'un des parents, d'une personne y ayant intérêt ou du ministère public.

 

 

Art. 103.

 

 

 

L'interdiction doit être prononcée par jugement. Le juge peut faire appel à des experts pour en établir les motifs.

 

L'interdiction doit être prononcée par jugement. Le juge peut faire appel à des experts pour en établir les motifs.

 

 

 

Art. 104.

 

 

 

Si la personne frappée d'interdiction est dépourvue de tuteur légal ou de tuteur testamentaire, le juge doit désigner, par le même jugement d'interdiction, un curateur qui assurera l'administration de l'interdit et de ses affaires sans préjudice des dispositions de l'article 100 de la présente loi.

 

Si la personne frappée d'interdiction est dépourvue de tuteur légal ou de tuteur testamentaire, le juge doit désigner, par le même jugement d'interdiction, un curateur qui assurera l'administration de l'interdit et de ses affaires sans préjudice des dispositions de l'article 100 de la présente loi.

 

 

 

Art. 105.

 

 

 

La personne ayant fait l'objet d'une demande d’interdiction doit être mise à même d'assurer la défense de ses intérêts. Le tribunal lui désigne un défenseur s'il le juge utile.

 

La personne ayant fait l'objet d'une demande d’interdiction doit être mise à même d'assurer la défense de ses intérêts. Le tribunal lui désigne un défenseur s'il le juge utile.

 

 

 

Art. 106.

 

 

 

Le jugement d'interdiction est susceptible de toutes voies de recours et doit être rendu public.

 

Le jugement d'interdiction est susceptible de toutes voies de recours et doit être rendu public.

 

 

 

Art. 107.

 

 

 

Tous les actes de l'interdit postérieurs au jugement l'ayant interdit sont réputés nuls. Ses actes antérieurs à ce jugement le sont également si les causes de l'interdiction sont évidentes et notoires au moment de leur accomplissement.

 

Tous les actes de l'interdit postérieurs au jugement l'ayant interdit sont réputés nuls. Ses actes antérieurs à ce jugement le sont également si les causes de l'interdiction sont évidentes et notoires au moment de leur accomplissement.

 

 

 

Art. 108.

 

 

 

L'interdiction peut être levée par jugement à la disparition des causes l'ayant motivée et sur demande de l'interdit.

 

L'interdiction peut être levée par jugement à la disparition des causes l'ayant motivée et sur demande de l'interdit.

 

 

 

Chapitre VI
Du disparu et de l'absent

 

 

 

 

 

Art. 109.

 

 

 

Le disparu est la personne absente dont on ignore où elle se trouve et si elle est en vie ou décédée. Il n'est déclaré tel que par jugement.  

 

Le disparu est la personne absente dont on ignore où elle se trouve et si elle est en vie ou décédée. Il n'est déclaré tel que par jugement.

 

 

 

Art. 110.

 

 

 

Est assimilé au disparu, l'absent empêché durant une année par des raisons de force majeure de rentrer à son domicile ou de reprendre la gestion de ses affaires par lui-même ou par l'intermédiaire d'un mandataire et dont l'absence cause des dommages à autrui.

 

Est assimilé au disparu, l'absent empêché durant une année par des raisons de force majeure de rentrer à son domicile ou de reprendre la gestion de ses affaires par lui-même ou par l'intermédiaire d'un mandataire et dont l'absence cause des dommages à autrui.

 

 

 

Art. 111.

 

 

 

Le juge qui prononce le jugement d'absence ordonne un inventaire des biens de l'absent et désigne un curateur parmi les parents ou autres qui assurera la gestion de ses biens et le recouvrement des parts de succession ou des libéralités lui revenant, sous réserve des dispositions de l'article 99 de la présente loi.

 

 

 

Le juge qui prononce le jugement d'absence ordonne un inventaire des biens de l'absent et désigne un curateur parmi les parents ou autres qui assurera la gestion de ses biens et le recouvrement des parts de succession ou des libéralités lui revenant, sous réserve des dispositions de l'article 99 de la présente loi.

 

 

 

Art. 112.

 

 

 

L'épouse du disparu ou de l'absent peut solliciter le divorce conformément à l'alinéa 5º de l'article53.

 

L'épouse du disparu ou de l'absent peut solliciter le divorce conformément à l'alinéa 5º de l'article 53.

 

 

 

Art. 113.

 

 

 

Un jugement de décès du disparu, en temps de guerre ou en des circonstances exceptionnelles, peut être prononcé passé un délai de quatre ans après investigation. En temps de paix, le juge est habilité à fixer la période d'attente à l'expiration des quatre années.

 

Un jugement de décès du disparu, en temps de guerre ou en des circonstances exceptionnelles, peut être prononcé passé un délai de quatre ans après investigation. En temps de paix, le juge est habilité à fixer la période d'attente à l'expiration des quatre années.

 

 

 

Art. 114.

 

 

 

Le jugement d'absence ou de décès du disparu est prononcé à la demande de l'un des héritiers, de toute personne y ayant intérêt ou du ministère public.

 

Le jugement d'absence ou de décès du disparu est prononcé à la demande de l'un des héritiers, de toute personne y ayant intérêt ou du ministère public.

 

 

 

Art. 115.

 

 

 

La succession de l'absent ne s'ouvre et ses biens ne sont partagés qu'une fois prononcé le jugement déclaratif de décès. Lorsque celui-ci reparaît ou donne signe de vie, il recouvre ce qui subsiste encore de ses biens en nature ou de la valeur de ce qui en a été vendu.

 

La succession de l'absent ne s'ouvre et ses biens ne sont partagés qu'une fois prononcé le jugement déclaratif de décès. Lorsque celui-ci reparaît ou donne signe de vie, il recouvre ce qui subsiste encore de ses biens en nature ou de la valeur de ce qui en a été vendu.

 

 

 

Chapitre VII
Du recueil légal (Kafala)

 

 

 

 

 

Art. 116.

 

 

 

Le recueil légal est l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur, au même titre que le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte légal.

 

Le recueil légal est l'engagement de prendre bénévolement en charge l'entretien, l'éducation et la protection d'un enfant mineur, au même titre que le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte légal.

 

 

 

Art. 117.

 

 

 

Le recueil légal est accordé par devant le juge ou le notaire avec le consentement de l'enfant quand celui-ci a un père et une mère.

 

Le recueil légal est accordé par devant le juge ou le notaire avec le consentement de l'enfant quand celui-ci a un père et une mère.

 

 

 

Art. 118.

 

 

 

Le titulaire du droit de recueil légal (kafil) doit être musulman, sensé, intègre, à même d'entretenir l'enfant recueilli (makfoul) et capable de le protéger.

 

Le titulaire du droit de recueil légal (kafil) doit être musulman, sensé, intègre, à même d'entretenir l'enfant recueilli (makfoul) et capable de le protéger.

 

 

 

Art. 119.

 

 

 

L'enfant recueilli peut être de filiation connue ou inconnue.

 

L'enfant recueilli peut être de filiation connue ou inconnue.

 

 

 

Art. 120.

 

 

 

L'enfant recueilli doit garder sa filiation d'origine s'il est de parents connus. Dans le cas contraire, il lui est fait application de l'article 64 du code de l'état civil.

 

L'enfant recueilli doit garder sa filiation d'origine s'il est de parents connus. Dans le cas contraire, il lui est fait application de l'article 64 du code de l'état civil.

 

 

 

Art. 121.

 

 

 

Le recueil légal confère à son bénéficiaire la tutelle légale et lui ouvre droit aux mêmes prestations familiales et scolaires que pour l'enfant légitime.  

 

Le recueil légal confère à son bénéficiaire la tutelle légale et lui ouvre droit aux mêmes prestations familiales et scolaires que pour l'enfant légitime.

 

 

 

Art. 122.

 

 

 

L'attribution du droit de recueil légal assure l'administration des biens de l'enfant recueilli résultant d'une succession, d'un --- ou d'une donation, au mieux de l'intérêt de celui-ci.

 

L'attribution du droit de recueil légal assure l'administration des biens de l'enfant recueilli résultant d'une succession, d'un --- ou d'une donation, au mieux de l'intérêt de celui-ci.

 

 

 

Art. 123.

 

 

 

L'attributaire du droit de recueil légal peut léguer ou faire don dans la limite du tiers de ses biens en faveur de l'enfant recueilli. Au delà de ce tiers, la disposition testamentaire est nulle et de nul effet sauf consentement des héritiers.

 

L'attributaire du droit de recueil légal peut léguer ou faire don dans la limite du tiers de ses biens en faveur de l'enfant recueilli. Au delà de ce tiers, la disposition testamentaire est nulle et de nul effet sauf consentement des héritiers.

 

 

 

Art. 124.

 

 

 

Si le père et la mère ou l'un d'eux demande la réintégration sous leur tutelle de l'enfant recueilli, il appartient à celui-ci, s'il est en âge de discernement, d'opter pour le retour ou non chez ses parents.

 

Si le père et la mère ou l'un d'eux demande la réintégration sous leur tutelle de l'enfant recueilli, il appartient à celui-ci, s'il est en âge de discernement, d'opter pour le retour ou non chez ses parents.

 

Il ne peut être remis que sur autorisation du juge compte tenu de l'intérêt de l'enfant recueilli si celui-ci n'est pas en âge de discernement.

 

 

 

 

 

Art. 125.

 

 

 

L'action en abandon du recueil légal doit être introduite devant la juridiction qui l'a attribué , après notification au ministère public. En cas de décès, le droit de recueil légal est transmis aux héritiers s'ils s'engagent à l'assurer. Au cas contraire, le juge attribue la garde de l'enfant à l'institution compétente en matière d'assistance.

 

L'action en abandon du recueil légal doit être introduite devant la juridiction qui l'a attribué , après notification au ministère public. En cas de décès, le droit de recueil légal est transmis aux héritiers s'ils s'engagent à l'assurer. Au cas contraire, le juge attribue la garde de l'enfant à l'institution compétente en matière d'assistance.

 

 

 

LIVRE TROISIEME

 

DES SUCCESSIONS

 

Chapitre I
Dispositions générales

 

 

 

 

Art. 126.

 

 

 

Les bases de la vocation héréditaire sont la parenté et la qualité de conjoint.

 

Les bases de la vocation héréditaire sont la parenté et la qualité de conjoint.

 

 

 

Art. 127.

 

 

 

La succession s'ouvre par la mort naturelle réelle ou présumée, cette dernière dûment établie par jugement.

 

La succession s'ouvre par la mort naturelle réelle ou présumée, cette dernière dûment établie par jugement.

 

 

 

Art. 128.

 

 

 

Les qualités requises pour prétendre à la succession sont:

 

Les qualités requises pour prétendre à la succession sont:

 

 

 

-- être vivant ou tout au moins conçu au moment de l'ouverture de la succession,

 

-- être uni au de cujus par un lien qui confère la qualité de successible,

 

-- n'être pas atteint d'une incapacité de succéder.

 

 

 

Art. 129.

 

 

 

Si deux ou plusieurs personnes meurent sans qu'il soit possible de déterminer l'ordre de leur décès, aucune d'elle n'héritera de l'autre que leur mort survienne dans le même accident ou non.

 

Si deux ou plusieurs personnes meurent sans qu'il soit possible de déterminer l'ordre de leur décès, aucune d'elle n'héritera de l'autre que leur mort survienne dans le même accident ou non.

 

 

 

Art. 130.

 

 

 

Le mariage confère aux conjoints une vocation héréditaire réciproque alors même qu'il n'aurait pas été consommé.

 

Le mariage confère aux conjoints une vocation héréditaire réciproque alors même qu'il n'aurait pas été consommé.

 

 

 

Art. 131.

 

 

 

La vocation héréditaire cesse dès lors que la nullité du mariage est dûment établie.

 

La vocation héréditaire cesse dès lors que la nullité du mariage est dûment établie.

 

 

 

Art. 132.

 

 

 

Lorsque l'un des conjoints décédé avant le prononcé du jugement de divorce ou pendant la période de retraite légale suivant le divorce, le conjoint survivant a vocation héréditaire.

 

Lorsque l'un des conjoints décédé avant le prononcé du jugement de divorce ou pendant la période de retraite légale suivant le divorce, le conjoint survivant a vocation héréditaire.

 

 

 

Art. 133.

 

 

 

Est réputé vivant, conformément aux dispositions de l'article 113 de la présente loi, l'héritier en état d'absence qui n'est pas déclaré juridiquement décédé.

 

Est réputé vivant, conformément aux dispositions de l'article 113 de la présente loi, l'héritier en état d'absence qui n'est pas déclaré juridiquement décédé.

 

 

 

Art. 134.

 

 

 

L'enfant simplement conçu n'a vocation héréditaire que s'il naît vivant et viable au moment de l'ouverture de la succession. Est réputé né vivant tout enfant qui vagit ou donne un signe apparent de vie.

 

L'enfant simplement conçu n'a vocation héréditaire que s'il naît vivant et viable au moment de l'ouverture de la succession. Est réputé né vivant tout enfant qui vagit ou donne un signe apparent de vie.

 

 

 

Art. 135.

 

 

 

Est exclu de la vocation héréditaire celui qui:

 

Est exclu de la vocation héréditaire celui qui:

 

 

 

1º) se rend coupable ou complice d'homicide volontaire sur la personne du de cujus;

 

2º) se rend coupable d'une accusation capitale par faux témoignage entraînant la condamnation à mort et l’exécution du de cujus;

 

3º) se rend coupable de non dénonciation aux autorités compétentes du meurtre du de cujus ou de sa préméditation.

 

 

 

 

 

Art. 136.

 

 

 

L'exclusion de la vocation héréditaire d'un héritier, pour l'une des causes susvisées, n’entraîne pas celle des autres héritiers.

 

L'exclusion de la vocation héréditaire d'un héritier, pour l'une des causes susvisées, n’entraîne pas celle des autres héritiers.

 

 

 

Art. 137.

 

 

 

L'héritier, auteur d'un homicide involontaire sur la personne du de cujus, conserve sa vocation héréditaire sans pour autant avoir droit à une part de la rançon (diah) et des dommages et intérêts.  

 

L'héritier, auteur d'un homicide involontaire sur la personne du de cujus, conserve sa vocation héréditaire sans pour autant avoir droit à une part de la rançon (diah) et des dommages et intérêts.

 

 

 

Art. 138.

 

 

 

Sont exclues de la vocation héréditaire, les personnes frappées d'anathème et les apostats.

 

Sont exclues de la vocation héréditaire, les personnes frappées d'anathème et les apostats.

 

 

 

Chapitre II
Les catégories d'héritiers

 

 

 

 

 

Art. 139.

 

 

 

Les catégories d'héritiers sont:

 

Les catégories d'héritiers sont:

 

 

 

1º) les héritiers réservataires (héritiers fard),

 

2º) les héritiers universels (aceb),

 

3º) les héritiers par parenté utérine ou cognats (daoui el arham).

 

 

 

 

 

Art. 140.

 

 

 

Les héritiers réservataires (fard) sont ceux dont la part successorale est légalement déterminée.

 

Les héritiers réservataires (fard) sont ceux dont la part successorale est légalement déterminée.

 

 

 

Art. 141.

 

 

 

Les héritiers réservataires du sexe masculin sont: le père, l'ascendant paternel quel que soit son degré, le mari, le frère utérin et le frère germain, selon la thèse omarienne.  

 

Les héritiers réservataires du sexe masculin sont: le père, l'ascendant paternel quel que soit son degré, le mari, le frère utérin et le frère germain, selon la thèse omarienne.

 

 

 

Art. 142.

 

 

 

Les héritières réservataires sont: la fille, la descendante du fils quel que soit son degré, la mère, l'épouse, l'ascendante paternelle et maternelle quel que soit leur degré, la soeur germaine, la sœur consanguine et la sœur utérine.

 

Les héritières réservataires sont: la fille, la descendante du fils quel que soit son degré, la mère, l'épouse, l'ascendante paternelle et maternelle quel que soit leur degré, la soeur germaine, la sœur consanguine et la sœur utérine.

 

 

 

Art. 143.

 

 

 

Les parts de succession légalement déterminées sont au nombre de six: la moitié, le quart, le huitième, les deux tiers, le tiers et le sixième.

 

Les parts de succession légalement déterminées sont au nombre de six: la moitié, le quart, le huitième, les deux tiers, le tiers et le sixième.

 

Les héritiers réservataires ayant droit à la moitié

 

 

 

 

 

Art. 144.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit à la moitié de la succession sont au nombre de cinq:

 

Les héritiers réservataires ayant droit à la moitié de la succession sont au nombre de cinq:

 

 

 

1º) le mari à condition que son épouse défunte soit sans descendance;  

 

2º) la fille à condition qu'elle soit l'unique descendante du de cujus à l'exclusion de tous autres descendants des deux sexes;

 

3º) la descendante du fils à condition qu'elle soit l'unique héritière à l'exclusion de tous autres descendants directs des deux sexes et d'un descendant du fils du même degré qu'elle;

 

4º) la sœur germaine à condition qu'elle soit unique à défaut de frère germain, de père, de descendants directs ou de descendants du fils quelqu'en soit le sexe et de grand-père qui la rendrait aceb (héritière universelle);

 

5º) la sœur consanguine à condition qu'elle soit unique, à défaut de frères ou de sœurs consanguins, et de tous héritiers cités relativement à la sœur germaine.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit au quart

 

 

 

Art. 145.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit au quart de la succession sont au nombre de deux:

 

Les héritiers réservataires ayant droit au quart de la succession sont au nombre de deux:

 

 

1º) le mari dont l'épouse laisse une descendance,

 

2º) l'épouse ou les épouses dont le mari ne laisse pas de descendance.

 

Les héritiers réservataires ayant droit au huitième

 

 

 

 

 

Art. 146.

 

 

 

Le huitième de la succession revient à l'épouse ou aux épouses dont le mari laisse une descendance.

 

Le huitième de la succession revient à l'épouse ou aux épouses dont le mari laisse une descendance.

 

Les héritiers réservataires ayant droit au deux tiers

 

 

 

Art. 147.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit aux deux tiers de la succession sont au nombre de quatre:

 

Les héritiers réservataires ayant droit aux deux tiers de la succession sont au nombre de quatre:

 

 

 

1º) les filles lorsqu'elles sont deux ou plus à défaut de fils du de cujus;

 

2º) les descendantes du fils du de cujus lorsqu'elles sont deux ou plus à défaut de descendance directe des deux sexes du de cujus ou de descendants du fils au même degré;

 

3º) les sœurs germaines lorsqu'elles sont deux ou plus, à défaut de frère germain, de père ou de descendance directe des deux sexes du de cujus;

 

4º) les sœurs consanguines lorsqu'elles sont deux ou plus, à défaut de frères consanguins ou d'héritiers cités relativement aux deux sœurs germaines.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit au tiers

 

 

 

 

 

Art. 148.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit au tiers de la succession sont au nombre de trois:

 

Les héritiers réservataires ayant droit au tiers de la succession sont au nombre de trois:

 

 

 

1º) la mère à défaut de descendance des deux sexes du de cujus, ayant vocation héréditaire, ou des frères germains, consanguins et utérins même exclus;

 

2º) les frères ou sœurs utérins à défaut du père du de cujus et de son grand-père paternel, de descendance directe de celui-ci et de descendance du fils des deux sexes;

 

3º) le grand-père en concurrence avec des frères et sœurs germains ou consanguins du de cujus à condition que le tiers soit la réserve la plus favorable pour lui.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit au sixième

 

 

 

 

 

Art. 149.

 

 

 

Les héritiers réservataires ayant droit au sixième de la succession sont au nombre du sept:

 

Les héritiers réservataires ayant droit au sixième de la succession sont au nombre du sept:

 

 

 

1º) le père lorsque le de cujus laisse une descendance directe ou par son fils, quelle soit de sexe masculin ou féminin,

 

2º) la mère lorsque le de cujus laisse une descendance à vocation héréditaire ou plusieurs frères et sœurs ayant vocation héréditaire du ------,

 

3º) l'ascendant paternel á défaut de père lorsque le du cujus laisse une descendance directe ou par le fils,

 

4º) L'ascendante paternelle ou maternelle si elle est seule. En cas de concurrence entre les deux ascendantes au même degré du de cujus et lorsque l'ascendante maternelle est au degré le plus éloigné, celles-ci se partagent le sixième à parts égales. Si l'ascendante maternelle est au degré le plus rapproché du de cujus, elle bénéficie du sixième à l'exclusion de l'autre;

 

5º) là ou les filles du fils en concurrence avec une fille directe du de cujus à défaut d'un héritier de sexe masculin au même degré qu'elles;

 

6º) là ou les sœurs consanguines en concurrence avec une sœur germaine du de cujus à défaut de frère consanguin, de père et de descendance des deux sexes du de cujus;

 

7º) le frère utérin ou la sœur utérine à défaut d'ascendance et de descendance du de cujus ayant vocation héréditaire.

 

 

 

 

 

Chapitre III
Les héritiers universels (héritiers aceb)

 

 

 

Art. 150.

 

 

L'héritier universel (aceb) est celui qui a droit á la totalité de la succession lorsqu'il n'y a pas d'autre héritier ou à ce qui en reste après le prélèvement des parts des héritiers réservataires (fard). Il ne reçoit rien si, au partage, la succession revient en totalité aux héritiers réservataires.

 

L'héritier universel (aceb) est celui qui a droit á la totalité de la succession lorsqu'il n'y a pas d'autre héritier ou à ce qui en reste après le prélèvement des parts des héritiers réservataires (fard). Il ne reçoit rien si, au partage, la succession revient en totalité aux héritiers réservataires.

 

 

 

Art. 151.

 

 

 

Les héritiers universels (aceb) se répartissent en:

 

Les héritiers universels (aceb) se répartissent en:

 

 

 

1º) héritier universel (aceb) par lui-même,

 

2º) héritier universel (aceb) par un autre,

 

3º) héritier universel (aceb) avec un autre.

 

 

 

L'héritier universel par lui-même

 

 

Art. 152.

 

 

Est aceb par lui-même tout parent mâle du de cujus quel que soit son degré issu des parents mâles.

 

Est aceb par lui-même tout parent mâle du de cujus quel que soit son degré issu des parents mâles.

 

 

Art. 153.

 

 

Les héritiers aceb par eux-mêmes se répartissent en quatre classes et dans l'ordre suivant:  

 

Les héritiers aceb par eux-mêmes se répartissent en quatre classes et dans l'ordre suivant:

 

 

1º) les descendants : le fils et ses descendants mâles á quel que degré qu'ils soient;

 

2º) les ascendants : le père et ses ascendants mâles á quel que degré qu'ils soient sous réserve de la situation de l'ascendant;

 

3º) les frères : germains et consanguins et leurs descendants mâles á quel que degré qu'ils soient;

 

4º) les oncles : oncles paternels du de cujus, oncles paternels de son père, oncles paternels de son grand-père et leurs descendants mâles á quel que degré qu'ils soient.

 

 

Art. 154.

 

 

En cas de pluralité d'héritiers aceb de la même classe, l'héritier au degré le plus proche du de cujus l'emporte. A égalité de classe ou de degré, l'héritier au lien de parenté dans les lignes paternelles et maternelles le plus proche avec du cujus l'emporte.

 

En cas de pluralité d'héritiers aceb de la même classe, l'héritier au degré le plus proche du de cujus l'emporte. A égalité de classe ou de degré, l'héritier au lien de parenté dans les lignes paternelles et maternelles le plus proche avec du cujus l'emporte.

 

A égalité de classe, de degré et de lien de parenté, il est procédé au partage de la succession á part égale.

 

L'héritier aceb par un autre

 

 

 

Art. 155.

 

 

Est aceb par un autre toute personne de sexe féminin rendue aceb par la présence d'un parent mâle. Les héritières aceb sont:

 

Est aceb par un autre toute personne de sexe féminin rendue aceb par la présence d'un parent mâle. Les héritières aceb sont:

 

 

1º) la fille avec son frère;

 

2º) la fille du fils du de cujus avec son frère, son cousin paternel au même degré ou le fils de celui-ci á un degré plus bas á condition qu'elle n'ait pas la qualité d'héritière réservataire (fard);

 

3º) la sœur germaine avec son frère germain;

 

4º) la sœur consanguine avec son frère consanguin.

 

 

 

Dans tous ces cas, il est procédé au partage de sorte que l'héritier reçoive une part double de celle de l'héritière.

 

 

L'héritier aceb avec un autre

 

 

 

Art. 156.

 

 

Sont aceb avec un autre la ou les sœurs germaines ou consanguines du de cujus lorsqu'elles viennent á la succession avec une ou plusieurs filles directes ou filles du fils du de cujus á condition qu'elles n'aient pas de frère qui soit du même degré ou de grand père.

 

 

 

Sont aceb avec un autre la ou les sœurs germaines ou consanguines du de cujus lorsqu'elles viennent á la succession avec une ou plusieurs filles directes ou filles du fils du de cujus á condition qu'elles n'aient pas de frère qui soit du même degré ou de grand père.

 

 

Art. 157.

 

 

La sœur consanguine ne peut être héritière aceb que s'il n'existe pas de sœur germaine.

 

La sœur consanguine ne peut être héritière aceb que s'il n'existe pas de sœur germaine.

 

 

Chapitre IV

 


Des droits successoraux du grand-père

 

 

Art. 158.

 

 

Si le grand-père aceb vient à la succession concurremment avec les frères et sœurs germains du de cujus, ses frères et sœurs consanguins ou ses frères et sœurs germains et consanguins, il aura le choix de prélever la réserve du tiers de la succession ou de concourir avec les autres héritiers au partage de la succession.

 

Si le grand-père aceb vient à la succession concurremment avec les frères et sœurs germains du de cujus, ses frères et sœurs consanguins ou ses frères et sœurs germains et consanguins, il aura le choix de prélever la réserve du tiers de la succession ou de concourir avec les autres héritiers au partage de la succession.

 

Lorsqu'il est en concurrence avec des frères ou sœurs du de cujus et des héritiers réservataires, il a le choix de prélever la réserve du:

 

 

1º) sixième de la totalité de la succession,

 

2º) tiers restant après le prélèvement des parts revenant aux héritiers réservataires,

 

3º) partage avec les frères et sœurs du de cujus.

 

 

Chapitre V

 


De l'éviction en matière successorale (hajb)

 

 

Art. 159.

 

 

L'éviction en matière successorale est la privation complète ou partielle de l'héritier du droit á la succession. Elle est de deux espèces:

 

L'éviction en matière successorale est la privation complète ou partielle de l'héritier du droit á la succession. Elle est de deux espèces:

 

 

1º) éviction par réduction,

 

2º) éviction totale de l'héritage.

 

L'éviction par réduction

 

 

Art. 160.

 

 

Les héritiers qui bénéficient d'une double réserve sont au nombre de cinq: le mari, la veuve, la mère, la fille du fils et la sœur consanguine,

 

Les héritiers qui bénéficient d'une double réserve sont au nombre de cinq: le mari, la veuve, la mère, la fille du fils et la sœur consanguine,

 

1º) le mari reçoit la moitié de la succession à défaut de descendance et le quart s'il y a descendance,

 

2º) la ou les veuves reçoivent le quart à défaut de descendance du de cujus et le huitième s'il y a descendance,

 

3º) la mère reçoit le tiers de la succession à défaut de descendance du de cujus ou d'aucun frère ou sœurs et les sixième dans le cas contraire,

 

4º) la fille du fils reçoit la moitié de la succession si elle est enfant unique et le sixième si elle est en concurrence avec une seule fille en ligne directe. En cas de pluralité, les filles du fils reçoivent le sixième au lieu des deux tiers.

 

La règle applicable à la fille du fils en concurrence avec une fille en ligne directe vaut pour la fille du fils en concurrence avec la fille d'un fils d'un degré plus rapproché du de cujus,

 

5º) la soeur consanguine reçoit la moitié de la succession si elle est enfant unique, le sixième si elle est en concurrence avec la sœur germaine. En cas de pluralité des sœurs consanguines en concurrence avec une seule sœur germaine, celles-ci se partagent le sixième.

 

 

L’éviction totale de l'héritage

 

 

Art. 161.

 

 

La mère, en matière de droits successoraux, l'emporte sur toutes ascendantes paternelles et maternelles.

 

La mère, en matière de droits successoraux, l'emporte sur toutes ascendantes paternelles et maternelles.

 

La grand-mère maternelle au degré le plus proche l'emporte sur la grand-mère paternelle au degré éloigné. Le père et le grand-père paternel l'emportent sur leurs ascendantes.

 

 

Art. 162.

 

 

Le père, le grand-père paternel à quel que degré qu'il soit, le fils et le petit fils à quel que degré qu'il soit l'emportent sur les fils du frère.

 

Le père, le grand-père paternel à quel que degré qu'il soit, le fils et le petit fils à quel que degré qu'il soit l'emportent sur les fils du frère.

 

 

Art. 163.

 

 

Le fils et la fille du fils à quel que degré qu'il soit l'emportent sur la fille du fils plus éloigné. Celle-ci perd sa vocation successorale en présence de deux filles en ligne directe ou de deux filles d'un fils à un degré plus proche du de cujus à moins que celle-ci ne soit rendue aceb par autrui.

 

Le fils et la fille du fils à quel que degré qu'il soit l'emportent sur la fille du fils plus éloigné. Celle-ci perd sa vocation successorale en présence de deux filles en ligne directe ou de deux filles d'un fils à un degré plus proche du de cujus à moins que celle-ci ne soit rendue aceb par autrui.

 

 

Art. 164.

 

 

Le père, le fils et le fils du fils à quel que degré qu'il soit l'emportent sur la soeur germaine. 

 

Le père, le fils et le fils du fils à quel que degré qu'il soit l'emportent sur la soeur germaine.

 

Le père, le fils, le fils du fils à quel que degré qu'il soit, le frère germain, la sœur germaine si elle est aceb avec un autre, et deux soeurs germaines à défaut d'un frère consanguin, l'emportent sur la sœur consanguine.

 

 

Art. 165.

 

 

Le frère consanguin l'emporte sur les fils des frères germains ou consanguins.

 

Le frère consanguin l'emporte sur les fils des frères germains ou consanguins.  

 

Les fils des frères germains l'emportent sur les descendants des frères consanguins.

 

Les fils des frères germains ou consanguins l'emportent sur les oncles et leurs descendants.